La tunisie fascine toujours les Algériens d’abord pour la qualité des services offerts ensuite pour des raison de proximité.
«Ça y est pour l’Egypte. Je ne vais plus penser à m’y rendre pour passer mes vacances», atteste Ahmed. Rencontré dans une agence de voyages, ce jeune de 35 ans a simplement changé sa destination touristique pour cet été. «D’habitude, j’inscrivais ce pays dans mon programme, mais ce n’est plus le cas à partir de cette année», lance-t-il catégorique.
L’avis d’Ahmed est, en fait, partagé par beaucoup d’Algériens pour lesquels la destination Egypte est totalement ignorée. Certaines agences de voyages ont carrément biffé leur offre sur ce pays depuis les fâcheux événements du 12 novembre 2009 ayant émaillé le match de football Algérie-Egypte pour les qualifications au Mondial. «Nous ne faisons plus l’Egypte depuis novembre dernier», témoigne la responsable d’une agence de voyages à Alger. Pourquoi? «Par solidarité», répond-elle.
«Faites un tour au niveau des autres agences et vous allez constater que l’Egypte ne figure pas dans leur liste», confirme encore cette dame. Pourtant, cette agence a enregistré l’année dernière, une demande intéressante pour Charm El Cheikh, Louxor et Le Caire. «La terre pharaonique n’est plus une destination prisée par les Algériens. La demande est descendue de 40% à 0% cette année», affirme le représentant d’une agence de tourisme située à Bouzaréah. Celle-ci a aussi boycotté la destination Egypte. «Franchement, nous n’en faisons plus. Nous avons peur de perdre des touristes», témoigne ce directeur. En 2009, le nombre d’Algériens qui se sont rendus en Égypte a nettement reculé alors que plus de 12.000 l’ont visitée durant le 1er semestre de l’année 2008 pour passer leurs vacances. Même si certaines agences de tourisme affichent toujours l’Egypte sur leurs devantures, les Algériens ne sont plus intéressés.
«Nous proposons cette destination comme chaque année. D’ailleurs, nous avons fait notre demande, fin 2009 comme d’habitude, pour avoir les tarifs, le programme et les produits touristiques dans ce pays. Mais, il n’y a pas de demande de la part de la clientèle. Nous ne pouvons non plus leur imposer cela», explique la directrice d’une agence de voyages située rue Hassiba-Benbouali. Cette dame assure que la destination Egypte représentait, l’année dernière, plus de 20 à 30% des demandes de l’agence.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Même constat au niveau d’une autre agence de tourisme située à Kouba qui confirme que la clientèle a carrément abandonné cette destination. Par contre, l’engouement de milliers d’estivants algériens pour la Tunisie est de plus en plus fort.
La Tunisie séduit toujours
En effet, la Tunisie cartonne. Les agences de voyages enregistrent plus de 80% des demandes pour ce pays. «La priorité est pour la Tunisie», s’accordent tous à dire. Proximité géographique, qualité de service, accessibilité des prix et facilités d’entrée sur le territoire sont les principales raisons qui poussent les Algériens à choisir ce pays.
«J’y vais parce qu’il est proche de chez nous mais surtout pour ses prix beaucoup plus abordables que dans les pays européens», explique Malik, un jeune rencontré dans l’une des agences de voyages visitées, accompagné de sa femme et de ses deux petits enfants. Il poursuit: «Le séjour dans un trois-étoiles nous reviendra deux fois moins cher que le même séjour en Algérie. De plus, les moyens d’accès sont multiples. Ma famille et moi préférons nous y rendre par route. Ça nous revient beaucoup moins cher qu’en avion.» Les tarifs proposés pour ce pays varient d’une agence à une autre entre 16.000 et 25.000 DA la semaine.
Cependant, ils restent à la portée des familles algériennes moyennes. «Pas moins de 100 réservations ont été effectuées rien que pour la première quinzaine de ce mois de juillet», assure la responsable de l’agence de voyages de Hassiba-Benbouali. La clientèle algérienne dépense en moyenne autour des 500 dollars par semaine. Les villes de Hammamet, Djerba, Tabarka, Sousse ou encore Monastir sont ses destinations préférées.
La Tunisie table pour le mois sacré du Ramadhan 2010, sur plus de 70.000 touristes algériens. Durant le Ramadhan 2008, 50.000 Algériens ont visité la Tunisie alors qu’en 2009, ce nombre était estimé à 60.000. La Tunisie enregistre annuellement plus d’un million de touristes algériens, un chiffre qui place l’Algérien comme revenu important en matière de devises. Le site Web américain de voyage «Frommer’s» vient récemment de classer la Tunisie parmi les destinations les plus demandées en 2010.
Le même site a considéré ce pays et spécialement la capitale, Tunis, comme un microcosme du charme africain, qui offre un mixage de culture musulmane et méditerranéenne.
L’autre destination qui talonne de très près la Tunisie est la Turquie. «La demande vers la Turquie est de plus en plus renforcée. Ce pays est classé aujourd’hui à la même position que le Maroc et représente 25% de nos demandes», confirme la directrice de l’Agence de Hassiba-Benbouali.
Selon cette représentante, son agence a enregistré une augmentation de 10% des demandes par rapport à l’année précédente, ce qui place la Turquie comme destination favorite des Algériens. «Il y a des clients qui veulent changer d’air et découvrir de nouvelles destinations, d’où l’engouement pour ce pays», indique la même responsable. En Turquie, ce sont les villes d’Istanbul et d’Antalya qui sont très prisées.
«C’est grâce aux feuilletons turcs que la destination Turquie a doublé ses touristes algériens», signale-t-elle au passage. Les séjours proposés vont de 52.000 jusqu’à 150.000 DA et le billet d’avion peut atteindre en période estivale 46.000 DA. «Ce n’est pas le séjour en lui-même qui est cher, mais ce sont les prix des billets qui changent à chaque fois, selon les périodes», avance le responsable de l’agence de tourisme située à Bouzaréah. Pour la période estivale 2009, plus de 8000 Algériens ont visité la Turquie. Celle-ci ambitionne de devenir la deuxième destination touristique des Algériens, après la Tunisie.
On paie ses vacances par… facilités!
En Algérie, l’achat par facilités de paiement devient une habitude qui s’installe lentement mais durablement dans la pratique des citoyens. Les Algériens paient aujourd’hui leurs logements, voiture et produits électroménagers par tranches. La formule «facilités de paiement» séduit véritablement et intéresse maintenant les agences de tourisme. Certaines destinations lointaines impliquent des frais plus élevés. Et pour justement donner la chance aux Algériens de s’y rendre, certaines agences proposent le paiement du séjour par tranches tout au long de l’année.
Eh oui! l’Algérien peut désormais voyager par facilités. L’estivant doit en fait verser une somme d’argent comme apport initial. Il s’engage ensuite à verser le reste par des mensualités régulières sur plusieurs mois. Il s’endette donc même pour son voyage! Cette formule est justement proposée par une agence de voyages située à Alger-Centre. Cette dernière offre la possibilité de crédit pour le voyage en Turquie à celui qui a un revenu régulier, titulaire d’un compte CCP ou d’un compte bancaire.
L’agence propose, sur son site Internet, Istanbul-Antalya à partir de 110.000 DA pour un séjour de 7 jours et 6 nuits. Le premier versement est fixé à 20.000 DA. Le reste est échelonné sur 10 mois avec des mensualités fixées à 9000 DA. Le prélèvement se fait automatiquement chaque mois. Beaucoup d’agences s’opposent, cependant, à cette pratique. «Nous préférons faire un bon service et un bon suivi. Le client trouve ce qu’il paie. Il ne faut pas oublier aussi que nous avons des charges à payer», précise la responsable de l’agence de Hassiba-Benbouali.
Peu importe le prix du voyage, le plus important, croit-elle, est la qualité du service proposé. Même son de cloche au niveau de l’agence de Bouzaréah. «Nous ne faisons pas ce genre de formule. Nous proposons des voyages à la carte. Le paiement de la totalité des frais avant le départ est une garantie pour le client et l’agence», considère ce responsable. Du côté des citoyens, beaucoup hésitent dans le choix de cette formule. «Les vacances sont faites pour décompresser et oublier pour un moment les problèmes du quotidien. Je ne peux pas donc partir en voyage et laisser derrière moi le souci d’une dette à régler», lance Ahlem. Pour cette fonctionnaire, nul ne peut prévoir ce que réserve le lendemain. «On peut perdre notre travail par exemple. Il ne faut pas oublier aussi les autres factures à payer tout au long de l’année comme le loyer, l’eau ou encore l’électricité!» argumente-t-elle.
Mais, malgré toutes ces charges, l’Algérien ne peut rater ses vacances d’été. Au vu du nombre de demandes qui va crescendo chaque année, les agences de voyages visitées sont unanimes à considérer que les citoyens de notre pays vivent une dynamique particulière vers l’étranger. Les chiffres illustrent bien ce constat: environ 3 millions d’Algériens se sont rendus à l’étranger en 2009 dont 2 millions par voie aérienne.
Le secrétaire général de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), Francesco Frangialli, estime que les Algériens s’attendent à un meilleur avenir dans le secteur touristique.
Notre pays, souligne-t-il, comptera, à lui seul, à l’horizon 2025, près de onze (11) millions de touristes nationaux qui pourront se permettre des vacances à l’étranger et devenir des consommateurs potentiels des produits touristiques mondiaux.
Naïma HAMIDACHE