L’enseignement de l’histoire a connu des « manipulations » et des « dérapages » par le passé, déplore l’universitaire et historien, Hassan Remaoun, estimant néanmoins que cette situation se redresse « lentement » et « progressivement ».
« L’histoire est une source de connaissance méthodique de soi et des autres, pour s’enrichir, se comprendre et échanger. De ce point de vue, l’enseignement de l’histoire a pu connaître beaucoup de manipulations et de dérapages de par le passé « , soutient M. Remaoun, professeur à l’Université d’Oran 2 et chercheur au Centre de recherche en anthropologie sociale et culturelle (CRASC), dans un entretien accordé à l’APS.
A la question de savoir si cet enseignement, tel que dispensé depuis l’indépendance, était fidèle à la « vérité historique », le chercheur en histoire ajoute que « les enjeux de mémoire présents dans toute société ne tendent pas à remplacer une recherche historique fondée académiquement et dont les résultats peuvent ne pas plaire à tous les segments de la société ».
Reconnaissant également l’existence, toujours par le passé, d’un « manque flagrant de pédagogie et de professionnalisme, pas seulement à propos de l’enseignement de l’histoire », il relève que « les arrière-pensées politiciennes ou rétrogrades y sont en effet pour beaucoup » dans cet état de fait.
Pour autant, le spécialiste note que cet enseignement se remet « progressivement, sans doute lentement, mais espérons-le, sûrement », de cette situation.
Estimant que l’enseignement dispensé aux petits enfants « ne doit pas trop être éloigné du savoir constitué sur le plan historique », il ajoute que celui-ci doit « aussi laisser une large place à l’imaginaire identitaire et national ».
« Assez vite cependant, il faudra que les élèves passent à un autre stade et appréhendent l’histoire comme une discipline à vocation critique et d’ouverture sur les sociétés humaines dans leur ensemble », poursuit-il.
M. Remaoun explicite la « double » fonction de l’enseignement de l’histoire consistant, en premier lieu, à « cibler l’ancrage identitaire dans une société donnée », ce qui est du ressort « en quelque sorte » de l’histoire nationale, note-t-il.
Le rôle de la guerre de libération est, à ce titre, « important », dans la mesure où celle-ci constitue un « événement fondateur » de l’indépendance et de l’Etat national, observe-t-il, à ce propos.
« Cependant, pour contribuer à forger une véritable citoyenneté, l’enseignement de l’histoire ne peut se contenter de cela. Il doit aussi et impérativement contribuer, à partir d’un certain âge, à forger chez l’enfant l’esprit critique requis pour appréhender la complexité du monde qui nous entoure, la modestie et la tolérance que suppose l’approche scientifique dans l’étude des sociétés humaines », souligne encore l’historien et universitaire.
Interpellé sur la question du volume horaire consacré à la matière de l’histoire dans les différents cycles d’enseignement, M. Remaoun est d’avis qu’ »on ne peut gonfler indéfiniment le volume horaire scolaire au profit ou au détriment de telle ou telle discipline ».
Selon lui, Il existe « d’autres voies et moyens » qui doivent être mis en place et exploités pour appuyer les cours dispensés en classe, faisant remarquer que si « la culture historienne déployée à l’école est effectivement parfois insuffisante », explique-t-il c’est précisément parce que ces voies et moyens « ne sont pas suffisamment investis ».
Il cite, entre autres vecteurs, les jeux pour enfants, les bibliothèques, le théâtre, le cinéma, la visite de musées et autres lieux de mémoire, l’organisation de conférences de spécialistes et d’acteurs de la société destinées au profit de la jeunesse, etc.
A la question de savoir si l’école et l’université algériennes sont en mesure aujourd’hui de prodiguer un enseignement « objectif » et « épuré » de l’histoire, M. Remaoun suggère que « dépasser cet état de fait, suppose une volonté citoyenne et une vigilance permanente, aussi bien de la part des pouvoirs publics que des études éclairées avec l’appui de segments de la société globale ».
Sans prétendre « garantir une réponse optimiste » à cette interrogation, il n’en estime pas moins que « l’enjeu en vaut la chandelle », arguant de la « disponibilité » d’un potentiel à même de garantir un « changement » dans le sens positif. Lequel changement, commente-t-il, devra « s’exprimer avec toutes ses forces » et ne fera pas, pour autant, de l’Algérie « la première société à emprunter ce chemin ».