Comme tétanisés par l’ampleur du mouvement populaire, les candidats se contentent d’assurer le service minimum et de mener une campagne à la va-vite.
Marches, arrestations, meetings clairsemés ou annulés, candidats conspués et, dans certains cas, chassés, promesses creuses et populistes… Jamais campagne électorale en Algérie, au moins depuis l’ouverture démocratique de 1989, n’a été aussi terne mais surtout aussi mouvementée que celle en cours pour la présidentielle du 12 décembre et qui boucle aujourd’hui sa première semaine. La cause ? Le rejet catégorique du prochain scrutin par le mouvement populaire qui, depuis son irruption le 22 février 2019, est devenu quasiment le principal acteur sur la scène politique algérienne. Son dynamisme et son pacifisme ont forcé l’admiration de nombreux observateurs, et sa marche hebdomadaire du vendredi rythme la vie de la nation.
Ne voulant pas subir un troisième affront après l’annulation des présidentielles du 18 avril et du 4 juillet 2019, les autorités ont décidé de faire un passage en force, en tablant sur l’usure de la contestation. L’analyse s’est avérée complètement fausse : plutôt que de perdre de sa force, le mouvement populaire a plutôt retrouvé toute sa vigueur dès la rentrée sociale en mobilisant autant, sinon plus qu’à ses premières semaines. Plus que jamais décidés à faire avorter l’élection perçue comme un moyen de régénérer le système qui a ruiné le pays, les militants du hirak ont redoublé d’activité depuis le début de la campagne électorale en multipliant les actions de rue. En effet, depuis le 17 novembre, date du début de la campagne électorale, des marches nocturnes sont organisées dans la capitale et dans certaines wilayas pour réclamer l’annulation de la présidentielle du 12 décembre.
Parallèlement, les militants du hirak de plusieurs wilayas se sont fait le devoir de faire entendre leur voix et leur rejet aux abords des salles ayant abrité les meetings des candidats, quand ils n’ont pas essayé de les chahuter à l’intérieur des salles, comme c’est le cas avec le meeting d’Ali Benflis à El-Oued, quand un citoyen l’a sèchement coupé pour crier des slogans pro-hirak, ou à l’extérieur avec la mésaventure connue par le candidat islamiste Bengrina à Laghouat, à la sortie de l’hôtel, quand il a été quasiment pourchassé par une foule en colère. Conséquence : Les services de sécurité ont procédé à plusieurs arretations dans les rangs des manifestants, en n’hésitant pas, parfois, à faire preuve de brutalité.
À Alger par exemple, pas moins de 230 personnes ont été arrêtées dans les nuits du mercredi 20 et jeudi 21 novembre. Pire, un jeune de Biskra a été blessé à la main par des agents assurant la sécurité du meeting de Benflis et l’activiste Brahim Laâlami aurait été torturé, selon l’avocat Abdelghani Badi, qui cite des sources présentes au tribunal de Bordj Bou-Arréridj, devant lequel a comparu, jeudi 21 novembre 2019, le jeune militant. En définitive, les cinq candidats, sans troupes et rejetés par la rue, éprouvent toutes les difficultés du monde à mobiliser les foules et, parfois, à organiser des rencontres publiques. Dans les rues et sur les panneaux d’affichage installés çà et là dans les différentes villes du pays, on trouve rarement les traces de leurs portraits. Les meetings qu’ils ont animés jusqu’ici n’ont pas connu une grande affluence, et certains candidats ont dû annuler des manifestations faute de public ou de peur de subir les foudres de la population.
Pis encore, les candidats ont tous “fui” le contact direct avec les citoyens-électeurs dont ils sollicitent pourtant les suffrages, préférant tenir leurs meetings électoraux dans des salles fermées et surtout sous haute protection policière. Comme tétanisés par l’ampleur du mouvement populaire, ils se contentent d’assurer le service minimum et de mener une campagne à la va-vite.
ARAB CHIH