ALGER- Le recours à un emprunt obligataire d’Etat, annoncé mercredi par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est une alternative financière judicieuse pour contribuer dans le financement budgétaire face à la baisse des cours de brut et des ressources financières publiques, affirme à l’APS l’économiste Chérif Belmihoub.
« L’emprunt obligataire est une bonne chose car c’est le seul moyen qui reste pour mobiliser l’épargne nationale et faire face aux engagements budgétaires du pays. Il évitera un recours précipité à l’endettement extérieur », explique ce professeur en économie institutionnelle et en management.
Le taux de 5% fixé pour cet emprunt devra garantir un engouement de la part des épargnants, selon cet expert.
En effet, explique-t-il, un tel taux est intéressant dans la mesure où il est aligné sur le taux d’inflation mais il est beaucoup mieux rémunéré que les dépôts bancaires dont les taux tournent actuellement entre 1,75% et 2%.
« Une rémunération des obligations à 5% n’est ni trop élevée ni trop basse. Elle est juste ce qu’il faut. On ne peut pas fixer un taux de 3%, par exemple, car les intérêts tirés par les souscripteurs auront été vite absorbés par l’inflation et ça ne serait donc pas intéressant pour eux. Il fallait impérativement offrir un taux supérieur au taux d’inflation ou, du moins, aligné sur ce dernier », détaille-t-il.
Il avise, cependant, que ce taux d’intérêt attractif pourrait engendrer « un effet d’éviction sur les investissements » du fait d’un éventuel transfert massif des fonds déposés dans les banques vers l’achat des obligations d’Etat.
Selon lui, en dehors des fonds informels, une grande partie de l’épargne nationale se trouve déjà dans les banques, et un tel écart entre le taux de l’emprunt obligataire et les taux d’intérêt bancaires servis aux épargnants risque de pousser ces derniers à retirer leurs fonds pour les placer dans les obligations étatiques mieux rémunérées.
Un tel scénario diminuerait les financements bancaires en direction des entreprises et risque, donc, de réduire les investissements: « C’est pour cette raison que ça serait plus intéressant si l’on arrive à puiser dans les fonds formels hors secteur bancaire ».
Par ailleurs, il préconise que l’emprunt soit à la fois public et institutionnel pour permettre à l’Etat de collecter des fonds auprès, à la fois, des entreprises et des particuliers.
=L’endettement externe inévitable en cas de faible mobilisation de l’épargne=
Questionné sur l’intérêt du pays à recourir à l’endettement extérieur, ce professeur en économie estime que l’Algérie ne possède pas encore les techniques nécessaires lui permettant de négocier efficacement des prêts à l’international.
« Aujourd’hui, l’Algérie est complètement en dehors du marché financier international et n’a, donc, pas la compétence adéquate pour bien négocier une dette. Or, un pays doit avoir des crédits très biens négociés sinon il risque de se faire avoir par ses créanciers », prévient-il.
Mais selon cet expert, si les prix du brut continueraient leur baisse ou qu’ils augmenteraient sans atteindre les 40 dollars, le recours à l’endettement externe serait inévitable dès 2017 après épuisement total du Fonds de régulation des recettes (FRR), et ce, dans le cas où l’épargne nationale ne sera pas suffisamment mobilisée tel qu’escompté.
Il estime, toutefois, qu’un endettement externe est un moyen de financement « normal » pratiqué de par le monde: « Il ne faut surtout pas confondre entre dette extérieure et souveraineté ».
Interrogé également sur le « modèle économique » qui conviendrait à l’Algérie dans la conjoncture économique actuelle, il juge, tout d’abord, que l’on ne parle plus aujourd’hui de « modèles économiques » mais, plutôt, de « politiques économiques » basées essentiellement sur la bonne gouvernance, des compétences techniques, une transparence totale dans la gestion des affaires publiques et des choix économiques rationnels basés sur un « arbitrage intelligent ».
Abordant, dans ce sens, les arbitrages budgétaires, il estime qu’ils devront être axés sur le budget de fonctionnement par la réduction des allocations allouées à des institutions et organismes budgétivores et improductives.
Par contre, poursuit-il, les dépenses d’équipement doivent être préservées du fait que « l’investissement est vital pour la croissance et l’emploi ».
Sur la plan opérationnel, il cite, entre autres, la nécessité de la valorisation de la pétrochimie, la promotion des énergies renouvelables et la révision de la politique des subventions qui deviennent, selon lui, « insoutenables ».
Il prône aussi la flexibilité du marché du travail: « L’emploi à vie n’est plus possible aujourd’hui. Il faut avoir le courage politique pour généraliser les contrats à durée déterminée pour permettre une flexibilité du marché de l’emploi en cas de crise ».