Le quotidien américain s’inquiète de la morosité qui gangrène la France, décrivant un pays tourné vers son «passé glorieux» et sans espoir pour l’avenir.
Spleen, dépression, malaise… La sinistrose française est souvent la risée de nos voisins américains. Mais cette fois, le diagnostic du New York Times est sans appel: les Français vont vraiment mal. Le quotidien américain, visiblement inquiet, multiplie depuis des semaines les éditos déplorant notre prétendu mal-être, avec des critiques parfois acerbes. Dansson article paru samedi, intitulée «Au revoir Vieux monde, bonjour tristesse», la chroniqueuse Maureen Dowd raconte ainsi que «même» la Fashion week n’a pas réussi à réveiller l’enthousiasme de l’Hexagone. Selon elle, les Français sont si déprimés «qu’ils n’ont même plus assez d’énergie pour être grossier». «Et maintenant qu’ils fument des cigarettes électroniques leur ennui n’a plus l’air aussi cool», ironise-t-elle, ajoutant: «Ce n’est pas qu’ils ont perdu la foi en leur propre supériorité. Ils ont perdu la foi dans le fait que le reste du monde la voit.»
Les Français champions du pessimisme, rappelle le journal
La chroniqueuse du New York Times rappelle que le taux de suicide et de personnes sous antidépresseurs est plus important en France que dans de nombreux pays européens… que les Français ont l’impression d’être «piégés dans leur passé», accablés par tous les maux (chômage, taxes, scandales politiques, mauvais temps)… ou encore que, selon un sondage Gallup (qui date tout de même de 2011), les Français sont même plus pessimistes que les Irakiens ou les Afghans.
Le mois dernier déjà, le journal publiait une tribune du consultant international Felix Marquardt, au titre sans équivoque: «Quel espoir pour les jeunes Français? Partir». Et ce quelques mois après une première tribune publiée dans Liberation sous le titre «Barrez-vous». Cosignée avec le chroniqueur Mouloud Achour et le rappeur Mokless, le texte avait fait scandale. Dans cette nouvelle salve, Felix Marquardt affirme que «les Français n’ont pas encore compris que la France, comme bon nombre de pays européens, devient une terre d’émigration, que les gens préfèrent fuir». «Les jeunes Français ont besoin d’aller à l’étranger, de travailler, de voyager, de voir comment les choses peuvent fonctionner dans différentes cultures et différents pays qui ne sont pas régis par nos bonnes vieilles règles – et ensuite ils pourront revenir pour réinjecter l’énergie et l’enthousiasme nouvellement acquis afin de faciliter la réconciliation des Français avec cette réalité mondiale que la France a rejetée depuis bien trop longtemps», peut-on lire dans le s colonnes du New York Times.
«Le vide politique est comblé par la colère et la frustration»
A la tête d’un peuple déprimé, qui se regarde le nombril et ferait mieux de déguerpir pour s’ouvrir un peu l’esprit, le gouvernement français en prend aussi pour son grade. Un autre article du NYT, «Déja Vu», paru en juin, compare la France d’aujourd’hui à celle de la période instable de la Troisième république, «quand une succession de gouvernements se sont entêtés à refuser de reconnaitre que le monde changeait». Dans son édito, Alan Riding, ancien correspondant du journal en Europe, rappelle que le président François Hollande a appelé au changement. «Mais dans un pays habitué à un régime présidentiel fort, le cœur du problème réside dans la faiblesse perçue chez Hollande et le désarroi au sein de son gouvernement», explique-t-il, pointant d’un autre côté du doigt les divisions au sein de l’UMP.
«Le vide politique est comblé par la colère et la frustration. À l’extrême droite, le Front national de Marine Le Pen fait tranquillement la récolte des troubles. À l’extrême gauche, le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon est plus un problème pour Hollande car il se prépare déjà à descendre dans la rue pour bloquer toute tentative de réforme économique à l’automne», écrit Alan Riding, qui évoque aussi «des forces plus sombres» encore, avec la mort de Clémen Meric et le coup de projecteurs sur les groupes extrémistes de tout bord… Sans compter les scandales touchant la classe politique, qui «ajoutent au malaise français», titre un article paru en avril dernier dans le journal.
«Le besoin de plus de courage et de leadership plus fort au sommet est urgent, conclut Alan Riding. Sinon, la promesse d’un avenir meilleur restera cela: une promesse». Une faible lueur dans un tableau bien sinistre.
Alan Riding, journaliste au New York Times