Des férus de la balle ronde ont déboursé jusqu’à 700.000 DA pour suivre en direct l’événement sud-africain.
La fièvre du football s’est emparée de la rue à Alger. A 10 jours du Mondial, la capitale se mue en une partition enchantée. Sur cette partition évolue une musique envoûtante au rythme de la passion des Algériens pour le football. La sortie ratée des Fennecs devant l’Eire n’a en rien entamé la fougue des supporters.
«Ce n’est qu’un match de préparation. L’essentiel est d’être prêt pour le match de la Slovénie», rassure Karima, une employée de la fonction publique. L’optimisme de cette femme se décline sur un sourire angélique. Il se répand comme une sonate que la brise du matin étale sur les artères de la ville. Cette sonate rallume la flamme du rêve.
«Je rêve de voir les Verts battre les Anglais. Pour cela, je me prépare dès à présent», avoue un homme, la soixantaine révolue. Dans ses yeux luit une flamme aux couleurs nationales. Ce passionné de foot est venu reprogrammer son démodulateur chez un vendeur de matériel électronique et électroménager au quartier dit le Calvaire à Kouba. «Tu me programmes le contenu des satellites Hotbird et NilSat», recommande-t-il au commerçant. Ces derniers jours, hommes, femmes et enfants affichent un engouement particulier pour le Mondial.
De 7 à 77 ans, ils se ruent sur les magasins spécialisés à la recherche des meilleures offres leur permettant de suivre en direct l’événement footballistique planétaire.
«La demande ne cesse d’augmenter, seulement, les cartes officielles d’Al Jazeera Sport ne sont pas encore disponibles», regrette un autre vendeur du même quartier. Pourtant, la chaîne qatarie détient l’exclusivité du marché des pays arabes. En Algérie, le bouquet sportif de cette chaîne compte environ 150.000 abonnés, selon une source autorisée. «Les stocks dont nous disposons suffiront pour satisfaire les attentes des abonnés», assure cette source. Les cartes de cette chaîne sont recherchées pour trois raisons: la qualité du son et de l’image, la couverture complète de l’événement et, surtout, la présence d’animateurs et consultants algériens. Dans les jours à venir, près de 200.000 unités seront mises en vente.
Seulement, le prix des cartes pose problème. L’offre d’Al Jazeera Sport est la plus chère sur le marché algérien. Le téléspectateur doit débourser 12.990 DA TTC pour un abonnement de 6 mois. Les clients qui disposent d’une carte classique donnant accès à 8 chaînes, au prix de 6990 DA, auront à débourser 9990 DA pour suivre le Mondial. Cela leur évitera au moins d’acheter de nouvelles cartes.Tout cela n’est pas fait pour dissuader les Algériens de suivre le Mondial. «Depuis quelques jours, je reçois 40 à 50 appels téléphoniques de la part de citoyens pour s’informer de la disponibilité des cartes d’Al Jazeera Sport», affirme un distributeur qui a requis l’anonymat.
Rush sur les télévisions plasma et les démos analogiques
La passion du foot accompagne les rayons de soleil sur les artères de la capitale. Ces rayons prennent les couleurs de la sélection nationale. «Nous suivrons les sorties des Fennecs en famille», déclare Mohamed Raouf Foukroun, 22 ans et étudiant en commerce international. Ce dernier avoue avoir un penchant pour la chaîne terrestre de l’Entv.
La Chaîne nationale a acheté les droits de retransmission de 22 matchs sur les 32 que compte la compétition. Cela dit, plusieurs foyers algériens ne disposent pas de cette chaîne. «Nous n’avons pas de chaîne terrestre chez nous, donc je suis obligé d’aller chez mon ami pour voir les rencontres, surtout celles de notre Equipe nationale», regrette Larbi Rahim, la vingtaine, étudiant en sciences techniques.
Qu’à cela ne tienne, le sens de la solidarité populaire comblera ce manque. «Tous les amis désirant suivre le Mondial chez nous seront les bienvenus. Nous supporterons ensemble notre Equipe nationale», assure Ahmed, un jeune commerçant.
Au demeurant, la qualité des services offerts sera un facteur déterminant dans le choix de la chaîne. Constituée de sept membres, la famille de Mohamed Abderraouf a mis les moyens pour suivre le Mondial sur le petit écran. «Nous disposons de quatre démos dont un sera réservé, uniquement, pour la Coupe du Monde», révèle Mohamed Raouf.
L’Algérien est connu pour son attachement viscéral à la balle ronde. Cet attachement s’est nettement manifesté à l’approche du rendez-vous sud-africain. A défaut d’être sur les lieux, il n’hésite pas à casser sa tirelire pour se permettre ces téléviseurs haut de gamme pour suivre les matchs.
«Depuis deux semaines, les ventes de téléviseurs à écran plat enregistrent une courbe ascendante», s’enthousiasme Réda Benchehina, vendeur au magasin Panasonic au niveau de la rue des Frères Abdeslami. Il avoue que l’affluence des citoyens dans son magasin devient de plus en plus importante.
A ce moment précis, une femme fait irruption. Les rides sur son visage déclinent un demi-siècle de vécu. Elle demande après le prix d’un téléviseur à écran plat. «Je ne suis pas tellement foot. Mais je veux partager avec mon mari et mes enfants les fortes sensations des sorties de nos Fennecs», avoue-t-elle.
A quelques encablures de là, se trouve le magasin Philips. «Vous savez, la vente de notre marchandise se fait selon les occasions. Cette foi-ci, les citoyens cherchent après les téléviseurs de haute qualité qui leur permettra de vivre le Mondial comme s’ils étaient dans les stades, en Afrique du Sud», explique A.M., le propriétaire du magasin. Fait curieux, ces jours-ci, les Algériens jettent leur dévolu sur les démodulateurs…analogiques!
En conséquence, leur prix est passé de 800 à 2500 DA. Ce coût avoisine celui du démo numérique. «Je me suis procuré un démo analogique rien que pour voir les matchs du Mondial sur les chaînes françaises. A la fin du Mondial, je le jetterai», lâche M’hend S. dont les cheveux grisonnants racontent sa longue histoire d’amour avec la balle ronde. Ce regain d’intérêt pour le démo analogique est confirmé par le propriétaire du magasin Dary-Plus, sis à Ben Omar, à Kouba. «Ce démo est fortement demandé», indique ce dernier.
L’Internet, l’autre fenêtre…
La passion du foot s’empare aussi du numérique. Les abonnés au réseau Internet se mettent à la recherche de démos équipés d’une option pour la connexion. «J’ai acheté un démo spécial pour me connecter sur le Net. Cela me permettra de suivre l’évolution des Verts lors du Mondial. Aussi, j’aurai l’occasion de regarder les magiciens du Brésil», confie A.N. qui garde intacts les souvenirs des prouesses de Pelé lors du Mondial mexicain, en 1970. Pour se l’offrir, ce quinquagénaire a déboursé près de 700.000 DA. Ainsi, il s’est acheté le démo au sésame numérique chez un vendeur disposant du serveur Internet ayant accès aux chaînes sportives.
Pour brancher le démo au Modem, il a acheté un câble spécial. En plus, il s’est procuré une assiette parabolique. Tout cela pour permettre à sa famille de vibrer au rythme de la Coupe du Monde.
Une musique aux parfums des Zoulous se répand dans les ruelles de la capitale. Sur la Grande Bleue, les vagues surfent en choeur «One,two, three, viva l’Algérie»…
Mohamed Sadek LOUCIF