Dans notre République, l’examen d’un projet de loi, un projet de loi de finances en particulier, s’est toujours résumé à une causerie de forme. Dans un Parlement verrouillé, l’opposition peut s’exercer à loisir à la critique des prescriptions de l’Exécutif. Le pouvoir se paie ainsi un spectacle démocratique sans conséquence.
Pour les élus de la majorité, l’exercice consiste à intervenir, en nombre restreint, sur des points de forme et à meubler ainsi une plénière qu’ils ne doivent pas entièrement abandonner au monopole de l’opposition. Pour le reste, les commissions se chargent de circonscrire, sous le contrôle des représentants du gouvernement, le minimum négociable, et de censurer, sur cette base, les éventuelles velléités d’amendement de leurs pairs.
Mais, une fois n’est pas coutume, des députés du premier parti de la majorité ont résolument pris la liberté d’exercer leur prérogative de critique au cours du débat sur la loi de finances actuellement en cours d’examen. Il est difficile de dissocier la part de spectacle de la part d’engagement comme il est difficile de préjuger de la position finale des députés FLN en particulier, mais il faut tout de même apprécier la surprise qui nous est faite par quelques-uns d’entre eux.
À l’évidence, le gouvernement a accommodé un projet dont les arrière-pensées prévaricatrices sont tellement flagrantes qu’elles suscitent l’opposition de parlementaires, par ailleurs, habitués à accorder leur caution mécanique aux décisions de l’Exécutif. Et il n’y a pas que les effets sociaux de quelques augmentations de taxes, sur les carburants et l’électricité notamment, qui ont déchaîné ce mécontentement parlementaire. C’est que le projet est truffé de subterfuges législatifs visant à faciliter l’accaparement privatif du foncier public sous prétexte d’encouragement à l’investissement productif. Il semble que le pouvoir, au lieu de devoir assumer ces dispositions dans le futur code de l’investissement, a préféré glisser, dans l’urgence, ses mesures pro-oligarchiques. En guise de loi de finances, le texte prend des allures de loi de privatisation patrimoniale. Il y a, en partie, tromperie sur la marchandise, et c’est probablement là que certains députés, malgré leur disponibilité politique, hésitent à se compromettre.
Il y a comme une tentative de vente concomitante dans l’association, dans un même projet de loi, de largesses domaniales à des formules d’incitation à l’investissement et à des mesures d’économie budgétaire.
On y décèle des velléités de mainmise privative propres aux pouvoirs en fin de règne. Une espèce de plan de partage de butin emballé, dans la précipitation, dans une loi qui, par nature, ne peut souffrir un report. Il finira par voter une loi de finances qui aura joué le rôle de “passeur” pour des décisions de cession patrimoniale.
M. H.