L’économie Algérienne à l’ère des turbulences énergétiques mondiales : quelles perspectives ?

L’économie Algérienne à l’ère des turbulences énergétiques mondiales : quelles perspectives ?

L’Algérie, étant à l’ère de la mondialisation, les turbulences de l’économie mondiale ayant un impact  sur toute la société algérienne, malheureusement l’économie algérienne, après plus de 50 années d’indépendance politique,  étant fortement dépendante toujours  de la rente des hydrocarbures. Or, le 11 décembre  2015, le cours du Brent  a été coté à 38,73 dollars, le WIT 36,09 dollars et la cotation du dollar/euro a été de  1,0954. Le cours  du dinar  algérien par rapport à l’euro    a été  de 117,07 dinars  et pour un dollar 107,70.  Par ailleurs la carte énergétique connait d’importantes mutations. Ainsi, les réserves prouvées  de pétrole traditionnel sont les suivantes selon les données internationales de 2012/2013 : Venezuela 298 milliards de barils  de pétrole 24,80%mais un pétrole lourd   – l’Arabie Saoudite,  266 milliards  avec 22,10%, l’Iran 158,13 soit 10%  et l’Irak 140  11,70%. Loin  derrière,  le Koweït avec 102, les Emiraties 98, la Russie 90, la Libye 49, le Nigeria 38. Et l’Algérie selon le dernier conseil des ministres(2015)  10. Pour les réserves prouvées   de gaz naturel  traditionnel la  Russie vient en tête avec 48.000 milliards de mètres cubes gazeux, l’Iran 34.000, le Qatar 25.000, le Turkménistan  25.000n l’Arabie Saoudite 8000, les USA, 7100, les Emiraties 6100, le Venezuela 5200, le Nigeria 5100  et l’Algérie selon le dernier conseil des ministres 2700.

Plan sommaire

1.-L’OPEP et les mutations énergétiques mondiales

2.-Impact : baisse des  recettes d’hydrocarbures et des réserves de change  

3.- Tensions budgétaires avec le risque d’épuisement de fonds de régulation des recettes

4.-Impact sur la sphère réelle

5.-Quelles perspectives : les actions  de l’Algérie face à la transition énergétique

1.-L’OPEP et les mutations énergétiques mondiales

Le cours du pétrole continue sa chute un niveau jamais atteint depuis plus de quatre années de plus de 60% par rapport à 2014.le cours a été le 08 décembre 20145 de 37,20 dollars le WIT et 40,20 dollars pour le BRENT  le cours du gaz suivant le cours du pétiole. Au niveau de l’Opep, l’Algérie, le Venezuela, qui militent pour une baisse du quota de 2 millions de barils/jour, sont marginalisés par rapport aux poids de l’Arabie Saoudite, rejoint par les pays du Golfe pour dicter sa stratégie. L’Algérie produit depuis janvier 2009 environ 1,2 mb/j, en conformité avec le quota qui lui a été alloué par la Conférence du 17 décembre 2008 à Oran. Par ailleurs, les expériences ayant montré que les pays hors OPEP 67% de la production commercialisée mondiale) dont la Russie ont toujours profité d’une baisse des quotas Opep pour accroître sa production. Les pays membres de l’Opep, depuis l’Accord d’Oran (Algérie) ont maintenu  leurs quotas de production à 30 millions de barils par jour, niveau théorique dépassant en réalité 32 millions de barils/jour La réunion de Vienne du 04 décembre a accru encore les divergences notamment entre l’Iran et l’Arabie Saoudite avec la décision  de porter le quota à 31,5 millions de barils jour incluant l’arrivée de l’Indonésie ( 500.000/600.000 barils jour) et à court terme l’accroissement de la production  iranienne à compter du 01 janvier 2016.   Je recense dix  raisons de la baisse du cours du pétrole.

Premièrement, la récession de l’économie mondiale, dont le ralentissement des pays émergents, Argentine-Brésil-Inde (entre ½%), surtout la Chine, 7% de taux de croissance, due essentiellement au relèvement des taux d’intérêt, le BTPH contribuant à plus de 25% de son PIB, et ce, afin d’éviter la bulle immobilière.

Deuxièmement, l’introduction du gaz/pétrole de schiste américain qui bouleverse toute la carte énergique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour de pétrole à plus de 10 actuellement.

Troisièmement, les rivalités au niveau de l’OPEP dont certains ne respectent pas les quotas, la rivalité Iran-Arabie saoudite, qui ne veut pas perdre ses parts de marché. L’Arabie saoudite (plus de 35% de la production OPEP et 12% de la production mondiale) est le seul pays producteur au monde actuellement qui soit en mesure de peser sur l’offre mondiale, et donc sur les prix, n’existant pas pour des raisons géostratégiques de rivalités avec les USA. A terme, le prix d’équilibre sera déterminé fondamentalement par une entente entre l’Arabie saoudite et les USA.

Quatrièmement, la stratégie expansionniste des pays hors OPEP représentant 67% de la commercialisation mondiale (33% au sein de l’OPEP avec dominance de l’Arabie saoudite et les pays du Golfe) dont Gazprom, tant pour le pétrole que le gaz, la Russie ayant besoin de financement, les tensions en Ukraine n’ayant en rien influé sur ses exportations en Europe où sa part de marché pour le gaz a été de 30% en 2014. L’expérience par le passé a montré que la Russie a pris des parts de marché lorsque l’OPEP diminuait ses quotas.

Cinquièmement, du retour sur le marché de la Libye avec 800 000 barils/jour actuellement et pouvant aller jusqu’à 2 millions de barils/jour, de l’Irak avec 3,7 millions de barils/jour (deuxième réservoir mondial à un coût de production inférieur à 20% par rapport à ses concurrents) pouvant aller vers plus de 8/9 millions, et de l’Iran, 2,7 millions de barils/jour pouvant aller à plus de 5/7 millions à moyen terme, et dans une période très courte pouvant dépasser 3,5 millions de barils/jour. D’ailleurs, avec les nouvelles découvertes dans le monde, notamment en offshore, notamment en Méditerranée orientale (20 000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région) et en Afrique dont le Mozambique qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique, et les nouvelles technologies permettent la réduction des coûts des gisements marginaux.

Sixièmement, l’efficacité énergétique dans la majorité des pays occidentaux, avec une prévision de réduction de 30% (économie énergie-ciment-rond à béton) interpellant l’Algérie qui continue de construire deux millions de logements avec les anciennes méthodes de construction.

Septièmement, les tendances sont à une nouvelle division et spécialisation internationale avec la concentration de l’industrie manufacturière forte consommatrice d’énergie en Asie qui absorbera 65% de la consommation mondiale à l’horizon 2030, notamment l’Inde et la Chine. Les relations clients-fournisseurs seront à leur avantage, pour avoir des avantages comparatifs et pousseront à la baisse des prix comme le fait la Chine actuellement pour le Venezuela et l’Équateur.

Huitièmement, l’importance des stocks notamment américains et la  spéculation des traders au niveau des marchés boursiers.

Neuvièmement, l’occupation par les terroristes de champs pétroliers et gaziers, notamment en Irak, Syrie avec des écoulements au marché noir pour un baril à 30 dollars notamment en direction de la Turquie.

Dixièmement, en principe toute hausse du dollar entraîne une baisse du cours du pétrole, bien que n’existant pas de corrélation linéaire. Or, paradoxe, dans le contexte actuel nous assistons, à la baisse du dollar par rapport à l’euro et pas d’influence sur la baisse des prix, les pays OPEP étant ainsi doublement pénalisés, montrant que le problème est ailleurs.

2.-Impact  de la chute es cours sur les recettes de Sonatrach  

Une baisse en moyenne annuelle d’un dollar du cours du pétrole ( le prix de cession du gaz étant indexé sur celui du pétrole)  occasionne  un manque à gagner   d’environ 600 millions de dollars. Les réserves de pétrole selon le dernier conseil des ministres est d’environ 10 milliards de barils et celles du gaz conventionnel de 2700 milliards de mètres cubes gazeux étant lin des données souvent reprises par la presse nationale  de plus de 12 milliards de barils de pétrole et de 4500 milliards de mètres cubes gazeux ((données de BP de 1999 jamais réactualisé). Les exportations de gaz( par canalisation et GNL)  qui représentent plus  34% des recettes de Sonatrach  durant 2010/2014 n’ont jamais pu dépasser la barre des 55 milliards de mètres cubes gazeux. La part  de marché  traditionnel à savoir l’Europe, est  passée de 13/14% vers les années 2007/2008  à 8% en 2014, l’Algérie  fortement concurrencée par Gazprom(30%) et le Qatar. Avec la forte consommation inférieure  notamment du gaz, l’ex ministre de l’énergie, en 2013,  avait prévu plus de 60/70 milliards de mètres cubes gazeux de consommation  intérieure horizon 2030. A ce rythme d’exportation et de la forte consommation intérieure l’Algérie, à moins de découvertes substantielles à des couts compétitifs, avec  une population d’environ 50 millions d’habitants risque se de retrouver sans pétrole et gaz traditionnel horizon 2030.  A court terme, les recettes de Sonatrach ont été  de  73 milliards de dollars entre 2010/2011, 63 milliards de dollars en 2013  59 milliards de dollars en 2014 avec un cours moyen de 85/90 dollars. Selon la LFC2015 à un cours de 60 dollars en moyenne annuelle il était prévu une recette de Sonatrach de 34 milliards de dollars, montant auquel il faudra soustraire 20% de coût de Sonatrach restant  27 milliards de dollars. Au cours de 50 dollars moyenne annuelle  la recette de Sonatrach serait de 28 milliards de dollars et le profit net  de 22/23 milliards de dollars. Au cours de 40 dollars la recette  serait de 18 milliards de dollars et le profit net de Sonatrach serait  d’environ 14/15 milliards de dollars. Comment dès lors mobiliser les 100 milliards de dollars prévus comme investissement  entre 2015/2020 par le ministère de l’énergie sans compter plus de 20 milliards de dollars pour Sonelgaz, d’autant plus que la loi des hydrocarbures votée en février 2013, outre la règle des 49/51% généralisable tant à l’amont pour tous les gisements  qu’à l’aval et aux canalisations ,  prévoit une taxe  sur les profits  de 30% au-delà d’un certain seuil , décourageant avec l’actuel prix tout investisseur étranger ?  Or selon la BA en 2014 la sortie de devises  sans les transferts légaux de capitaux a été de 71,3 milliards de dollars (dont 11,5 de services).

3.- Tensions  au niveau de la balance des  paiements et risque d’épuisement des réserves de change

Ainsi, la balance commerciale a accusé un déficit durant les 10 mois de l’année 2015 de 10,82 milliards de dollars  contre un excédent de 4,82 milliards de dollars durant la même période 2014. Les exportations d’hydrocarbures ont été estimées à   30,25 milliards de dollars contre 51,22 milliards de dollars en 2014 et les exportations hors hydrocarbures marginales (diminution de 18,18%)   ont été  de 1,76 milliards de dollars constituées de 1,44 milliards de dollars de semi-produits soit 82%du total. Les importations,  bien qu’en petite baisse, (12,35%) restent élevées, car bon nombre de produits incompressibles,  de  42,94 milliards de dollars et au  même rythme devrait pour les importations de biens être de 52 milliards de dollars. Si l’on ajoute environ  11 milliards de  servies  et 4/5 milliards de dollars de transferts légaux de capitaux  nous aurons une sortie de devises fin 2015 de 67/68 milliards de dollars pour une entrée de devises de inférieures à 34 milliards de dollars, le cours du Brent étant inférieur durant le dernier  trimestre à 45 dollars.  Le niveau des réserves de change qui étaient supérieur à 192 milliards de dollars janvier  seraient  de 151 milliards de dollars en 2015 et à 121 milliards à fin 2016 selon le Ministre des finances,  un niveau qui représente 23 mois d’importations mais tablant sur un cours de 60 dollars le baril. Or le montant risquent d’être  inférieur  tant fin 2015 que fin 2016.   La valeur d’une monnaie qui  dépend fondamentalement de la production et de la productivité  globale,  en Algérie 70% de la  valeur du dinar est corrélée aux réserves de change qui proviennent  presque intégralement de la rente des hydrocarbures. Ainsi les réserves de change  sont passées de 192 milliards de dollars début janvier 2014, les 173 tonnes d’or équivalent seulement à environ 7 milliards de dollars et termineront certainement entre 140/145 milliards de dollars fin 2015. Au rythme de l’actuelle dépense publique, les réserves de change risquent de s’épuiser horizon 2018/2019 avec un retour inéluctable au FMI. C’est pour cela que  l’endettement extérieur, le taux d’intérêt très faible au niveau mondial,  bien ciblé  destiné à l’investissement productif et sur une période longue afin de ne pas réduire  les réserves de change pourrait être  une opportunité. Mais parallèlement il faudra dynamiser le tissu productif industrie, agriculture, services, tourisme dans le cadre des valeurs internationales  en termes de cout/qualité supposant un assouplissement  de la règle 49/51% pour les segments non stratégiques  pouvant imaginer une minorité de blocage, du fait que toutes les chancelleries USA-Europe, Asie viennent de déclarer à l’unanimité  durant  ce dernier trimestre 2015, que pour les  PMI/PME, vecteur de croissance et de création d’emplois  dans le monde, leurs entreprises ne viendraient pas  en Algérie avec cette règle. Pourquoi cette obstination à garder une règle généralisée  qui accroit l’endettement extérieur sans apporter une valeur ajoutée ? A moins que l’Algérie supporte tous les  surcouts, mais  impossible  actuellement du fait   de la baisse drastique des recettes en devises.

4.- Tensions budgétaires avec le risque d’épuisement de fonds de régulation des recettes

La loi  de finances 2016 table sur des dépenses budgétaires globales de 7.984,1 milliards de DA, avec 4.807,3 md de DA consacrés au budget de fonctionnement, et 3.176,8 md de DA pour celui d’équipement. Quant aux recettes, elles sont de 4.747,4 md de DA dont 3.064,88 md de DA pour les recettes ordinaires et 1.682,55 md de DA pour la fiscalité pétrolière, donnant un déficit budgétaire de 3236,7 dinars soit au cours de 106 dinars  un dollar 30,53 milliards de dollars. Or, le cours du dollar est passé en deux années  de 75/77 dinars un dollar à 106/107 dinars un dollar et 116/117 dinars un euro, soit une dépréciation par rapport au dollars de 41,33% et par rapport à l’euro de plus de 35% par rapport à l’euro . Ce glissement du dinar ( on ne peut parler de dévaluation au terme de la Loi  du fait que  toute dévaluation qui se prend en conseil des ministres mais ayant le même impact économique sur le consommateur et le producteur )  de 75 dinars à 106 dinars un dollars  et 85 dinars    à 116/117 dinars un euro voile l’importance du déficit budgétaire. Cela gonfle la fiscalité  pétrolière et ordinaire touchant tous les exportations  et importations et par ricochet le fonds de régulation des recettes calculé en dinars. Si  l’on avait appliqué 75 dinars un dollar le déficit budgétaire  serait de  43,57 milliards de dollars fin 2016. Donc nous avons  un impact sur le fonds de régulation des recettes. Créé en 2000, le FRR est alimenté à partir du différentiel entre la fiscalité pétrolière budgétisée, élaborée sur la base d’un baril de 37 dollars, et celle réelle qui est engendrée par des ventes de pétrole calculées sur un prix moyen sur les marchés internationaux, et avec la loi de finances 2016, la référence sera 45 dollars. Le Fonds de régulation des recettes (FRR) a été fortement sollicité en 2014. Les avoirs du FRR ont servi, durant les premières années de sa création, à payer par anticipation la dette extérieure de l’Etat. A partir de 2006, le FRR a changé de vocation, ses fonds étant destinés exclusivement à combler le déficit budgétaire. Depuis 2006, les prélèvements du Fonds se sont poursuivis avec une cadence importante et accélérée en raison de la détérioration du déficit budgétaire durant ces dernières années. Le FRR a été sollicité à financer le déficit du Trésor public à hauteur de 91,5 mds de DA en 2006, de 531,9 mds de DA en 2007, de 758,1 mds de DA en 2008, de 364,2 mds de DA en 2009, de 791,9 mds de DA en 2010, de 1.761,4 mds de DA en 2011, de 2.283,2 mds de DA en 2012, de 2.132,4 mds de DA en 2013 , de 2.965,6 mds de DA en 2014.et pour fin 2016 un déficit du solde global du Trésor de 2.452 md de DA soit 23,13 milliards de dollars. Selon les données de la Direction générale de la prévision et des politiques (DGPP) du ministère des Finances, reprises par l’APS, les avoirs prélevés du FRR ont atteint 2.965,6 mds de DA en 2014 (contre 2.132,4 mds de DA en 2013), soit les plus importants retraits enregistrés depuis 2000. Ces prélèvements opérés en 2014 ont servi exclusivement à financer le déficit du Trésor de l’année dernière, qui s’est creusé à 2.965,6 mds de DA, un plus haut jamais atteint depuis 2000. A fin 2014, les avoirs du FRR s’étaient établis, après prélèvements, à 4.408,4 mds de DA (contre 5.563,5 mds de DA à fin 2013). .Pour fin 2016 le  Fonds de régulation des recettes (FRR), est  estimé à 1.797 md de DA à fin 2016, soit au cours de 106 dinars un dollar 16,95 milliards de dollars.

5.-Impact sur la sphère réelle : taux de croissance, inflation, chômage

Le problème qui se pose, avec la baisse des recettes de Sonatrach, le gouvernement pourra t-il continuer  dans sa politique de subventions généralisées et non ciblées ? Les transferts sociaux selon la loi de finances 2016 sont  en hausse à 7,5 à 23% du budget de l’Etat, avec une enveloppe de 477 milliards de DA pour le soutien à l’habitat, 446 milliards de DA pour le soutien aux familles, dont 222 milliards de DA pour la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huile), ainsi que 316 milliards de DA pour le soutien à la santé soit 1461 milliards de dinars soit 13,78 milliards de dollars.. Subventions et transferts sociaux 60 milliards de dollars presque 27/28% du PIB et au sein uniquement des subventions les carburants représentent plus  de 11 milliards de dollars, prix de l’électricité plafonné depuis 2005 expliquant le déficit structurel de SONELGAZ ayant préconisé   une chambre nationale de compensation  inter -socioprofessionnelle et inter- régionale. Outre le risque de tensions au niveau des caisses de retraite, la demande d’emplois entre 300.00/350.000 par an nécessite  un taux de croissance en terme réel (devant raisonner à prix constants et jamais à prix courants) de 8/9% pendant 5 à 10 ans pour réduire les tensions sociales. Bien que les données du ministère des finances font état d’une hausse significative du PIB de l’Algérie qui s’est établi à 17.731 milliards de DA (environ 221 milliards de dollars) en 2014, contre 16.570 mds de DA (196 mds de dollars) en 2013,  le taux de croissance, moyenne annuelle, n’a pas  dépassé 3% entre 2000/2014. Pour environ 70%, les besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le  taux d’intégration ne dépasse pas 70% provient de l’extérieur, la rubrique matières premières ayant été de plus de 17 milliards de dollars  en 2014, expliquant  la hausse des couts et donc des prix avec le dérapage du dinar.  Les  5/6% de taux de croissance hors hydrocarbures avec la dominance du BTPH ( avec une exception pour l’agriculture dont une partie des inputs proviennent également de l’extérieur)  ont été rendus possible à plus de 80%  que grâce à la dépense publique  via la rente des hydrocarbures durant cette période.  En rappelant que selon  le FMI , données corroborées par les rapports de la banque d’Algérie,  les recettes ont été  de 780 milliards de dollars entre 2000/2014 et les importations en devises d’environ 588 milliards de dollars Selon l’ONS , 83% de la superficie économique est constituée de petits commerce/services. Le secteur industriel représente moins de 5% du PIB  et sur ces 5% 95% sont des PMI/PME peu initiées au mangement et à l’innovation, technologique. Et le mythe est toujours de croire au miracle de l’ère mécanique largement dépassée devant tenir compte tant de la concurrence internationale que des innovations technologiques  impliquant un investissement massif dans la  recherche développement, le capital argent n’étant qu’un moyen ne créant pas  de richesses. Ainsi,  il s ‘agira d’éviter de  fausses polémiques  en distinguant démonopolisation ( favorisant le secteur privé nouveau) ne devant plus faire la différence entre  secteur privé  et secteur public qui doivent évoluer dans un environnement concurrentiel, mais parler d’entreprises et privatisation qui constitue une  cession partielle ou totale d ‘actifs. Le projet  de loi d’investissement  ne concerne pas Sonatrach  Sonelgaz soumises à des lois spécifiques.  Comme le droit  de préemption qui constitue un acte de souveraineté nationale, un simple conseil des ministères étant suffisant pour les  segments stratégiques qu’il s ‘agit de définir ave précision car historiquement datés. Car si les réserves de change   étaient inférieures à 10 milliards de dollars,  un  dollar se coterait à plus de 200 dinars un dollar avec une incidence sur le pouvoir d’achat. Cela induirait une amplification  de l’inflation importée ayant un impact sur toutes les entreprises locales( hausse des couts  donc des prix)   et   sur les importations de produits finis .

6.- Quelles perspectives ?

Car même en progression, les investissements dans les énergies renouvelables dans le  monde sont relativement  faibles, estimées à  310 milliards de dollars en 2014, dont le solaire 150 milliards de dollars, prévues horizon 2020 d’environ 600 milliards de dollars. Comment inverser la courbe, renvoyant à des questions stratégiques : quel   niveau pour l’efficacité énergétique, le niveau de la  taxe sur le  carbone,  et comment développer les industries écologiques ? Cela suppose  l’urgence d’intégrations régionales, une synchronisation des politiques publiques,  donc une nouvelle gouvernance mondiale et un nouveau modèle de consommation énergétique mondial.  Chaque année dans le monde, 5 300 milliards de dollars (10 millions de dollars par minute) sont dépensés par les Etats pour soutenir les énergies fossiles, selon les estimations du Fonds monétaire international (FMI) rapport pour la COP21. Or, il semble bien que la majorité des dirigeants du monde ont pris conscience de l’urgence d’aller vers une transition énergétique. Car si les Chinois, les Indiens, le continent Afrique, avaient le même modèle de consommation énergétique que les USA, il faudrait cinq fois la planète terre. En cas d’une mutation du modèle de consommation énergétique au niveau mondial, (l’avenir à l’horizon 2030 étant hydrogène), une taxe de carbone à l’échelle mondiale influencera à terme le niveau des prix des énergies fossiles vers le bas et permettra des énergies de substitution.  Pour le moyen terme, bon nombre d’experts estiment que le coût marginal de production saoudien (c’est-à-dire le coût du puits le plus cher à exploiter) est compris entre 25 et 30 dollars contre 60-70 dollars du côté du pétrole de schiste pour les gisements marginaux et 40/60 pour les grands gisements, les nouvelles technologies ayant réduit substantiellement les coûts. Mais la réalité est plus complexe, et entre la géostratégie mettant en difficulté la Russie et l’Iran, le Venezuela, afin de négocier en rapport de forces, et par voie de conséquence, l’Algérie, ces pays étant les maillons faibles de l’OPEP avec des difficultés financières à terme. C’est que la Russie a besoin d’un baril à 110 dollars pour boucler son budget, le Venezuela de 120, l’Iran de 140 et l’Algérie pour les lois de Finances (le cours plancher de 37 dollars étant un artifice comptable) 2014-2015 à 120-125 dollars, contre 110 dollars entre 2011-2012.  Il y a urgence  d’une  transition  énergétique qui  peut être définie comme le passage d’une civilisation humaine construite sur une énergie essentiellement fossile, polluante, abondante, et peu chère, à une civilisation où l’énergie est renouvelable, rare, chère, et moins polluante. L’objectif est  le remplacement à terme des énergies de stock (pétrole, charbon, gaz, uranium) par les énergies de flux (éolien, solaire, biomasse) impliquant de cerner le concept de transition énergétique  et de  répondre à cinq questions essentielles.

Premièrement, le développement actuel de l’extraction d’énergies fossiles dites «non conventionnelles», telles que les gaz de schistes ou le pétrole off-shore profond, peuvent repousser le pic, sans pour autant modifier le caractère épuisable de ces ressources. Deuxièmement, si l’humanité généralisait le mode de consommation énergétique des pays riches, il nous faudrait les ressources de 4 ou 5 planètes d’où l’urgence d’une adaptation pour un nouveau modèle de consommation. Troisièmement, la transition énergétique implique la sobriété énergique (efficacité énergétique), la maîtrise de la demande, la sensibilisation, mais aussi la formation pour forger de nouveaux comportements et donc un changement de culture. Quatrièmement, la transition énergétique  renvoie à une politique de MIX énergétique qui nécessitera d’adapter le réseau électrique aux nouveaux usages, supposant un nouveau réseau de distribution adapté aux nouvelles productions et de consommations pour garantir la continuité de fourniture et au meilleur prix. Cinquièmement, la transition énergétique suppose un consensus social et les remous sociaux d’In Salah en sont les témoins, l’acceptabilité des citoyens, tant en raison de la protection de l’environnement des coûts de l’énergie, devant être profitable aux générations futures, car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires? Ainsi, la transition énergétique renvoie à d’autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale. Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c’est le socle social Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme. Dans ce cadre quelles sont les actions souhaitables de l’Algérie face à cette transition énergétique. Je recense cinq axes directeurs qui doivent s’inscrire dans le cadre d’une vision stratégique de développement tenant compte des nouvelles mutations mondiales.

Premièrement, il s’agit d’améliorer l’efficacité énergétique par d’une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix ) occasionnant un gaspille des ressources qui sont gelés transitoirement pour des raisons sociales. C’est la plus grande réserve pour l’Algérie impliquant de revoir les politiques de l’habitat, du transport et une sensibilisation de la population devant revoir la politique des prix,.

Deuxièmement, investir raisonnablement à l’amont pour de nouvelles découvertes mais parallèlement développer les filières de la pétrochimiques en co-partenariat, mais au vu des prix de cession internationaux devant tenir compte de rentabilité et la protection de l’environnement.

Troisièmement, le développement des énergies renouvelables où les  filières concernées sont le solaire photovoltaïque et thermique, l’éolien, la géothermie, la petite hydraulique, la biomasse, la valorisation des déchets et les installations de cogénération. La combinaison de 20% de gaz conventionnel et 80% de solaire me semble être un axe essentiel pour réduire les coûts et maîtriser la technologie. L’Algérie prévoit horizon 2030 40% de la consommation électrique à partir des énergies renouvelables, nécessitant d’ores et déjà d’importants investissements avec des montants contradictoires des responsables de l’énergie  parfois 60 milliards de dollars et parfois 100 milliards de dollars, montant étalé sur 15 ans.

Quatrièmement, l’option du gaz de schiste introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures de 2013. En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, un large débat national s’impose, car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays. L’Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l’eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d’eau douce, (les nouvelles techniques peu consommatrices d’eau devant être mise au point horizon 2020) devant poser également cette question économique :  quel sera le  coût, fonction de l’achat du savoir-faire) et donc sa rentabilité.

Cinquièmement pour toutes les formes d’énergie il s’agira d’investir dans la ressource humaine  afin d’éviter l’exode de cerveaux massif que connait l’Algérie, Sonatrach se vidant de sa substance. Le poste services est passé de 2 milliards de dollars en 2OO2 à environ 12 milliards entre 2012/2014.

En conclusion, mesdames et Messieurs, le blocage étant d’ordre systémique, l’on devra éviter tant l’illusion organisationnelle sans objectifs stratégiques (combien d’organisations et de codes d’investissement depuis l’indépendance politique) que monétaire. Car le dinar est passé de 4 dinars un dollar vers les  années 1975 à 16 dinars un dollar avant la dévaluation de 1994 et l’Algérie est toujours dépendante des hydrocarbures  95% des exportations et incluant les dérivées d’hydrocarbures 98%.le défi est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires de  dynamiser le tissu productif, entreprises publiques et privées locales et internationales créatrices de valeur ajoutée interne ,  devant se fonder sur l’entreprise créatrice de richesses  et l’économie de la connaissance. Comme je l’ai annoncé depuis près de trois années ( voir www.google.fr) et devant le premier ministre algérien  récemment  lors  de la conférence organisée par  le Ministère de l’Industrie à Alger( 05 novembre 2014) ,  les ajustements économiques et sociaux à venir seront douloureux, impliquant un comité de crise indépendant, un discours de vérité, une moralité sans faille de ceux qui dirigent la Cité et tenant compte de toutes les sensibilités un large front national de toutes les algériennes et les algériens. L’objectif stratégique  est de  contribuer à la croissance du pays, condition de la création d’emplois productifs et  d’atténuation des tensions sociales. L’Algérie  doit   profiter de sa relative aisance  financière, dette extérieure très faible, moins de 4 milliards de dollars et bien utiliser ses réserves de change en   transformant  cette richesse virtuelle en richesses réelles, de libérer toutes les  énergies créatrices,  et donc de réaliser la  transition difficile vers une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.  L’Algérie en ces moments difficiles tant sur le plan géostratégique qu’économique  n’a pas  besoin de polémiques inutiles .Elle a besoin  de sérénité, d’une mobilisation de tous. A ce titre, le débat contradictoire productif au profit exclusif des intérêts supérieurs du pays  afin d’aller vers un renouveau de la gouvernance me semble être la seule voie  pour surmonter et résoudre les nombreux défis  qui nous  attendent. L’Algérie en a les moyens pour peu que l’on développe un discours de tolérance, personne   n’ayant le monopole  du nationalisme ou de la vérité.

Professeur des Universités Abderrahmane MEBTOUL Expert International

Intervention à l’Université Tlemcen-Faculté  des  Sciences économiques, Commerciales et de Gestion -12/13 Novembre 2015 Bibliothèque Centrale Imama  -Symposium National sur « L’économie Algérienne à l’ère des turbulences: quelles perspectives? »

Nb- Professeur Abderrahmane Mebtoul, Expert international – Docteur d’Etat en gestion (1974) – Directeur d’Etudes Ministère Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2007- ancien magistrat- premier conseiller à la Cour des comptes et directeur général des études économiques (1980/1983) président du Conseil algérien des privatisations -rang Ministre Délégué – (1996/1999) – membre du conseil économique et social 1997/2008- A dirigé trois   audits pour le gouvernement   sur Sonatrach  deux entre 1974/1979 et une entre  2006/2007 , l’audit sur le secteur privé pour le comité central du FLN  (1980), l’audit pour la DGSN (1997/1998), l’audit  sur l’emploi et les salaires pour la présidence (2008/2009) et récemment l’audit sur la relance socio-économique face à la mondialisation pour le gouvernement horizon 2020/2025 ( janvier 2013) et l’audit sur le pétrole gaz de schiste : risques et opportunités (février 2015)- Expert indépendant auprès du premier ministre de 2013 à ce jour. Membre de conseil scientifique de plusieurs organisations internationales, il est l’auteur de 20 ouvrages individuel ou direction de collectif et de plus de 500 communications nationales.