Le lait, voilà un produit alimentaire essentiel, dont le prix est toujours administré par l’État. Cependant, produit sensible et de large consommation, le lait connaît, cycliquement, des périodes de crise. Ainsi, après la période d’indisponibilité de l’année dernière, la forte hausse des prix de l’alimentation de bétail vient encore mettre à rude épreuve l’activité des éleveurs des bovins laitiers, et cette situation risque de se répercuter immanquablement sur le citoyen.
En effet, expliquant que la forte hausse des prix des aliments de bétail a eu pour logique conséquence l’augmentation des coûts de production, des voix ont suggéré dernièrement la révision du prix de revient du litre de lait. «La filière de lait est en danger, notamment dans les wilayas où les éleveurs ne disposent pas, ou n’ont pas suffisamment, de terres pour cultiver les fourrages», explique le représentant de la Fédération des éleveurs bovins laitiers et viande de la wilaya de Tizi Ouzou, Rabah Ougmat. Selon cet éleveur, le prix de cession du litre de lait de vache, y compris les primes accordées par l’État, est de 45 DA, alors que le coût de revient réel dépasse les 70 DA.
Ces deux dernières années, la sècheresse a été telle qu’il en a résulté la réduction de la production fourragère et, en conséquence, les prix des aliments de bétail sont allés en hausse. Ainsi, la botte de paille est cédée à 500 DA en pleine saison, et atteint 1 000 DA en hiver, alors que celle de foin a franchi les 1 500 DA, sans oublier le son dont le quintal s’affiche à 3 000 DA.
«Lorsque le prix de cession du litre de lait cru a été fixé à 45 DA, la botte de paille se vendait à 70 DA, celle du foin à 120 DA et le quintal de son à 300 DA», renchérit un éleveur, originaire de la wilaya de Blida. Mais il n’y a pas que lui, puisque les petits éleveurs de bétail se sont joints aux réclamations des leurs, estimant subir de plein fouet la spéculation des prix de l’alimentation.
Ces éleveurs accusent les revendeurs d’aliments de bétail de profiter de l’aubaine et d’augmenter les prix à leur guise, plus particulièrement en direction des grandes wilayas productrices de lait qui n’ont pas suffisamment de terres pour cultiver eux-mêmes leur fourrage. La crise est en effet patente puisqu’elle a amené des éleveurs à céder des génisses acquises à coup de devises.
«L’État doit intervenir en urgence pour nous aider à trouver des solutions à notre situation», clame un éleveur qui, en compagnie de ses collègues d’une vingtaine de wilayas, sont en train de se concerter, afin de créer une fédération nationale des éleveurs de bovins laitiers et avoir vroie au chapitre vis-à-vis des pouvoirs publics. En effet, la sonnette d’alarme est tirée et le risque est grand, de voir les petits éleveurs obligés de changer d’activité.
Le président du Conseil national interprofessionnel du lait (CNIL), Mahmoud Benchekour, explique avoir proposé aux autorités publiques à ce que l’État accorde des concessions aux éleveurs et aux investisseurs, en vue de renforcer la culture fourragère autour des périmètres se situant à proximité des stations de traitement des eaux usées épurées et dans le Grand Sud. La filière du lait coûte au Trésor public environ 45 milliards DA par an, au titre de soutien aux différents intervenants (éleveurs, collecteurs, transformateurs, producteurs de fourrage…).
Cependant, les mesures prises jusque-là, en l’occurrence l’importation de milliers de génisses et la création de nouvelles laiteries, n’ont pas eu l’effet escompté et le rendement au niveau des élevages demeure très faible avec 10 à 12 litres/vache. «Il est grand temps de mettre fin à la création des laiteries et d’orienter, plutôt, les investissements vers l’amont, c’est-à-dire l’installation d’élevages plus performants et l’encadrement des éleveurs en vue d’améliorer les rendements laitiers par vache», préconise Djamel Nekkab, directeur d’appui aux élevages et à la production laitière à l’Office national interprofessionnel du lait (Onil).
Les besoins en lait de l’Algérie sont estimés à 5 milliards de litres par an, dont les deux tiers (3,5 milliards de litres) sont produits par les laiteries locales. Le déficit étant de 1,5 milliard de litres, il est compensé par les importations de poudre de lait. Durant l’année 2014, rappelle-t-on, la facture d’importation de poudre de lait s’est établie à 1,8 milliard de dollars.
M. D.