Son rôle de trappeur devant lutter pour sa survie dans le film du Mexicain Alejandro Iñárritu lui offre enfin le Graal. Portrait.
La question était sur toutes les lèvres et agitait, à quelques semaines des Oscars 2016, tout le cénacle hollywoodien. Alors que tout le monde s’accorde à redire depuis des années que le comédien de 41 ans est l’un des acteurs les plus talentueux de sa génération, l’Académie des Oscars le boudait de façon tellement scandaleuse que ça en devenait un running gag dans la profession. DiCaprio, lui, n’en avait cure. D’extérieur parce qu’on pouvait imaginer que jusqu’il y a quelques minutes, il pouvait la trouver saumâtre.
Une performance que personne ne peut contester
Après son Golden Globe, en janvier dernier le nouvel acteur fétiche de Martin Scorsese (avec lequel il a déjà tourné cinq films) doublait ses chances de gagner son premier Oscar. C’est désormais chose faite. Et personne ne contestera la performance très physique de l’acteur dans des conditions très difficiles dans The Revenant.
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Le tournage au Canada n’a pas été de tout repos pour l’équipe comme pour DiCaprio qui a quand même trouvé le temps de s’exfiltrer du tournage pendant une semaine afin de faire la bamboula avec ses ami(e)s le 11 novembre 2015 et souffler ses quarante et une bougies entouré de son « posse ». Reste que sa performance, nous le disions, récompensée il n’est pas un prix de consolation. Loin de là. Disons quand même que l’Académie répare une espèce d’injustice qui a ému la planète entière. Ainsi, une enseignante russe, Tatiana Egorova, a lancé la campagne « Un Oscar pour Leo ». Si le comédien révélé dans Titanic rentrait chez lui bredouille, il recevait en guise de consolation une statuette en argent massif de son fan club russe.
Emmanuel Lubezki, Leonardo DiCaprio et Alejandro Gonzalez Inarritu : triplé pour « The Revenant » © AFP
Reste que rien que sur cette bonne dizaine d’années, l’ami de toujours de Tobey Maguire aurait pu gagner un Oscar pour, au hasard, sa prestation absolument renversante de Howard Hughes dans Aviator de Martin Scorsese, ou pourquoi pas pour son interprétation exubérante et opiacée dans Le Loup de Wall Street du même Scorsese et même pour sa relecture flamboyante du héros de F. Scott Fizgerald dans Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann.
Nommé à l’Oscar à 19 ans
DiCaprio avait d’ailleurs été nominé pour ses deux prestations dans les films de Scorsese précités mais aussi pour son rôle dans Blood diamond (de Edward Zwick) et déjà en 1993 dans Gilbert Grape (Lasse Hallström) où il est nommé à l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle à l’âge de 19 ans. Face à Johnny Depp, le jeune Leo est déjà bluffant.
Leonardo DiCaprio et Johnny Depp dans Gilbert Grape © DR
Si Titanic (1997) constitue indiscutablement un marqueur dans la carrière du comédien, il s’illustrait déjà sous la caméra de Agnieszka Holland, de Sam Raimi et de Baz Luhrman déjà en Roméo Montaigu dans la relecture baroque du classique de Shakeaspeare Romeo + Juliette. Dans la première décennie du nouveau millénaire, DiCaprio tourne peu (neuf films) mais pose déjà les jalons pour la suite de sa carrière.The Beach de Danny Boyle ; une première collaboration avec Scorsese (Gangs of New York) et un rôle formidable sous l’œil de Steven Spielberg en escroc flamboyant dans Catch me if you can. Une prestation plus légère où excelle l’Américain.
Leo peut tout jouer
DiCaprio confirme l’immensité de son talent dans des personnages sombres et intenses (Howard Hughes dans Aviator), musclés (Mensonges d’état) mais aussi dans la peau de monsieur tout le monde. À ce titre ; ses retrouvailles avec Kate Winslet dans Les Noces rebelles de Sam Mendes – et son esthétique qui a influencé la série Mad Men, sont très salutaires. Leonardo peut tout jouer. Même un mari meurtri par l’incommunicabilité au sein de son couple aux côtés de son amie de toujours, Kate Winslet.
Leonardo DiCaprio et Kate Winslet © AFP
Le jeune homme, qui s’engage depuis des années pour l’environnement et la survie de la planète au sein de diverses organisations (il n’a pas manqué d’y faire allusion lors de son speech cette nuit à Los Angeles) est ambitieux et n’a pas vraiment envie de s’arrêter en si bon chemin. « Leo » est de tous les gros coups cinématographiques. Le schizophrène de Shutter Island échappé du roman de Dennis Lehane et Inception, « ze » carton 2010 signé Christopher Nolan. Soit un blockbuster malin, fédérateur et visuellement exceptionnel.
Un plaisir à jouer palpable à chaque plan
Son curriculum vitae laisse pantois. Même Clint Eastwood le sollicite pour incarner ce diable de Hoover dans J.Edgar (2011) où, sans doute pour la première fois de sa carrière, il récolte quelques critiques. Pas vraiment sur son jeu mais pour le maquillage grossier dont il est affublé pour toucher au plus près les derniers jours du légendaire directeur du F.B.I. On en oublierait presque sa performance, encore une, dans Django Unchained (2012) de Quentin Tarantino. DiCaprio est Calvin Candie, propriétaire (forcément) raciste et vicelard d’une plantation dans le Sud des Etats-Unis peu avant la guerre de Sécession. Le plaisir que le comédien a pris à jouer son personnage est palpable à chaque plan.
Leonardo DiCaprio dans Django Unchained © DR
Si sa prestation de Gatsby le Magnifique (2013) est le chaînon manquant entre son rôle dans Aviator et Le Loup de Wall Street, l’acteur n’avait jamais interprété un personnage aussi physique que pour lequel il vient de remporter son premier Oscar.« C’est le rôle le plus difficile de toute ma carrière » répétait-il lors de la promotion de The Revenant faisant allusion aux conditions extrêmes (un froid sibérien) du tournage. À l’heure où nous écrivons ces lignes (22 heures à Los Angeles), Leonardo DiCaprio va avoir les épaules et le dos meurtris à force de tapes dans le dos et d’embrassades multiples de la part d’une profession qui vient de consacrer enfin et définitivement l’un de ses meilleurs ambassadeurs.