LE CAIRE (Reuters) – Les pays de la Ligue arabe et la Russie sont parvenus samedi à un accord en cinq points au sujet de la Syrie, notamment sur la nécessité d’une observation impartiale de la situation dans ce pays, après avoir étalé leurs divergences lors d’une réunion au Caire.
Cet accord a été annoncé à l’issue d’une rencontre des ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe, à laquelle était convié le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov.
Au cours de ces entretiens, les pays arabes ont exhorté la Russie à soutenir leur projet de mise à l’écart de Bachar al Assad, ce à quoi s’est une nouvelle fois opposé Moscou au nom de la non-ingérence dans les affaires d’un pays tiers.
Sergueï Lavrov et son homologue du Qatar, également Premier ministre, le cheikh Hamad bin Jassim al Thani, ont finalement annoncé un accord en cinq points au cours d’une apparition conjointe devant la presse, à l’issue de laquelle ils n’ont répondu à aucune question.
Les deux parties sont convenues que les violences devaient cesser en Syrie et que la situation devait y être observée de manière impartiale. Elles sont aussi d’accord sur leur opposition à une intervention étrangère, sur la fourniture d’une aide humanitaire et sur un soutien à Kofi Annan, émissaire spécial de la Ligue arabe et des Nations unies pour la Syrie.
Auparavant, au cours de leur réunion, les pays arabes ont, dans le sillage du Qatar et de l’Arabie saoudite, exhorté la Russie à soutenir leurs efforts pour mettre fin aux violences en Syrie, où la répression du mouvement de contestation contre Bachar al Assad a fait des milliers de morts depuis mars 2011.
Sergueï Lavrov a répété que Moscou s’en tenait au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures et que la communauté internationale ne pouvait imputer à un seul camp la responsabilité de la crise syrienne.
« Nous devons adresser au régime syrien le message selon lequel la patience de la communauté internationale et notre patience ont atteint leur limite, tout comme est révolue l’époque du silence au sujet de ses pratiques », a déclaré le cheikh Hamad bin Jassim al Thani.
LA RÉSOLUTION À L’ONU A « UNE CHANCE », DIT LAVROV
A deux reprises depuis le début du mouvement de contestation en Syrie en mars 2011, la Russie et la Chine ont opposé leur veto à des projets de résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui auraient condamné la répression menée par le régime de Bachar al Assad. Le dernier texte en date s’appuyait sur un projet de la Ligue arabe prévoyant la mise à l’écart du président syrien.
Pour le ministre saoudien Saoud al Fayçal, qui s’exprimait lors de la réunion de la Ligue au Caire, « la position des pays qui ont contrecarré la résolution du Conseil de sécurité de l’Onu et voté contre la résolution de l’Assemblée générale (de l’Onu) ont fourni au régime syrien le droit de prolonger ses pratiques brutales contre le peuple syrien. »
Il a formulé l’espoir que la Russie « soutiendrait les décisions du conseil de la Ligue arabe relative au règlement de la situation en Syrie. »
Sergueï Lavrov a répliqué que la Russie était prête à discuter avec quiconque est favorable à des réformes en Syrie mais que la communauté internationale ne devait pas prôner de changement de régime.
« La Russie ne protège aucun régime. La tâche la plus urgente est de mettre fin à toutes les violences », a-t-il dit.
Hamad bin Jassim al Thani a jugé que les activités des rebelles syriens ne sauraient être mises sur le même plan que la répression mise en oeuvre par la régime.
« Il n’y a pas de bandes armées mais un massacre systématique commis depuis de nombreux mois par le gouvernement syrien. Ensuite, le peuple a été contraint de se défendre et c’est pourquoi le régime les qualifie de bandes armées », a dit le Premier ministre du Qatar.
Les Etats-Unis ont soumis au Conseil de sécurité un nouveau projet de résolution. Sergueï Lavrov a déclaré que ce texte avait « une chance » d’être adopté « à condition que nous ne soyons pas guidés, aucun d’entre nous, par le désir de soutenir des groupes armés d’opposition pour qu’ils remportent la bataille dans les villes ».
Le Premier ministre du Qatar a pour sa part incité l’opposition syrienne à s’unir « en une voix unique qui exprime les aspirations de son peuple face à la tyrannie du régime ». Il a aussi prôné « la reconnaissance du Conseil national syrien comme représentant légitime du peuple syrien. »
Les pays arabes et occidentaux n’ont pas encore franchi le pas d’une reconnaissance pleine et entière du CNS comme représentant légitime du peuple syrien, du fait notamment des préoccupations sur l’unité de l’opposition syrienne.
Parmi les pays arabes, le Qatar est en pointe dans la tentative d’isolement du régime de Bachar al Assad.
Fin février, lors de la réunion inaugurale du groupe des « Amis de la Syrie » à Tunis, l’émirat avait proposé la création d’une force arabe pour « ouvrir des couloirs humanitaires afin d’apporter la sécurité au peuple syrien ». Le Qatar s’est aussi prononcé en faveur de la livraison d’armes aux insurgés syriens.
Selon des sources proches de la Ligue arabe, Sergueï Lavrov s’est entretenu vendredi soir avec le secrétaire général de l’organisation, Nabil Elarabi, et avec Kofi Annan, émissaire spécial de la Ligue et de l’Onu pour la Syrie. Ce dernier a rencontré ce samedi Bachar al Assad à Damas.
Henri-Pierre André et Bertrand Boucey pour le service français