Les «Franco-Algériens» et les «Belgo-Marocains » , Vérités sur des brassages controversés

Les «Franco-Algériens» et les «Belgo-Marocains » , Vérités sur des brassages controversés

La Belgique, monarchie constitutionnelle de l’Europe occidentale, est limitée par les Pays-Bas au nord sur 449 km, à l’est par l’Allemagne et le Luxembourg, par la mer du Nord et au sud par la France sur 620 km.

Le Royaume est communément connu par son bilinguisme et sa division régionale, flamande et wallonne. En réalité, en plus de ces espaces, géographique et culturel, deux autres entités s’ajoutent à ces deux régions sus-nommées, celle allemande et la région bruxelloise. La population étrangère constitue le taux le plus élevé en Europe occidentale dont la capitale Bruxelles représente à elle seule plus de 25% de la population belge, soit un habitant sur 4 est étranger. Certaines communes de Bruxelles comme Schaerbeek ou Anderlecht sont habitées à 80% d’étrangers. En 1946, pilier fondamental de la relance économique puisqu’il contribue au fonctionnement des autres secteurs industriels, le charbonnage a été le principal recruteur de main-d’oeuvre étrangère, notamment algérienne et italienne en même temps que la pénurie et la désaffection des travailleurs belges qui ont rejeté le travail du charbon, dur et salissant, pour s’orienter vers des secteurs plus sécurisants et mieux rémunérés que les mines. Deux wilayate de l’Ouest, Tlemcen, particulièrement M’sirda, installés dans le Borinage, (Mons – Valenciennes, frontière franco-belge) et Mostaganem, localité d’Ammi Moussa, installés à Charleroi, de l’Est algérien, Sétif-Béjaïa, localités de Kendira à Anderlecht, Tizi Ouzou à Bruxelles, Charleroi et Liège, (dans la restauration), et les Aurès, Charleroi, le centre, Ksar El Boukhari Médéa en Flandre orientale, le centre Est, Anvers-Boussaâda, ont favorisé la pénétration algérienne, facilitée par le fait culturel et linguistique à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

108 salles de prière à Bruxelles en 1983

Les M’sirdis constituent la grande majorité des Algériens en Wallonie. Une fraction sensible est intimement liée à la communauté marocaine où les garçons ou filles des générations suivantes trouvent comme partenaires dans la vie, un Marocain ou Marocaine, facilitée par le mode de vie, le même accent, une même mentalité. Ces liens privilégiés offrent un immense avantage dans l’exil si bien qu’elle a permis dans plusieurs situations de se mettre à l’abri d’une pénétration environnementale et de conserver des traditions. Quant aux compatriotes originaires de Kabylie, ils sont plus adaptés aux questions de l’émigration, habitués aux conditions de vie de l’exil. Pour ceux établis en Flandre, 98% des foyers algériens sont mixtes, (le mythe de l’attrait éprouvé pour un type physique, «la blonde aux yeux bleus»). La population marocaine, issue des masses laborieuses marocaines de régions pauvres et déshéritées, la première génération pieuse était visible d’une manière ostentatoire par ses effets vestimentaires, son attachement ancestral aux us et coutumes.

En 1983, 108 salles de prière étaient ouvertes discrètement dans Bruxelles. L’avènement de Khomeiny a accentué une certaine forme de radicalisation (y compris dans la communauté algérienne de l’ouest). Elle s’est implantée essentiellement dans la capitale européenne. Certaines communes bruxelloises, les Marocains constituent jusqu’à 80%, (Anderlecht, Schaarbeek, Molenbeek). Cette forte présence marocaine dans la capitale belge a entraîné une posture frisant le mépris. Dans les années 1980, dans les bars belges un écriteau accroché à l’entrée mentionne que l’accès est interdit «aux chiens et aux Nord-Africains» même si la population canine est pratiquement supérieure à celle humaine. L’arrivée de la gauche au pouvoir vers 1981 a permis de voter une loi par le Parlement, condamnant son auteur raciste à une forte amende. Cela était dû à la présence de M. Serge Moreaux comme ministre de la Justice. Les militants FLN, durant la lutte de libération, véhiculaient après l’indépendance, l’information selon laquelle le référendum de 1962 sur l’autodétermination du peuple algérien s’est déroulé au domicile de son frère Philipe, connu comme bourgmestre, (maire), de Schaerbeek. Ces militants algériens ont gardé une immense reconnaissance et sympathie pour la famille Moreau. Signalons que les racistes ont trouvé une parade à cette loi. L’écriteau discriminatoire a été remplacé par la formule: «La direction se réserve le droit à la clientèle.» Il permet ainsi au barman de refuser de servir le noiraud client sans être puni. Signalons que le Belge ne fait pas de distinction entre l’appartenance du Nord-Africain à l’un des pays, Maroc, Algérie ou Tunisie. Les ressortissants de ces deux derniers ont toujours rejeté avec énergie cet amalgame.

Ce refus s’explique en raison de leur parfaite aisance d’absorption dans le pays plat de Brel. Le dispositif juridique connu ayant entraîné l’arrivée massive des Marocains a été signé le 17 février 1964. Cette convention entre les deux Royaumes a notamment permis une immigration de masse. Le taux de chômage est le plus élevé au sein de la troisième génération en Belgique. La population tunisienne est estimée à 24 800 entre la Belgique et le Luxembourg sur un total de 1 220 200 Tunisiens résidant à l’étranger dont 625 860 installés en France. Les Tunisiens sont issus de la capitale et du littoral d’où émane la grande majorité des tenants du pouvoir dans le pays. Ils exercent essentiellement dans l’hôtellerie, la restauration ou les commerces de proximité. C’est seulement vers les années 1970 que des Tunisiens, ouvriers ou paysans, originaires du Sud, peu scolarisés, émigrèrent vers l’Europe. L’enseignement gratuit de la langue arabe prodigué durant les grandes vacances en même temps que des voyages organisés pour découvrir le pays sont les moyens utilisés pour conserver les liens d’attachement avec la Tunisie. Ceci dit, le terrorisme à l’échelle internationale voit parfois impliquer des ressortissants maghrébins.

Il faut en premier lieu signaler la nouvelle approche des pouvoirs français qui consistent à éviter de signaler l’origine du terroriste concerné et cela pour les raisons suivantes:

Act III de la diaspora algérienne

1) Les pouvoirs français ont vite pris conscience qu’il fallait éviter de mettre en péril la cohésion nationale et créer par là une fracture dans la société française, multiculturelle et cultuelle. Les leçons, l’une intérieure et l’autre extérieure, ont été prises en considération.

2) Lors des attentats de janvier, l’attitude de jeunes adolescents français de la troisième génération de la diaspora algérienne particulièrement ont surpris la classe politique devant le refus de condamner ces horribles actes où d’innocentes victimes ont perdu la vie. «Quelle serait l’attitude maintenant de la gestionnaire, Ministre de l’Education, d’origine maghrébine, à l’égard de ces bambins, alors qu’elle fut aux plus hautes fonctions de la République comme Directeur de campagne de Ségolène Royal puis porte-parole du gouvernement Hollande», si une position est renouvelée?

3) La raison extérieure: il faut éviter de suivre le malheureux exemple des Américains après le 11 septembre, qui ont stigmatisé la communauté arabe d’une manière générale et musulmane en particulier en donnant naissance à une véritable fracture sociétale impossible à colmater de nos jours.

4) L’autre raison que les pouvoirs français ont prise en charge, ce sont les djihadistes parmi des Français et des Françaises de souche, issus de familles chrétiennes souvent pratiquantes.

5) Collatéralement, ils ont observé que les Français d’origine maghrébine n’ont rien à envier aux précédents et ont décidé de ne plus déclarer l’appartenance ethnique.

Cette fois-ci, ils n’ont pu éviter également d’expliquer à leur opinion la source évidente du vécu de cette situation dramatique. Le commun des mortels français a pu relever que ce qui arrive à la France, émane de sa politique étrangère. Des agressions ont été menées contre des Etats souverains militairement faibles pour soi-disant les libérer de dictatures hier très appréciées. Qu’est devenue la Libye après «sa libération»? Où ont-ils été lors de l’attaque à grande échelle sur des populations civiles désarmées et emprisonnées à ciel ouvert par un blocus à Ghaza, menée par une armada ayant utilisé les gros moyens militaires?

Par ailleurs, il ne faut sortir d’un éminent institut stratégique pour se poser la question du terrorisme? Il ne faut pas aller loin pour décrire la situation socio-économique, (chômage, le refus de l’emploi à la simple évocation du nom et prénom à résonance musulmane) des banlieusards issus de la troisième génération. Comment penser lorsqu’un pays européen déclare accepter les migrants syriens à condition qu’ils soient chrétiens. Que peut-on alors penser des pays européens qui, hier reprochaient le non-respect des droits de l’homme à ces pays et veulent «libérer le peuple syrien de la dictature»?

Qu’est-il advenu de l’Irak? Est-ce que le départ de Saddam a rendu le bonheur au peuple irakien multiconfessionnel et racial? Quant à la Syrie, l’entrée de Poutine dans le calvaire du Proche-Orient a brouillé «el bazga», (les cartes) aux Occidentaux. La Russie veut être de la partie pour le «redessinement» de la nouvelle carte géographique issue hier de Yalta d’où la France a été exclue. Dans les pays européens, la marginalisation, l’exclusion du partage du produit national sont les causes que la jeunesse d’aujourd’hui refuse d’avaler sous aucun prétexte.

Les «Franco-Algériens» ou les «Belgo-Marocains» rejettent totalement ce statut méprisant. Mieux, ces jeunes sont «totalement» français et «totalement» belges. Ils sont issus de votre école française et belge. Ils sont imprégnés des valeurs sociétales étudiées au sein de vos établissements. Ils ne peuvent appartenir à un environnement autre que le vôtre.

La voie migratoire étant ce qu’elle est d’une part, pour les Marocains et les Tunisiens, l’issue des récents «soulèvements populaires» n’a assuré aucune des attentes espérées dans les pays respectifs, d’autre part, le désespoir peut parachuter dans les bras du diable lorsqu’on constate le grand nombre de Tunisiens impliqués en Syrie et les ressortissants d’origine marocaine?

Quant aux Algériens, les différentes mesures initiés dans le cadre d’organismes de financement de projets pour stimuler de nouveaux pôles d’activités ont permis à l’heure actuelle, l’instauration d’une paix sociale et d’éviter à la jeunesse algérienne d’être tentée au moins par la voie migratoire.

(*) Ancien diplomate, Bruxelles et Aubervilliers