Gravir les petites ruelles escarpées de la Casbah d’Alger n’est pas sans donner des petites soifs que le promeneur épanchera à l’une de ses vielles fontaines. Mais combien sont-elles et quels rôles avaient-elles dans la vieille médina?
La Casbah, affirme-t-on, avait autrefois plus de deux cent fontaines. Sources de vie, elle constituait pour les anciens habitants l’unique provenance d’eau douce. Aujourd’hui il n’en reste que cinq. Disséminées du haut jusqu’à la basse Casbah, ces fontaines continuent néanmoins de désaltérer les passants.
À longueur de journée les gens de la Casbah et autres visiteurs marquent des petites haltes à proximité des fontaines. Certains boivent de leurs filets d’eau fraiche, d’autres font leurs ablutions alors que les enfants s’amusent à s’asperger d’eau par ces temps de grande chaleur.
Autrefois le rôle de la fontaine à la Casbah dépassait le simple fait qu’elles soient décoratives. Son importance est intimement liée à celle de l’eau. « L’arrivée de l’eau dans les foyers de la Casbah remonte au temps de l’occupation française, ce qui est récent. Avant les habitants s’approvisionnaient des fontaines d’où le nombre important de celles-ci », renseigne Kenza guide touristique à la Casbah.
Il fallait donc utiliser cette eau à bon escient. Une responsabilité déléguée évidement aux femmes de la Casbah, précise la guide.
« Dans chaque ancienne maison de la Casbah il y a au centre de la maison وسط الدار une sorte de puits. Il contenait l’eau des pluies récupéré des toitures. Cette eau les femmes l’utilisaient pour les tâches ménagères », raconte encore Kenza.
Mais pour avoir de l’eau potable en provenance de la fontaine, il fallait payer. En effet, les femmes faisaient appel aux porteurs d’eau, que l’on surnommait les « بسكري » par rapport à leurs origines.
« Les fontaines étaient également une source de travail. Le métier de porteurs d’eau était pratiqué par des hommes venus de la ville de Biskra. Sur les anciennes photos de la Casbah on les voit portants des cruches en cuivre », relate Kenza.
Parmi les cinq fontaines restantes, il existe deux principales. La fontaine « بئرجباح » et la seconde, la fontaine » بئرشبانة « . Elles alimentent respectivement les fontaines de la haute et basse Casbah.
La fontaine «جباح بئر» recèle une importance particulière pour les habitants. En plus de son rôle et son emplacement au cœur de la Casbah, elle est un mémorial à l’effigie de valeureux martyres de ce quartier.
Dominée par une plaque commémorative, on peut y lire les noms de ces Moudjahidines et ceux de leurs enfants. En gras la date du martyre de Rahal Boualem. Mais Pourquoi lui particulièrement?
« Rahal Boualem était mineur lorsqu’il a été guillotiné par l’armée française. Celle-ci a falsifié ses documents de naissance et l’a exécuté », explique Kenza.
La fontaine de « بئرجباح » tient son nom des métiers exercés dans cette rue autrefois. « جباح » qui signifie le rayon de miel en référence au vendeur de miel dans cette rue.
Deux fontaines dépendent d’elle aujourd’hui, la fontaine «مزوقة» et la fontaine de la mosquée Sidi Mohamed Cherif.
Plus bas la fontaine » بئرشبانة « , celle de la basse Casbah. Elle se trouve à proximité de la fontaine Sidi Ramdane tout aussi importante. Elle porte le nom du premier muezzin à avoir lancé l’appel à la prière dans cette mosquée.
Malgré leurs mines défraîchis et grâce aux habitants de la vielle cité, ces fontaines continuent d’exister et de rafraîchir les badauds et les propres habitants de la vieille ville. Ne dit-on pas que la première charité d’un village est sa fontaine ? Alors si vous rencontrez une de ces fontaines centenaires, ne passez pas sans vous y abreuver.