Les juristes réagissent aux restrictions imposées à ali banhadj “Le pouvoir accapare des prérogatives de la justice”

Les juristes réagissent aux restrictions imposées à ali banhadj  “Le pouvoir accapare des prérogatives de la justice”

Pour Me Noureddine Benissad, président de la Laddh, “seul le pouvoir judiciaire peut, par une décision définitive ou une mesure conservatoire, décider de limiter la liberté de déplacement d’une personne”.

Les déboires du n°2 de l’ex-FIS avec les autorités n’en finissent pas. Ainsi, depuis environ un mois, Ali Benhadj est visé par une interdiction de se déplacer hors du territoire de la capitale. Selon nos confrères d’El Khabar, “une instruction confidentielle” a été transmise par “le chef de l’État, via son directeur de cabinet, Ahmed Ouyahia, aux responsables des services de sécurité” pour mettre fin aux “agitations” de Benhadj. Cette même instruction date de décembre écoulé. On lui reproche, selon les termes de l’instruction, “ses prises de parole dans des fêtes et des enterrements de membres des familles d’anciens cadres du parti dissous, pour développer un discours incitant à la remise en cause des mesures lui interdisant l’accès aux mosquées”. La même instruction reproche à Benhadj ses multiples déplacements dans différentes villes du pays. Ouyahia, agissant au nom du chef de l’État, a précisé aux deux responsables de la police et de la gendarmerie que l’objectif de cette décision est de “préserver l’ordre public”, ordonnant “à chacun, dans le cadre de ses missions, (…) d’interdire à Ali Benhadj l’accès à une ville en dehors de la capitale”. Le directeur de cabinet de la présidence de la République a rappelé que la décision d’interdire à Ali Benhadj l’accès aux mosquées, à l’échelle nationale, excepté celle du quartier de sa résidence, à savoir la cité El-Badr, au sud d’Alger, est toujours en vigueur. Ouyahia a ajouté dans l’instruction attribuée à Bouteflika que Benhadj est “interdit de prise de parole et de discours dans cette même mosquée”, soulignant qu’une copie de ce même texte a été adressée au Premier ministre, au vice-ministre de la Défense, au ministre de la Justice et au ministre de l’Intérieur. Joint hier par Liberté afin d’en savoir plus sur le degré de légalité de cette mesure, Me Noureddine Benissad, président de la Laddh, a répondu que “du point de vue du droit, seul le pouvoir judiciaire peut, par une décision définitive ou une mesure conservatoire, décider de limiter la liberté de déplacement d’une personne”. Il a précisé que “seule la justice, si elle juge qu’une personne peut constituer un danger à l’ordre public, peut prendre une décision qui limite les droits politiques et civils de cette dernière”. Notant qu’“une décision de justice est susceptible de recours”, Me Benissad a souligné que “toute autre autorité qui décide d’une restriction des libertés, au demeurant consacrées par la Constitution et le droit, commet une interférence dans les prérogatives du pouvoir judiciaire”. Cela dit, l’instruction du chef de l’État pour “verrouiller” les activités d’Ali Benhadj tombe sous le coup de l’illégalité. C’est ce qu’estime Me Salah Dabouz, président de la Laddh, en soulignant que “si une telle décision est confirmée, cela voudra dire qu’on passe des influences exercées sur les institutions au stade d’accaparer carrément leurs prérogatives”. Me Dabouz a noté que “le citoyen Ali Benhadj est libre et ne doit être interdit d’aucune activité”, sauf, a-t-il enchaîné, “par décision de justice, avec toutes les garanties que prévoient  la Constitution et les conventions internationales en relation avec les droits de l’Homme”. Analysant cette mesure des autorités, Me Dabouz, à son tour, estime que “l’Exécutif s’affole pour des raisons mystérieuses et prend des décisions très graves dans la mesure où il met en cause carrément tous les fondements d’un État républicain, au demeurant très fragilisé par le comportement de ses fonctionnaires en violation des textes de loi”.