En Circulant dans n’importe quelle rue de la ville de Tizi Ouzou, ces jours-ci, vous constaterez une présence extraordinaire des émigrés qui viennent passer leurs vacances au bled.
Ce constat est particulièrement vrai depuis le début du mois d’août. Si une grande partie des familles des Algériens qui résident à l’étranger préfère aller couler des jours heureux à Tigzirt ou Azeffoun, fraîcheur de la mer oblige, il n’en demeure pas moins que l’autre moitié profite de ce mois de vacances au pays pour se ressourcer tel qu’il se doit. Parcourir inlassablement la ville des Genêts et la Nouvelle-Ville, où ils ont passé enfance et adolescence n’est pas du tout sans leur faire du bien. Au boulevard Abane-Ramdane, qui est le coeur palpitant de la ville de Tizi Ouzou, ils se déplacent en famille scrutant le moindre coin de la ville avant de choisir un restaurant ou une pizzeria où déjeuner.
«Depuis le début du mois de juillet, j’ai remarqué que notre clientèle est composée essentiellement d’émigrés. On les reconnaît d’abord à leurs tenues vestimentaires, très in, mais aussi à leur accent kabyle truffé de mots en français», nous confie le patron d’une spacieuse pizzeria sise à quelques mètres de la Maison de la culture Mouloud Mammeri. La présence renforcée des émigrés est particulièrement remarquée grâce aux véhicules immatriculés en France, qui sont fort nombreux à circuler ces derniers jours au centre-ville de Tizi Ouzou. Quant aux émigrés kabyles qui rentrent par avion, ils se ruent sur les agences de location de véhicules qui foisonnent ces dernières années en Kabylie. En dépit de la cherté des prix pratiqués par les agences de location de voitures, les émigrés n’hésitent pas mettre la main à la poche et à payer le prix. En effet, on ne peut pas avoir une voiture à moins de 6000 DA/j au niveau de ces agences.
Pour une voiture de luxe, comme les tout-terrain, il faut débourser jusqu’à 10.000 DA la journée. Mais quand il s’agit de passer ses vacances chez soi, l’argent importe peu. Rachid qui vit à Paris depuis 20 ans nous confie qu’il se serre la ceinture en France pendant les 11 mois de l’année juste pour venir passer le mois d’août en Algérie sans restriction financière aucune. C’est aussi le cas de Kamel, un quinquagénaire, père de deux enfants, vivant à Lyon, pour qui le mois qu’il passe dans la wilaya de Tizi Ouzou durant l’été est le plus important. C’est pourquoi, en rentrant au pays, il n’hésite pas à dépenser à volonté comme pour se venger des 11 mois qu’il passe chaque année dans cet «exil volontaire et amer». Quant à l’idée de louper pour au moins une fois les vacances en Algérie, notre interlocuteur nous précise qu’à chaque fois, on se dit en famille que l’année prochaine on ira passer les vacances ailleurs, sous d’autres cieux, en Espagne par exemple mais dès que le mois de juin arrive, notre coeur commence à chavirer pour notre pays et sans même se rendre compte comment, on se retrouve avec les quatre billets d’avion vers Alger dans nos poches. C’est dire à quel point les émigrés restent attachés à l’Algérie et ce, en dépit de tout ce qui peut se dire. En plus des émigrés algériens, qui vivent en France, Tizi Ouzou est aussi une destination privilégiée des émigrés vivant au Canada et aux Etats-Unis. Mustapha, un jeune de 33 ans, qui vit à San Francisco, est là depuis le début du mois d’août. Célibataire, Mustapha, à l’instar des autres émigrés, ne résiste pas à l’appel du pays dès que l’été pointe du nez.
Il est à Tizi Ouzou pour pas moins de 50 jours. Autant, lui et sa famille, ont éprouvé un bonheur indicible à la veille de son arrivée à Tizi Ouzou, autant son coeur se pincera dès que l’heure du retour commencera à sonner. Du Canada, ils sont aussi très nombreux à ne pas pouvoir rester loin des leurs en été. Ils reviennent au bercail, quoi qu’il en soit. Ahmed qui vit dans ce pays lointain depuis 15 ans, n’a d’yeux que pour le mois d’août. «Il m’est impossible de ne pas venir en été malgré la cherté des billets d’avion», souligne le jeune Ahmed, originaire d’Ibetrounen dans la banlieue de Tizi Ouzou. En effet, à l’unanimité, les émigrés avec lesquels nous avons discuté ont déploré la cherté des prix des billets d’avion, surtout en été. Mais, aller respirer l’air de son enfance et voir les images ayant bercé les premières années de sa vie, n’a pas de prix. C’est pourquoi, la félicité de ces milliers d’émigrés, juste en errant infiniment et inlassablement, dans la ville de Tizi Ouzou, n’a pas de prix.