L’interview accordée par le coach national Rabah Saâdane au quotidien français le Parisien mérite qu’on y revienne.
Les explications sur la déroute des Verts en terre sud-africaine dénotent une certaine “philosophie” de travail chère à Saâdane. Ainsi, à propos de la stérilité offensive, notre Cheikh national indique : “Les critiques ne sont pas nouvelles, elles existaient déjà avant la CAN. Notre problème à propos de cette Coupe du monde vient surtout des joueurs blessés avant le tournoi. En plus de Meghni, il y avait cinq joueurs cadres touchés.
On n’a pu jouer avec l’équipe type qu’à partir des matches officiels et les gars manquaient de repères. Si l’on avait eu la chance de les avoir plus tôt disponibles, on serait montés plus vite en puissance.
D’ailleurs, sur le dernier match, on s’est procuré plus d’occasions. Je tiens aussi à préciser que j’ai essayé la paire Djebbour-Ghezzal avant la Coupe du monde, mais ça ne fonctionnait pas à cause de méformes ou de manque de complémentarité.
C’est pourquoi j’ai associé Matmour à Djebbour en pointe lors du dernier match.” Et d’ajouter plus loin : “Améliorer l’attaque, c’est avoir un bon passeur, mais aussi un bon finisseur.
On avait entamé le travail de prospection avant la Coupe du monde, et des noms étaient apparus comme ceux de Karim Benyamina (Union Berlin, D2 allemande) ou Karim Soltani (Ado Den Haag, D1 hollandaise), mais on n’a pas pu concrétiser. Il va falloir continuer.
On a aussi dans notre championnat un joueur comme Abdelmalek Ziaya (ES Sétif) qui est pétri de qualités, mais il est encore trop fragile psychologiquement.”
D’une manière tout à fait implicite donc, et sans doute sans se rendre compte, Saâdane donne une certaine légitimité aux critiques de la presse au sujet de l’inefficacité offensive. Pourtant, au moment où ces critiques fusaient de partout, Saâdane ne semblait pas s’en préoccuper. Il disait même qu’il ne lisait pas la presse nationale qu’il avait qualifiée du reste de peu “professionnelle”. “Je sais ce que je fais”, assurerait-il.
Le problème est que Saâdane n’a jamais voulu chercher des solutions en dehors de ce trio Matmour-Ghezzal-Djebbour. Il était persuadé que la solution viendrait de lui. Il est resté otage de ses idées préconçues, alors qu’un Ziaya en grande forme aurait pu constituer une alternative.
Si Saâdane avait fait le même effort pour convaincre Ziaya de donner le meilleur de lui-même comme il l’a fait avec Ghezzal, Djebbour ou autres Matmour, l’ex-Sétifien serait venu. La vérité est que Ziaya s’est senti marginalisé. On peut toujours condamner son refus de répondre à l’appel de l’EN, mais tous ceux qui ont joué au football savent qu’il est difficile de travailler avec un entraîneur qui, chaque jour que Dieu fait, vous prouve qu’il n’a point confiance en vous.
À propos du manque d’audace de son équipe, Saâdane rétorque dans le Parisien : “Je me demande bien ce qu’on pouvait faire de plus. Le système qu’on a mis en place, toutes les équipes qui ont nos moyens jouent comme ça. On a une bonne assise défensive, il faut se servir de ça. Je viens de voir la Slovaquie, ils ont battu l’Italie avec cette organisation.
Ou alors, on fait comme la Corée du Nord et on en prend 7 (contre le Portugal, ndlr). Et puis, jouer l’attaque, c’est bien beau mais il faut avoir les possibilités physiques pour le faire et il faut du temps. Mais avec les dates Fifa, on en manque pour travailler la cohésion.” Voilà qui est dit, Saâdane est parti à la Coupe du monde avec la peur immense de subir un affront, de se faire balayer comme la Corée contre le Portugal. Ce lapsus est révélateur de l’état d’esprit de Saâdane.
Quand Saâdane dit que la Slovaquie a gagné contre l’Italie avec un système à l’algérienne, nous avons l’impression franchement de n’avoir pas vu le même match.
Non, Monsieur Saâdane, la Slovaquie pressée dans le camp adverse a provoqué les fautes qui sont d’ailleurs derrière les buts. La Slovaquie a un système de jeu, certes qui repose sur une bonne assise défensive mais audacieux. Or, les Verts ont passé le temps à attendre l’adversaire et faire la passe à dix.
Nous avons attendu que nos adversaires fassent la faute ou qu’ils s’épuisent sur le plan physique pour tenter de surprendre, mais contrairement aux Égyptiens à Oumdurman, nos adversaires étaient attentifs. Ils ont bien étudié notre jeu. Et Saâdane n’a pas eu le réflexe d’adapter son système de jeu aux exigences de la rencontre et la meilleure illustration nous est venue du match contre les USA durant lequel, le coach américain Bradley a misé le tout pour le tout en attaque au moment où Saâdane préféra laisser deux belles cartes offensives, Boudebbouze et Abdoun sur le banc.
À propos de la gestion de l’affaire Mansouri, Saâdane s’emporte même : “Qui vous dit que je lui ai annoncé (qu’il n’était plus titulaire, ndlr) trois jours avant le premier match face à la Slovénie ? En réalité, je lui avais fait passer le message dès le stage suisse de Crans-Montana. Je lui avais dit : tu n’es pas titulaire à Lorient, pourquoi tu le serais chez nous ? Ensuite, il a joué les matches amicaux parce qu’il y avait des blessés.
En Coupe du monde, il n’y a pas de place pour les sentiments. Ce qui s’est passé, c’est que sa mise à l’écart s’est confirmée quand j’ai considéré que Yebda était apte et que j’ai dégagé l’équipe type, trois jours avant le match. Ensuite, il a boudé. Je vais même vous dire une chose : il aurait pu jouer pendant cette Coupe du monde parce que, pour moi, c’était le premier remplaçant. Malheureusement, après sa réaction, j’ai considéré qu’il n’était pas assez fort psychologiquement.”
Première nouvelle, Saâdane aurait fait comprendre à Mansouri qu’il ne serait pas titulaire au Mondial lors du stage de Crans-Montana, soit bien avant le Mondial. Pourtant, il n’en a pas parlé lors de ses différents points de presse. Pis, aux questions des journalistes, Saâdane avait même nié “la révélation” de Liberté. “Mansouri a toujours ma confiance”, disait-il. Le problème est que Saâdane avait du mal à affronter Mansouri et ses acolytes. Il a laissé faire avant de prendre tout simplement Mansouri au dépourvu.
À propos du camp de base situé au niveau de la mer et très isolé, Saâdane tente une confession malheureuse : “Le problème, c’est qu’on est arrivés parmi les derniers (qualifiés, ndlr) et tous les sites proposés par la Fifa ne répondaient pas à nos critères.
On a suivi le modèle de l’équipe de France. Au final, même si le camp était situé au niveau de la mer, on a rectifié le tir pour le troisième match en rejoignant Pretoria trois jours avant la rencontre. D’ailleurs, sur le plan physique, on a tenu le coup face aux États-Unis. Quant à l’isolement, les joueurs n’en ont pas souffert, ou alors ils ne m’en ont pas parlé. Le souci dans des longs stages suivis de phase de compétition, c’est de prévoir des sorties.
Mais ici, l’environnement sécuritaire ne nous le permettait pas. On aurait aimé au moins des sas de décompression pour les joueurs après les matches, mais c’était impossible.”
Faut-il rappeler à Saâdane qu’il a lui-même choisi ce camp et qu’il disait lui-même que l’EN était placée dans des conditions excellentes ?
Samir Lamari