L’actuel Exécutif concentre sur lui, l’ensemble des frustrations de toute une génération d’Algériens.
Très discret, voire invisible, le Premier ministre ne se fait rappeler au souvenir des Algériens qu’à l’occasion des désormais traditionnelles audiences hebdomadaires que lui accorde le chef de l’Etat. Si de par sa fonction, Abdelkader Bensalah trouve matière à rester «nécessaire» dans la donne politique actuelle, ne serait-ce que pour camper le rôle de la «voix du pouvoir», Noureddine Bedoui n’a visiblement aucun «appui» susceptible d’en faire un personnage «utile» à l’Etat ou à la collectivité nationale.
Son effacement volontaire l’a quelque peu mis à l’ombre des critiques des citoyens lors des manifestations populaires, mais l’exigence du départ du gouvernement qu’il dirige demeure une constante dans le discours des acteurs politiques. De fait, son limogeage passe pour être le seul point de convergence entre toutes les positions exprimées par l’ensemble des courants politiques. Que ces derniers militent en faveur d’un dialogue débouchant directement sur la présidentielle ou sur un processus constituant, la fin de mission de l’Exécutif Bedoui constitue une revendication immuable. Aujourd’hui que l’on se rapproche de l’ouverture d’un dialogue, les jours du gouvernement sont comptés. L’équipe qui n’a brillé qu’à travers des décisions incomprises par l’opinion et souvent dénoncées pour leur caractère populiste, voire opportuniste, a montré un niveau d’incompétence tout à fait remarquable.
Et pour cause, la décision qui a consisté à stopper sine die les importations de kits SKD destinés aux usines d’assemblage de véhicules, adossés à une autorisation d’importation de véhicules usagés, a créé l’exact contraire de l’objectif assigné. Il y a eu une destruction d’emplois, un arrêt d’activité de plusieurs unités de production et une envolée des prix des véhicules d’occasion, en raison de l’abandon des importations de voitures de moins de 3 ans. Résultat : le marché de l’automobile n’est plus alimenté et le pays se dirige tout droit vers une sérieuse crise de disponibilité de matériel roulant.L’intrusion « inconsidérée» de l’Exécutif Bedoui dans l’industrie ne s’est pas arrêtée à cette gaffe, puisque le fleuron de l’électroménager public, a pu baisser rideau à cause des décisions inconsidérées prises pour, disait-on, préserver les réserves de changes.Ce coup «foireux» n’est pas la seule «bêtise» à l’actif d’un gouvernement qui, dans une tentative de faire de la politique, a cru judicieux de frapper la francophonie au cœur.
En insinuant une volonté de remplacer le français par l’anglais, à l’université, le gouvernement et son ministre de l’Enseignement supérieur connaissaient pertinemment la dose «quasi mortelle» de populisme mise dans cette décision. L’Exécutif, sachant qu’il ne sera de toute façon, pas comptable de ce genre de décision irréalisable à court terme, s’est engouffré dans les méandres de la politique politicienne et tenté de «taillader» la communauté universitaire en lui «jetant un os». Mais comme en économie, le gouvernement Bedoui a fait chou blanc et personne ne l’a suivi dans son «aventure» sans issue. De fait, l’homme et son équipe n’ont pas gagné le respect des Algériens, bien au contraire. Sauvé par une mercuriale plutôt clémente durant l’été, l’Exécutif a échappé à une fronde sociale, mais reste tout de même la cible du Mouvement populaire qui voit dans son départ, un signal fort d’une «émancipation» effective du pouvoir.
Le développement que connaît la scène politique ces derniers jours, avec notamment une forte probabilité d’enclencher le dialogue, après la satisfaction des préalables, met le gouvernement en première ligne. Noureddine Bedoui sera vraisemblablement le deuxième «B» à tomber après plus de 5 mois de manifestations pacifiques. Ses jours sont désormais comptés et par sa démission, le pays aura très sérieusement entamé le changement du système. L’Exécutif Bedoui sera la dernière vieille branche à tomber et le nouveau gouvernement, le bourgeon de la nouvelle République. C’est dire que l’actuel Exécutif concentre sur lui, l’ensemble des frustrations de toute une génération.
Saïd BOUCETTA