Les limites de Saâdani

Les limites de Saâdani

Le suspense est total au sein du FLN. Alors que tout le monde s’attendait à une annonce rapide de la composante humaine du Bureau politique, juste après la clôture des travaux du congrès et les soutiens affichés du président Abdelaziz Bouteflika et de son chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, le secrétaire général du vieux parti entretient le mystère sur les hommes qui devront l’accompagner dans ses missions politiques.

Ayant les coudées franches dans sa gestion organique et politique du parti, Amar Saâdani semble avoir, paradoxalement, les mains liées quand il s’agit des nominations ou des désignations des responsables devont officier au sein de son staff.

Le BP est une œuvre difficile, compliquée et pleine de calculs, nous dit-on dans l’entourage du parti. En plus des détails d’équilibre régional, vieille recette traditionnelle du parti et du pouvoir algérien en général pour cacher les tares et les dérives et donner l’impression d’unité et de solidarité, le mode de désignation au sein du FLN n’a pas changé d’un iota. La règle demeure la même : la loyauté.

D’ailleurs, un ancien dirigeant du parti est plus incisif quand il nous dira que la constitution du BP est soumise à trois critères : « la loyauté, puis la loyauté et enfin la loyauté ». Aucune marge n’est laissée à la technicité ou à des compétences avérées dans un domaine précis. Le BP est une affaire « personnelle » qui concerne « exclusivement » le patron du parti.

Or, une nouvelle donne vient de surgir dans les tablettes du FLN à la fin de ce congrès. Ce n’est plus Saâdani qui est seul responsable ou chef du vieux parti majoritaire, mais c’est Bouteflika, président du FLN. Autrement dit, toute nomination ou désignation des membres du BP devra avoir l’aval du chef de l’Etat. C’est cette nouvelle « complication » politico-organique qui a créé un semblant de suspense et aiguisé des ambitions parmi des dizaines de membres du comité central.

Selon des sources internes au parti, Saâdani aurait confié à ses proches que la liste de son BP sera validée après les fêtes de l’Aïd El Fitr, soit vers la fin du mois de juillet.

D’ailleurs, cette validation ne devrait avoir lieu qu’après la convocation d’une session spéciale du comité central, dont l’ordre du jour sera l’adoption du règlement intérieur du parti, le règlement intérieur et le fonctionnement du CC.

Depuis que le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales a validé les résultats du dixième congrès et donné son quitus sur ce qu’on appelle « la conformité », il ne reste plus au parti que le choix et la sélection des hommes qui composeront le team du Bureau politique.

Selon les dires de Saâdani, c’est Bouteflika qui avalisera en dernier ressort cette liste sur proposition, bien sûr, du secrétaire général. Il est évident que beaucoup de noms circulent dans l’encadrement des appareils du parti.

C’est ainsi qu’on affirme que Saâdani ne voudrait pas intégrer les quatorze ministres fraîchement ralliés au CC au sein du BP.

Pratiquement aucun nom ne figure sur une liste initiale, nous confie-t-on. Même pas Khaoua, ex-président du groupe parlementaire du FLN, aujourd’hui membre du gouvernement Sellal chargé des Relations avec le Parlement, qui fut l’un des plus ardents défenseurs de Saâdani depuis sa venue au parti en 2013, et sans doute l’un de ses partisans les plus farouches et son pilier politique.

Or, les rumeurs évoquent plutôt le retour de la vieille garde, qui fut longtemps l’arme redoutable de Bouteflika quand il accéda au pouvoir en 1999. Et il est question avec insistance du retour de l’ex ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, ou de Saïd Barkat, qui géra pendant longtemps le porte-feuille de l’Agriculture.

Des retours qui donnent un cachet plus politique à ce nouveau BP.

Cependant, Saâdani semble avoir misé sur d’autres têtes moins connues, moins médiatisées pour compléter sa liste qui frôle les 19 personnes. En entretenant le flou, ils laisse planer des doutes sur certains parmi ses fidèles, comme Mazouzi, longtemps « Monsieur organique » du parti, ou l’actuel chargé de communication.

On évoque à ce sujet que Saâdani voudrait mettre dans le bain des têtes plus jeunes et des femmes, afin de justifier son propre discours et sa politique dite de l’assainissement des organes du parti.

Lors du congrès, ses messages étaient dominés par des termes comme rajeunissement et modernisation. Or, tout le monde sait que la moyenne d’âge des dirigeants du FLN dépasse allègrement les 60 ans.

C’est ainsi qu’on prévoit au moins quatre femmes et six jeunes cadres affirmés au sein du BP. De plus, selon nos sources, Saâdani aurait posé une condition draconienne à tous ceux qui veulent entrer dans le club fermé du BP : refus de tous ceux qui détiennent une responsabilité administrative, économique ou parlementaire, à moins de démissionner de son poste.

Une règle qui a créé une énorme déception chez beaucoup d’ambitieux, comme le chef du groupe parlementaire, le milliardaire Djemai, qui cherche depuis toujours à vouloir intégrer l’état-major du FLN.

En attendant que Bouteflika daigne enfin « libérer » la liste de son BP, l’incertitude est totale sur une structure stratégique du parti, car c’est elle qui va conduire le FLN vers les nouvelles batailles politiques qui s’annoncent, au moins jusqu’à 2017.