Intestins, bouses, sang, eaux usées… Chaque jour, près d’une demi-tonne de déchets organiques sont produits par l’abattoir de Saint-Louis, au Sénégal. Longtemps abandonnés en pleine nature, ces déchets sont désormais récupérés et transformés en biogaz et en engrais naturels, destinés aux habitants et aux agriculteurs de la zone.
Durant des années, les déchets de cet abattoir – situé dans le quartier de Khor – ont été abandonnés sur le terrain vague et dans le fleuve situés à proximité, générant de mauvaises odeurs et de la pollution.
Afin d’apporter une solution, la municipalité, à travers le conseil du quartier, et l’ONG lilloise Le Partenariat présente à Saint-Louis depuis une trentaine d’années, ont décidé d’installer sur place des biodigesteurs, une technologie déjà très utilisée en Asie. Il s’agit de cuves sans oxygène dans lesquelles peuvent fermenter des déchets organiques d’origine végétale ou animale. Ce processus de fermentation – appelé méthanisation – présente l’intérêt de produire du biogaz, une énergie renouvelable.
Mis en place sous la supervision de l’entreprise française BioEco, grâce au financement de la fondation Poweo, ces biodigesteurs fonctionnent depuis 2013. C’est actuellement un comité local qui gère l’installation, soutenu par l’ONG Le Partenariat.
Récupérer les déchets organiques permet de capter le méthane issu de leur décomposition »
Dans cet abattoir, qui existe depuis les années 1970, on tue essentiellement des bœufs et des buffles. Depuis la mise en place du projet, on récupère les résidus des panses, c’est-à-dire les boyaux et la bouse qui est à l’intérieur, afin de les revaloriser. En fait, chaque jour, un agent de l’abattoir ramasse l’équivalent de cinq brouettes de ces déchets organiques, qu’il déverse dans un bac de remplissage. Ces déchets ont ensuite besoin d’être « dilués ». Pour cela, on réutilise l’eau ayant servi à nettoyer l’abattoir, ce qui permet de transformer les déchets en un mélange plus liquide.
Ensuite, ces déchets partent dans cinq biodigesteurs de 10m3 chacun. C’est là qu’ils se décomposent et que des bulles de gaz se forment au bout d’un ou deux jours. Le biogaz est alors capté par des cloches et stocké au niveau de deux ballons.
Comme il n’est pas sous pression – contrairement au gaz en bouteille – les habitants utilisent une pompe pour l’aspirer depuis les ballons, afin de pouvoir s’en servir pour cuisiner. Pour l’instant, seuls cinq ménages vivant à proximité l’utilisent, mais sept de plus devraient en bénéficier prochainement.
« Ce biogaz coûte beaucoup moins cher aux ménages que le gaz en bouteille »Ce biogaz est composé de méthane à 70 % : c’est quasiment la même chose que le gaz en bouteille, donc ça ne change rien pour les ménages en terme de temps de cuisson. En revanche, il leur coûte beaucoup moins cher. Pour cuisiner, chaque ménage consomme en effet un mètre cube de gaz par jour environ. Dans la mesure où le mètre cube de biogaz est vendu à 200 francs CFA [soit 0,30 centimes d’euro, NDLR], cela correspond à un budget mensuel de 6 000 francs environ [soit 9 euros environ, NDLR]. C’est peu puisque les ménages dépensent en moyenne 30 à 35 000 francs par mois quand ils consomment du gaz en bouteille [soit 46 à 53 euros environ, NDLR].
Sur le plan environnemental, le fait de récupérer ces déchets organiques a permis d’assainir le quartier et de capter le méthane issu de leur décomposition. C’est vraiment utile dans la mesure où il s’agit d’un gaz à effet de serre 20 fois plus nocif que le CO2…
Outre le biogaz, cette installation permet de produire deux types d’engrais naturels. En effet, bien que les déchets se décomposent dans les biodigesteurs, des résidus s’y accumulent quand même progressivement. Il est donc nécessaire de les vider tous les six mois environ, lorsqu’ils sont pleins. C’est un travail difficile car on le fait à la pelle et ça pue ! À chaque vidange, on peut retirer l’équivalent de 17 charrettes, soit 800 kg de résidus. Ces résidus servent ensuite à faire du compost, qui est vendu aux agriculteurs et aux maraîchers du coin. Une charrette est vendue au prix de 5 000 francs CFA [soit 7,62 centimes d’euros, NDLR].
Par ailleurs, on récupère également le sang et l’eau utilisée pour laver l’abattoir. Ce mélange est riche en azote, donc il constitue un engrais liquide que les maraîchers peuvent récupérer gratuitement pour irriguer leurs jardins.
En gros, tous les déchets de l’abattoir sont désormais revalorisés, à l’exception des cornes broyées, mais on réfléchit à ce qu’on pourrait en faire.
Par ailleurs, en dehors de l’abattoir, un projet semblable est également mis en œuvre actuellement pour valoriser les déchets de poissons produits au niveau du port de Saint-Louis.