Alioune Badiara Thiam, alias Akon, est une chanteuse et productrice de disques américaine d’origine sénégalaise. Son nom, cependant, a récemment été lié à un problème très différent de la musique. En fait, il est le créateur et promoteur de la première « crypto city » africaine: Akon City. Un projet de six milliards de dollars dont on parle depuis plus de deux ans et qui a posé la première pierre le 31 août.
Akon City sera construit près de l’aéroport de Dakar. Le projet consiste en la construction – à terminer dans dix ans – d’une ville futuriste sur une superficie d’environ 500 hectares avec des zones agricoles, une marina pour les paquebots de croisière et des bâtiments au design moderne. Mais la nouveauté la plus pertinente est certainement l’utilisation, au sein de la ville, d’une monnaie basée sur la technologie blockchain: l’Akoin. Il sera utilisé pour tout, de l’achat de billets de transport au paiement des taxes, des droits d’importation aux achats.
La blockchain, vous permet de gérer les informations de manière sûre et fiable, sans avoir besoin d’un contrôle centralisé. Décentralisation et désintermédiation signifient donc que, pour les devises et les transactions basées sur cette technologie, la médiation des banques et des opérateurs financiers n’est pas nécessaire. Le Bitcoin, créé en 2009, est la crypto-monnaie la plus connue et la plus répandue, mais l’intérêt pour cette technologie ne cesse de croître.
Sur le continent africain, le paysage des usages de cette technologie est varié, et il ne s’agit pas seulement des crypto-monnaies. En Sierra Leone, par exemple, les premières élections au monde avec un système basé sur la blockchain ont eu lieu en 2018. La société suisse Agora a développé une plateforme de vote capable de garantir une plus grande transparence et de réduire les risques de fraude électorale.
Au Ghana, bien que les crypto-monnaies soient interdites car elles n’ont pas encore été approuvées, les blockchains se révèlent capables d’une application d’une grande utilité sociale. Dans le pays, un système mixte complexe de droit foncier et 80% des petits propriétaires terriens n’ont toujours pas de documents écrits et de titres de propriété de leurs terres, ouvrant la voie à des abus et à l’accaparement des terres. Une startup locale, Bitland, basée sur la blockchain, a pour objectif de cartographier l’ensemble du territoire national et d’enregistrer tous les titres de propriété «traditionnels» des fonds, favorisant ainsi leur reconnaissance.
S’installant en Afrique de l’Est, le Young Enterprenours Network du Kenya a développé une nouvelle crypto-monnaie, YENTS. Il sera lié au shilling kényan. Ses créateurs soulignent l’importance de YENTS pour le développement des innovations sur le marché économique local. L’idée d’étendre son utilisation à d’autres pays est cependant problématique, compte tenu des restrictions prévues par les lois de nombreuses nations du continent.
Le plus grand obstacle, en fait, reste les réglementations nationales qui ne sont pas du tout harmonisées en la matière. Comme l’illustre un rapport récent, l’attitude de divers pays africains à l’égard de la technologie blockchain est très différente. Les crypto-monnaies sont interdites au Maroc, en Algérie, en Libye, en Zambie, au Zimbabwe et en Namibie. Alors que de nombreux autres États sont assez indifférents à la fois à la blockchain et aux crypto-monnaies.
En plus des exemples déjà mentionnés du Sénégal et de la Sierra Leone, les blockchains trouvent une législation favorable en Afrique du Sud et en Tunisie, où la monnaie nationale est également opérée sur la blockchain via l’eDinar, géré par la poste tunisienne. De plus, le projet de la cité économique tunisienne envisage, à l’instar d’Akon City, l’adoption de la monnaie blockchain au sein de la ville. Dans l’ensemble, l’intérêt des Africains à acheter des crypto-monnaies est en hausse. Une indication est qu’il y a une augmentation significative du nombre de ceux qui acheter Ethereum PayPal au cours des derniers mois.
Le panorama des usages des blockchains et des orientations des législateurs africains à leur égard est donc très varié. Mais pour pouvoir développer pleinement son potentiel, il est nécessaire d’arriver à une approche plus coordonnée par les réglementations nationales du continent.