À l’occasion de la Diada, fête officielle de la Catalogne, une chaîne humaine géante de 400 km traversera ce mercredi la région nord-est de l’Espagne pour manifester en faveur de l’indépendance.
Ce mercredi, à 17h14, des dizaines et probablement des centaines de milliers de personnes se donneront la main sur 400 kilomètres. Du Perthus, à la frontière française, jusqu’à Alcanar, à l’extrême sud de la région, elles réclameront l’indépendance de la Catalogne. L’ensemble du parcours de la via catalana (la voie catalane, inspirée de la voie balte de 1989) devrait être couvert. Le cri d’«In, In-de, In-de-pen-den-cia!» retentira. Els Segadors, l’hymne officiel catalan, sera repris en chœur, et les couleurs sang et or de la senyera, le drapeau de la région, dessineront le long ruban indépendantiste.
À l’occasion de la Diada, donc, la fête officielle de la Catalogne qui commémore la chute de Barcelone en 1714 lors de la guerre de succession d’Espagne, les indépendantistes s’émouvront en constatant leur nombre. Comme l’an dernier, lorsqu’une manifestation monstre envahissait le centre-ville de Barcelone. «Les organisateurs ont déjà gagné leur pari», avance Joan Marcet, directeur de l’Institut de sciences politiques et sociales de Barcelone. L’Assemblée nationale catalane, une plate-forme non partisane à l’initiative de la voie catalane, promet «une démonstration d’unité, de pacifisme démocratique et de joie», selon son vice-président, Jaume Marfany.
« Les organisateurs ont déjà gagné leur pari »
Joan Marcet
Et après? Un an après la manifestation de Barcelone, où en sont les indépendantistes? Après la convocation d’élections régionales anticipées, marquées par le recul du parti au pouvoir, Convergencia i Unio (CiU, nationalistes de centre-droit) et l’avancée d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC, indépendantistes de gauche), après la multiplication des initiatives, manifestations et même concerts politiques, la cause souverainiste a-t-elle avancé?
Sur le papier, on en est au même point, ou presque. À Barcelone, Artur Mas, le président régional reconduit, réitère son objectif: organiser un référendum sur l’indépendance en 2014. CiU s’est engagé à tenir le calendrier en échange de l’appui parlementaire des radicaux d’ERC. Tout juste Mas a-t-il esquissé une solution de repli, en cas de refus de Madrid: transformer les élections régionales de 2016 en plébiscite indépendantiste, en centrant les programmes électoraux sur la question souverainiste… Avant de reculer sous la pression d’ERC. À Madrid non plus, la situation n’a guère bougé: le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy (Parti populaire, PP) ne veut toujours rien savoir d’un référendum qu’il juge inconstitutionnel.
Tractations secrètes
En coulisses, toutefois, les tractations n’ont jamais été aussi intenses. La semaine dernière, Mas et Rajoy ont reconnu s’être vus en secret. Des scénarios sont imaginés, puis filtrent vers les médias, avant d’être revendiqués ou démentis, en fonction des réactions. Si le référendum portait sur un dialogue entre Barcelone et Madrid en vue de l’indépendance, plutôt que sur la sécession elle-même, il pourrait être toléré par Rajoy, lance le quotidien catalan La Vanguardia. Si le scrutin prévoyait plusieurs questions, sur la souveraineté, mais aussi sur la langue et les finances, il pourrait être accepté, croit savoir El País. Si les réponses comprenaient, outre l’indépendance et le statu quo, un approfondissement du fédéralisme, Madrid pourrait céder, spécule la presse…
«Le gouvernement catalan et CiU semblent explorer de nouvelles pistes, explique le politologue Joan Marcet, alors que Madrid pour le moment ne bouge pas. Mais Artur Mas est aussi piégé par les décisions qu’il a prises, et par la stabilité dont il a besoin pour gouverner.»
En radicalisant son discours, Mas a fait le jeu d’ERC au lieu de s’emparer de ses voix ; et pourtant, il ne peut pas reculer: s’il veut conserver une majorité au Parlement régional, ne serait-ce que pour adopter son budget – en 2013, il a été contraint de reconduire celui de 2012 -, il est tenu de coller aux arguments indépendantistes.
Entre-temps, les partisans d’un référendum gagnent des adeptes. Selon les différents sondages, entre 75 et 80 % des Catalans, indépendantistes ou pas, veulent se prononcer dans les urnes.