Riche d’une longue expérience dans le domaine de la recherche, l’auteur et universitaire Bourayou Abdelhamid vient de publier aux éditions ENAG, un ouvrage dédié au patrimoine oral algérien, intitulé “Les contes populaires algériens d’expression arabe”, qui revient sur la naissance de cet art oratoire, sa transmission, ses différentes formes, agrémenté de plusieurs analyses sur ses différentes composantes.
Pour comprendre comment cette forme d’expression populaire s’est répandue, ainsi que le profil-type des conteurs, qui jouissent de qualités indispensables à cette forme littéraire, l’auteur nous invite, dans la première partie du premier chapitre, à constater les cellules de transmission des contes, qui circulent dans les foyers, les cafés, les boutiques, les zaouïas, les mosquées, les cités, et même les lieux de travail. Quant au statut des conteurs, Bourayou rappelle que leur vocation apparaît dès le plus jeune âge pour la majorité d’entre eux, notamment, pour ceux qui aimaient entendre les membres de leurs famille raconter des contes et qui espéraient devenir eux-mêmes de bons conteurs.
Arrivé à l’âge adulte, chaque conteur se différencie par sa manière de s’exprimer, sa gesticulation, son propre répertoire, et ses modulations vocales. À ce sujet, l’auteur, qui s’était rendu à Biskra pour les besoins d’un autre ouvrage dédié aux contes populaires de cette région, indique que “les conteurs les plus estimés sont confiants dans leurs qualités, fiers de leur art et conscients de leur prestige”, à l’instar d’Al-Id an Nubli, âgé de 70 ans, qu’on convoquait aux mariages et veillées, et dont la renommée dépassera les frontières de cette région.
Les contes, qui peuvent avoir trait au religieux, fantastique, et même à l’érotique, sont le plus souvent en prose, et combinent réel et imaginaire. Pour classifier leurs différents genres, l’universitaire présente, dans le deuxième chapitre de son étude, leur typologie entre les contes proprement dits, appelés communément hurrafa, ou m’hagya selon les régions, où pullulent ogres et djins, narrés principalement lors des veillées nocturnes, le conte facétieux (le plus abondant), qui a souvent trait aux revendications sociales, comme ceux de D’jha, personnage commun à de nombreux contes arabo-musulmans, le conte religieux, ou magazi qui regroupe, pour sa part, deux sous-catégories : les récits de guerre, dont les principaux personnages sont des figures emblématiques de l’islam, comme Ali Ibn-Abi Talib, tandis que les seconds sont ceux en hommage au prophète (QSSSL), et aux saints de l’islam.
L’auteur dissèque à travers ce livre les spécificités de chaque type de conte, son sens sous-jacent, son rapport à d’autres contes et à la société où il évolue. Dans sa démarche analytique, Bourayou explique les étapes de son analyse textuelle qui débute par une lecture linéaire et prend en considération les enchaînements narratifs. Quant à la seconde, elle permet de dégager les relations d’opposition de nature paradigmatiques. Pour ce faire, l’universitaire applique cette démarche sur le conte Wald al mahgura, en dégagent la segmentation du texte et les fonctions de chaque séquence.
Cet ouvrage complet et concis, accessible à tous, s’adressant aux étudiants comme aux amateurs de nos traditions ancestrales, est indispensable, à travers lequel le lecteur pourra redécouvrir des contes comme Nsif bid, Mul arras lekhal, ou encore As-ib la karrak.