Depuis quelques jours, le bruit court que le Président est absent, qu’il aurait été évacué vers la France… vers l’Europe…
Entre-temps, la demande d’audience des “19” est restée lettre morte. L’on ignore si Bouteflika a jugé la demande recevable, s’il a trouvé que leur démarche ne mérite même pas d’être prise en considération ou si, comme le craignaient ses initiateurs, la requête ne lui est pas, ou pas encore parvenue.
Le mutisme officiel qui entoure l’effacement présidentiel, contraste avec la retentissante levée de boucliers avec laquelle sa garde prétorienne a accueilli l’initiative des “19” devenus “16”.
La problématique de la disponibilité du chef de l’État est d’ailleurs inhérente à sa candidature. Elle a constitué le thème central du débat de campagne électorale jusqu’à éclipser les questions politiques de régime, de projet… L’argument, émis par ses détracteurs et opposants, de l’incapacité physique de Bouteflika à assumer ses fonctions est régulièrement et violemment dénoncé par ses partisans et ses courtisans. Peu à peu, la question même de la légitimité de son pouvoir a glissé de son statut démocratique vers son état de santé ! “La légitimité des institutions”, selon l’astucieuse formule des défenseurs du statu quo, en est devenue la ligne rouge du débat politique : tout serait discutable avec qui admet l’a priori que Bouteflika reste légitime jusqu’à la fin de son mandat.
Mais cette stratégie de la légitimité acquise, largement affaiblie par le discrédit démocratique du régime, a été progressivement minée par les signes apparents de faiblesse physique du Président. Et surtout par d’étranges marques de substitution d’auteur, comme dans ce fameux message lu en son nom à Ghardaïa, puis amputé d’un passage polémique au moment de sa diffusion officielle. Ce qui vaut pour un message pourrait bien valoir pour ses décisions ! Les “16” ne font qu’exprimer un doute qui pollue la communication entre le pouvoir et l’opposition et entre le pouvoir et la société.
L’on ne peut exiger des animateurs de la vie publique et de l’opinion générale de croire sur parole les émetteurs de messages et décideurs officiels si le Président n’est pas en état de pouvoir s’aménager des moments solennels où il rappelle qu’il est l’ultime source de décision. Sommes-nous dans un cas de délégation ou d’accaparement de l’autorité d’État ? Il est, par ailleurs, des moments de la vie nationale et internationale où le pays a besoin de s’exprimer par la seule voix qui exprime la force de sa position d’une nation : celle de son chef d’État. La tâche se délègue, pas la symbolique.
Il y a un côté fâcheux, voire grotesque, en ce que la question de la présence ou de l’aptitude physique du Président se repose ainsi fréquemment et publiquement. C’est attristant que l’Algérie s’impose ainsi un débat qui, dans un grand pays, n’a pas lieu d’être.
M. H.