La question des libertés occupe plus que jamais une place centrale dans le débat public, dans le sillage du mouvement populaire réclamant le changement du système.
C’est ainsi que les appels à la libération des détenus d’opinion et autres manifestants mis en prison se succèdent à travers plusieurs formes entre manifestations de rue ou par le biais de pétitions et de lettres adressées aux autorités publiques.
Les appels lancés par différents segments de la société convergent à dénoncer le recours à des mesures de coercition contre toutes les voix opposées au pouvoir en place, mais aussi à réclamer des mesures d’apaisement.
A cet effet, l’arrestation de jeunes manifestants lors des trois dernières marches du vendredi continuent de susciter des réactions de la part des formations politiques et acteurs associatifs. «Mobilisons-nous mercredi 10 juillet 2019 à 10h.
Rassemblement devant la Cour d’Alger, au Ruisseau, pour exiger la libération des jeunes détenus pour avoir manifesté avec l’emblème amazigh », a appelé Mahmoud Rechidi, porte-parole du Parti socialiste des travailleurs (PST), sur son compte Facebook. Le jour de la comparution des jeunes arrêtés devant le juge pour avoir brandi le drapeau berbère, le collectif « Liberté, dignité et citoyenneté » s’est adressé, à travers une lettre ouverte, au Procureur général d’Alger, pour alerter sur un procès « inique ». «Le procès qui se prépare contre ces citoyens, que l’on veut frapper pour l’exemple, est une forfaiture qui rappelle une triste époque que nous croyions révolue, un attentat contre les libertés, une violation des lois de la République, un mépris de la Justice», a écrit le collectif dans sa lettre.
Pour le même collectif, où l’on retrouve notamment le militant Arezki Aït Larbi, « c’est surtout un impardonnable crime contre la cohésion nationale, que des millions de compatriotes ont déjà condamné, en scandant «les Algériens, khawa khawa». Abdelouahab Fersaoui, président de l’association RAJ et membre des dynamiques de la société civile, dénonce une montée des mesures répressives dans le sillage des manifestations populaires. Pour lui, il y a « des atteintes et des violations flagrantes des libertés individuelles et collectives garanties par la Constitution et les conventions internationales signées par l’Algérie ».
Sur la lecture qu’il en fait, M. Fersaoui estime que ces arrestations « sont une tentative vouée à l’échec de casser le mouvement qui exige un changement démocratique réel et de chercher à créer des divisions à l’intérieur du mouvement populaire et pacifique ». Selon lui, cette évolution est source d’inquiétude dans le sens où elle révèle un « manque de volonté politique de la part des autorités qui ne cessent d’appeler à un dialogue alors que le climat n’est point favorable». Raison pour lui de réitérer «la nécessité de prendre des mesures d’apaisement envers la société, en général, et envers les acteurs politiques et associatifs, en particulier ».
Exigence de mesures d’apaisement
Mais, incontestablement, c’est l’incarcération de Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), début mai qui aura enclenché un élan de solidarité avec la cheffe politique accompagné par le souci de défendre les libertés. Cette arrestation n’a pas ainsi manqué de renforcer l’exigence de liberté et l’élan de solidarité qui s’exprimaient avec les personnes atteintes d’abus. L’arrestation de Louisa Hanoune, qui a indigné l’ensemble de la classe politique, a donné naissance à un comité de soutien pour sa libération, installé par le bureau politique du PT avec le concours de personnalités politiques, des syndicats, des journalistes ainsi que des représentants de la société civile. Et l’inquiétude, dont faisaient part de nombreux acteurs politiques de l’opposition et des avocats, trouvera toute sa signification avec l’annonce de la mort du militant Kamel Eddine Fekhar le 28 mai dernier. Le drame Fekhar a été accompagné par une série d’appels et d’actions publiques plaidant pour que cessent les poursuites judiciaires contre les militants.
S’en sont suivies les arrestations enregistrées contre les manifestants qui exhibent le drapeau amazigh dans une évolution qui suscite la colère et l’indignation, ponctuée par des marches exigeant la libération des jeunes mis en détention. Par la suite, il y a eu l’arrestation du moudjahid Lakhdar Bouregaâ, dont la demande de liberté provisoire sera examinée aujourd’hui au niveau de la Cour de Ruisseau (Alger). L’incarcération de l’ancien maquisard de la Wilaya IV historique a suscité la désapprobation des Algériens qui ont réclamé sa libération à l’occasion des marches de vendredi passé. Les partis réunis au sein des forces de l’alternative démocratique ont exigé, dans ce contexte, « la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus politiques et d’opinion » et à la « levée de toutes les entraves à l’exercice du droit de manifester et de circuler sur tout le territoire national ».