SKIKDA – Tournant décisif dans le cours de la guerre de liberation nationale dont l’onde de choc a été ressenti dans tout le Maghreb et l’Hexagone, les offensives du Nord constantinois le 20 août 1955 avaient révélé le potentiel de l’Algérie révoltée et son poids sur la politique de Paris, affirme l’historien Toufik Salhi.
Dans une déclaration à l’APS, ce professeur d’histoire à l’université de Skikda ‘‘20 août 1955’’ note qu’en ce début de l’année 1955, le Nord constantinois était ‘‘en rupture’’ avec la révolution de novembre que l’armée coloniale tentait ‘‘d’encercler et d’étouffer’’ dans la région des Aurès en déployant tout son arsenal de guerre.
Le jour ‘‘J’’ de l’offensive a été précédé les 1er et 8 mai et le 5 juillet 1955 par des embuscades sur les routes reliant les grandes villes visant à causer le maximum de dégâts à l’armée française, s’accaparer des armes et saccager certaines installations économiques de sorte à accentuer la pression sur l’armée et la communauté des colons, souligne Pr. Salhi qui relève qu’il était devenu impératif, en ce moment critique de la révolution, d’engager une action qui placerait la Révolution sur la voie du non-retour.
Les initiatives de récupération des armes détenues par des particuliers pour les remettre aux djounouds de l’Armée de libération nationale (ALN) dont le nombre des bénévoles augmentait sans cesse ont été intensifiées et Zighoud Youcef qui mesurait fort bien l’enjeu de la conjoncture disait alors que : ‘‘aujourd’hui, l’affaire est devenue une affaire de vie ou de mort’’, souligne l’universitaire.
Le sacrifice d’une génération pour l’indépendance
A 88 ans, Ramdhane est le seul survivant des trois frères Leftissi devenus tous moudjahidine. Lors des évènements du 20 août 1955, il avait à peine 26 ans.
Placé sous le commandement de Lasbaâ Zidane, il faisait partie du groupe chargé en ce samedi 20 août, jour chômé, d’empêcher la fuite des soldats français dans la région d’El Hadaïk à la sortie Sud de la ville de Skikda.
Lors de l’accrochage, Ramdhane raconte que son camarade Bouzebra fut touché à l’épaule. Poursuivi par une patrouille de soldats français, il a dû mettre le feu dans un champ de céréales pour couvrir par la fumée et les flammes son repli vers la région de Ezzamel (Bouchetata actuellement) puis vers la Tunisie.
Son frère Salah avait le même jour placé une bombe dans un café au centre-ville de Skikda. Selon Ramdhane, Salah était resté trois jours sous les corps déchiquetés des français en raison de la forte présence des soldats français avant de se diriger vers la maison de son oncle maternel à la cité Napolitain. Salah rejoignit ensuite les maquis où il tomba au champ d’honneur, ajoute le moudjahid octogénaire.
L’aîné des trois frères, Messaoud avait rejoint plutôt le mouvement nationaliste en France où il fut chargé durant la Révolution de collecter les fonds pour le financement de la révolution et des militants, précise Ramdhane.
Plus d’un demi-siècle après, Ramadhane se souvient encore avec émotion de sa jeune épouse de 16 ans Zineb Messikh appelée Mahbouba avec qui il n’a vécu que quatre mois avant d’en être séparé pour rejoindre les maquis.
Elle était belle et fière, assure Ramdhane qui demeure encore touché par les conditions de sa mort. Elle fut brûlée avec cinq autres femmes et deux hommes de la famille Bouchetata après avoir été encerclés, relate d’une voix étouffée le vieux Ramdhane qui demeure avec ses deux frères des symboles d’une génération qui a sacrifié ce qu’elle a de plus cher pour l’indépendance et la liberté de l’Algérie.