Les puits de pétrole doivent-ils faire le lit du renouvelable ?

Les puits de pétrole doivent-ils faire le lit du renouvelable ?

Des horizons énergétiques pas si lointains que cela impliquent de grands défis économiques pour le monde entier. L’Algérie n’est pas en reste qui fait partie des pays dont l’ampleur des défis qu’ils doivent engager, impliquent une mobilisation de toutes les ressources et de tous les instants pour commencer à se préparer au rendez-vous qu’impose le passage de la civilisation humaine à une nouvelle ère énergétique.

Le défi est double pour l’Algérie, comme il l’est pour tous les pays semblables au nôtre par la structuration de leur système économique. Il s’agit, avant tout, de se déployer sur le plan énergétique afin de structurer un bouquet qui intègre les nouvelles énergies, tout particulièrement les énergies renouvelables, afin de pallier les défections futures qui pourraient advenir du fait de la diminution prévisible et du tarissement, à terme, tout aussi prévisible, des énergies fossiles. Il s’agit ensuite de travailler à l’émergence d’une économie forte et diversifiée, créatrice de nouvelles richesses qui reposent plus sur l’humain et le savoir-faire technique et technologique que sur les ressources en hydrocarbures appelées à ne plus être la manne providentielle qui a tant donné aux Algériens.

La rente pétrolière, une malédiction ?

A l’échelle humaine, 50 ans d’indépendance, c’est tout de même un demi-siècle et autant de générations, celle d’avant-l’indépendance, et les deux qui l’ont suivie, qui continuent de coexister, se livrant à un jeu de miroirs triangulaire, qui interroge le passé à l’épreuve du présent et qui convoque par la même un questionnement crucial sur l’avenir. A l’échelle d’un pays, 50 ans, même s’il faille placer à ce seuil symbolique, la tangente inaugurale d’un tournant, c’est plutôt le signe d’une grande jeunesse et une disponibilité plus à l’avenir qu’au passé, car l’Algérie, malgré ses racines millénaires, vit une très jeune modernité.

La jeunesse a droit à l’erreur, le droit de se chercher et le droit de revendiquer sa spécificité et sa différence, surtout quand elle a (la jeunesse de l’Algérie) la chance de se soutenir d’une richesse qui lui a offert, à deux reprises, des sursis salvateurs. Non, le pétrole n’est pas une malédiction ; tout juste un substitut providentiel à ce que les Algériens n’arrivent pas encore à donner à leur pays. La rente pétrolière n’est pas un bien maudit, puisqu’elle a permis de maintenir à flot, des décennies durant, l’un des modèles sociaux les plus difficiles à entretenir qui soient au monde, dont on voit aujourd’hui la consécration la plus grande autant que les limites au-delà desquels ni la rente ni la volonté politique ne sauraient aller.

L’autre aspect qui permet d’affirmer que le pétrole (auquel on donne, par abus de langage, le sens d’hydrocarbures), est une bénédiction, c’est le fait que les richesses que l’Algérie doit à cette ressource permet des réalisations et devrait permettre des réalisations sur deux plans. Le premier, c’est celui qui consiste à soutenir, comme un impératif crucial, que l’énergie d’aujourd’hui doit financer l’énergie de demain. Le second, c’est celui qui permet de soutenir, comme un défi incontournable et vital, que l’économie d’aujourd’hui, pétrolière et mono-exportatrice, doit, malgré tout, enfanter l’économie de demain, d’essence humaine, technologique, entrepreneuriale et profondément ancrée dans la modernité.

La sécurité alimentaire, la priorité !

Nous avons assisté, dès les premiers emballements des prix du pétrole en 2008, à une envolée spectaculaire des prix des denrées alimentaires sur les marchés internationaux et on en a vu les effets sur la facture algérienne à l’importation. Qu’en serait-il lorsque le baril de pétrole ne posera pas au monde la seule question de son prix, mais plutôt et surtout celle de sa disponibilité ? C’est dire que la relation étroite entre le prix de l’énergie et le sort que les marchés internationaux réservent aux prix des produits alimentaires de première nécessité risque, dans un futur dont le point d’horizon n’est plus aussi lointain qu’on puisse le croire, d’hypothéquer la sécurité alimentaire dans le monde.

L’Algérie n’est pas en reste face à de telles menaces et au cœur de la stratégie qui doit mener notre pays vers un rivage salutaire dans ce futur probable, doit figurer, forcément, une politique bien inspirée de développement agricole, qui aille de pair avec les réalités énergétique et climatique à venir, surtout dans un pays voué, selon les prévisions des scientifiques, à sa condition de semi-aridité aggravée, dans les décennies à venir, par le phénomène du réchauffement climatique. La sécurité alimentaire est le minima stratégique que doit garantir l’effort de développement économique, sachant tout de même que ce minima ne saurait advenir, dans les faits, sans que les autres volets de la politique de développement ne soient concrétisés et couronnés de succès. Ce n’est pas un hasard si les plus grands pays agricoles sont ceux-là mêmes qui occupent le haut du podium sur les plans industriel et technologique.

Le pétrole allie des renouvelables ?

Achèterons-nous un jour notre énergie aux autres ? Pour ne jamais avoir à se poser cette question et quel que soit l’éloignement de l’horizon probable ou improbable auquel cette question se posera d’elle-même, il faudra bien que l’Algérie aille vers l’ère des renouvelables, loin de toute ruée panique, dans la sérénité de l’anticipation, pour substituer, sur le très long terme, à cette énergie dont les oracles des temps modernes annoncent le déclin prochain, une énergie renouvelable à la source intarissable. Phébus, Eole, Poséidon, Gaïa et autre Vulcain ne sont plus des mythes antiques, mais bien l’horizon énergétique de demain dont la traduction terre à terre n’est autre respectivement que le soleil, le vent, l’eau, la terre (biomasse) et le feu.

Autant d’éléments qui sont source d’une énergie inépuisable et propre, mais dont l’exploitabilité reste tributaire de la réussite, par notre pays, d’une gageure, à savoir la maîtrise des technologies qui permettent des conditions d’exploitation vivables et viables des renouvelables. Aujourd’hui, le photovoltaïque, par exemple, n’est qu’une technologie sommaire qui ne pourra, par ses coûts et sa consistance énergétique, représenter, dans le meilleur des cas, qu’une faible part dans le mix énergétique. Dans ce domaine, donc, les défis sont multiples et la disponibilité des fonds ne suffit pas, qui implique elle-même le défi du choix judicieux des technologies à investir et des partenaires internationaux auxquels il faudra forcément s’allier stratégiquement. Dans cette effervescent contexte de défis, de priorités et de perspectives révolutionnaires pour l’humanité, le réchauffement climatique est l’autre menace que la planète présente aux hommes comme la meilleure raison de renoncer à leur mode de vie énergivore en se disant, après tout, que le déclin de ce qui a pollué l’environnement 150 années durant, est une bonne chose. Il suffit de s’y préparer.

R. M. Horizons