Les manifestations dégénèrent au Brésil

Les manifestations dégénèrent au Brésil

Depuis juin, des manifestations se succèdent à travers le pays pour demander de meilleurs services publics et protester contre la corruption et le coût de la Coupe du monde de 2014. En réponse à la violence de la répression policière, Black Blocs et autres groupes radicaux ont adopté une stratégie d’autodéfense.

La nuit tombe sur le centre de Rio de Janeiro. Devant le théâtre municipal, des milliers d’enseignants s’éparpillent, après avoir battu le pavé pendant trois heures. Ils ont profité de ce Jour du professeur, le 15 octobre, férié au Brésil, pour clamer leur ras-le-bol des mauvaises conditions de travail dans l’éducation nationale. Soudain, c’est l’explosion: une bataille s’engage entre les policiers, venus en masse, et un groupe de jeunes formé tôt, en tête de la marche. Des barricades sont érigées, des pierres et des cocktails Molotov volent d’un côté, des bombes lacrymogènes et des coups de matraque pleuvent de l’autre.

Cette fois, les devantures des banques n’ont pas été détruites, elles sont désormais toutes barricadées dans le centre-ville. Mais il a fallu évacuer deux employées du McDonald’s, effrayées par un début d’incendie dans le restaurant, et des policiers ont dû arriver en renfort pour protéger le consulat américain. Deux symboles du capitalisme qui feront les délices de la presse, le lendemain.

Car journalistes et analystes politiques peinent à comprendre les motivations de ces jeunes, qui se sont baptisés «Black Block», en référence à un mouvement contestataire né en Allemagne de l’Ouest au début des années 1980, et qui s’invitent désormais dans toutes les manifestations de Rio de Janeiro, Sao Paulo, et Brasilia, le visage dissimulé derrière un tee-shirt ou un foulard. «Ce n’est pas un hasard, c’est aussi dans ces villes que la police est la plus violente», estime Julio Tavares, professeur à l’Université fédérale Fluminense, qui travaille sur le phénomène, depuis son éclosion il y a quelques mois.

Lorsque des manifestants ont commencé à investir la rue, en juin, pour exiger de meilleurs services publics et protester contre la corruption et le coût excessif de l’organisation de la Coupe du monde de 2014, les Brésiliens ont été choqués par l’ampleur de la répression policière révélée par des groupes de journalistes-citoyens alors qu’elle était tue par la grande presse.

Bus incendiés

C’est dans ce contexte que surgissent les Black Blocks dans une stratégie d’autodéfense contre la police, quitte à assumer les dérapages, comme des bus incendiés.

«Il n’est pas facile de les cerner, on trouve aussi bien des anarchistes cultivés que des jeunes sans occupation qui veulent clamer leur ras-le-bol, mais tous ont la certitude que ce n’est qu’en cassant tout qu’on écoutera les doléances de la population», explique Julio Tavares. En ce sens, ils bénéficient d’une bonne dose de sympathie de la part de la classe moyenne, lasse de politiques sourds à leurs revendications.

Pour l’heure, les gouvernements de Rio de Janeiro et Sao Paulo répondent à ces éclats en radicalisant la répression, quitte à ressusciter des lois de la dictature pour jeter ces agitateurs derrière les barreaux. «Cela montre qu’ils n’ont rien compris, et ça va jeter de plus en plus de jeunes dans la rue», se désole Julio Tavares. Pour lui, entre Coupe du monde et élections générales, 2014 devrait donner lui un véritable «embrasement» du pays.