Decathlon, le spécialiste français de l’équipement sportif, pourrait ouvrir une centaine de magasins en Iran d’ici 12 ans. Un objectif ambitieux qui illustre l’appétit des grands groupes français pour ce pays, potentiel eldorado économique.
Depuis le mois de juillet, Philippe Bernadat se rend en Iran toutes les semaines pour prospecter et sonder le marché. Cet employé de l’équipementier sportif Decathlon s’est porté volontaire pour étudier l’implantation de la marque française dans le pays. Et en devenir, à terme, le futur PDG.
Philippe Bernadat voit dans la République islamique « un potentiel économique incontestable et un attrait pour le sport très important chez la population ». D’ailleurs, l’idée lui est venue pendant les négociations sur le nucléaire iranien, avant même l’accord du 14 juillet dernier. Il le sait : c’est maintenant qu’il faut se positionner. « Dès la première visite, j’ai été convaincu d’avoir pris la bonne décision, dit-il. Tout le monde est sur les rangs. Il ne faut pas trop tarder et être là au bon moment. »
Des débuts prometteurs
L’Iran, fort de ses 78 millions d’habitants, dont la moitié a moins de 30 ans, est dans tous les viseurs. Le pays est la 18e puissance économique du monde en parité de pouvoir d’achat. Et avec la levée prochaine des sanctions bancaires en vertu de l’accord historique de cet été, et donc son ouverture sur le marché mondial, la République islamique pourrait voir une arrivée massive d’investissements étrangers. « Imaginez un pays où huit villes ont plus d’un million d’habitants. On en est au tout début, mais ça va se développer », explique Philippe Bernadat.
Depuis le mois de juillet, impossible de réserver une chambre dans les hôtels 4 étoiles de la capitale iranienne, prise d’assaut par les hommes d’affaires en quête de contrats avec leurs homologues iraniens. C’est une délégation allemande, menée par le ministre de l’Économie, Sigmar Gabriel, qui a ouvert le bal, quelques jours seulement après l’accord du 14 juillet. Deux mois plus tard, le Medef s’est rendu dans le pays, accompagné par les dirigeants des grands groupes du CAC 40. Les arrivées des enseignes françaises Bouygues et Sephora sont elles annoncées pour l’an prochain. Pour l’instant, dans le secteur du sport, seule la marque Go Sport s’est déjà implantée il y a quelques années, grâce à des partenaires locaux dans le pays.
Une stratégie en deux temps
S’implanter en Iran prend du temps. Il faut établir un contact avec les intermédiaires iraniens, appréhender les subtilités du marché et trouver les locaux pour s’installer. Decathlon envisage d’abord de commercialiser ses produits via Internet. L’ouverture des premières enseignes ne devrait pas avoir lieu avant 2018 à Téhéran. La capitale iranienne étant entourée par les montagnes, les articles de randonnée ou de sports d’hiver seront mis en tête de gondoles. « Il y a des installations sportives partout dans les parcs ici, les Iraniens se lèvent à l’aube pour marcher avant d’aller travailler. »
Pour l’heure, l’homme d’affaires mise surtout sur le bouche-à-oreille et l’ouverture du futur site internet. « Le recrutement se fera en France d’abord, il y a déjà beaucoup de volontaires en interne », ajoute t-il. Dans un second temps, une trentaine d’employés locaux pourraient être embauchés par boutique.
Philippe Bernadat souhaite également proposer des articles au plus bas prix et importer des activités sportives tout autour des enseignes. « Je me suis rendu compte, en regardant chez la concurrence, que les produits sportifs d’ici étaient 15 à 20 % plus chers que les produits venant d’Europe. » Dans un premier temps, les produits seront directement importés de France avant d’être produits à l’échelle locale, explique-t-il. Avant d’ajouter : « À la différence d’autres pays, il est plus difficile de s’implanter en Iran, mais plus facile de se développer ici ».
La grande inconnue : la levée des sanctions
Aujourd’hui, la seule question en suspens reste la date de la levée des sanctions bancaires. Pour le moment, il est impossible de transférer des fonds de banques étrangères vers l’Iran. En vertu de l’accord signé en juillet, ces sanctions pourraient être levées au plus tôt au premier trimestre 2016.
L’Iran a bien senti aussi cet attrait des investisseurs étrangers qui n’attendent qu’une chose : son ouverture sur le marché économique. La construction frénétique de centres commerciaux à l’occidentale dans la capitale s’est encore intensifiée depuis quelques mois. Le dernier projet en date est l’Iran Mall, à Téhéran, qui devrait être l’une des cinq plus grandes galeries marchandes au monde, avec une surface de 360 000 m2.