Le chercheur Jean-Robert Henry (CNRS Aix-en-Provence) a animé une rencontre au centre d’études Diocésain sur le travail accompli, les difficultés rencontrées, puis l’annulation et l’abandon du projet de création de ce musée sur l’histoire de la France et de l’Algérie.
Une conférence intéressante intitulée “Le musée sur l’histoire de la France et de l’Algérie- Les leçons de l’abandon du projet”, a été donnée, avant-hier, au centre d’études Diocésain d’Alger. Cette rencontre a été animée par l’éminent chercheur Jean-Robert Henry (CNRS Aix-en-Provence), qui a tout d’abord tenu à exprimer son émotion et sa joie de se retrouver dans ce lieu si cher à son cœur par les souvenirs qu’il fait remonter à sa mémoire. Cette mémoire qu’il faut savoir parfois distinguer ou différencier de l’histoire, deux maîtres mots de cette rencontre qui est revenue sur la genèse, le travail accompli, les difficultés rencontrées, puis l’annulation et l’abandon du projet de la création du musée sur l’histoire de la France et de l’Algérie. Le conférencier “ami de l’Algérie” a étudié et enseigné à Alger de 1963 à 1977. Il a ensuite poursuivi sa carrière au CNRS, à Aix en Provence. En 2012, il fut sollicité pour présider le comité scientifique du musée qui devait s’ouvrir dans la ville de Montpellier. Lors de cette conférence, et à travers son expérience, Jean-Robert Henry a voulu partager sa réflexion sur les circonstances et les leçons de l’abandon de cet ambitieux projet. Pour cette initiative, il a été confronté à divers obstacles qu’il a fallu dépasser, à des personnes qu’il a fallu convaincre, s’est vu tout de même avancer à grands pas et à diverses étapes avant d’être stoppé dans son élan pour des raisons qui, selon lui, étaient faussées par des considérations non dites et des propos “mensongers” qui ont fini par avoir gain de cause et jusqu’à affaiblir même les plus concernés. Ce projet se voulait avant tout un moyen “d’instaurer une passerelle entre les recherches universitaires les plus récentes et le grand public. Réorientant un projet tourné initialement vers les attentes mémorielles des Français d’Algérie”, a-t-il indiqué. Et de poursuivre qu’ “il avait réussi à mobiliser plusieurs dizaines de chercheurs français et algériens pour tenter de proposer un parcours commun dans l’histoire des rapports entre les deux pays et les deux sociétés.” Il s’agissait surtout, selon l’intervenant, “moins de confronter des mémoires antagonistes que de proposer aux porteurs de celles-ci le détour par un devoir d’histoire.” Le but fixé était donc la gestion de ces mémoires, la gestion des rapports franco-algériens présents et futurs et la mise en rapport entre l’histoire et les mémoires, d’autant plus que “de nombreux travaux scientifiques ont été publiés sur l’histoire des rapports entre la France et le Maghreb, mais peu d’initiatives ont entrepris de synthétiser ces savoirs pour les rendre accessibles à un large public, notamment scolaire.” Une équipe a donc été formée en ce sens et s’est mise au travail, constituée de groupes distincts, chacun s’occupant du volet pour lequel il avait été choisi. Des expositions temporaires ont même été prévues et devaient circuler de part et d’autre de la Méditerranée. Toutes les démarches entreprises, les étapes, les missions, les missives, les rapports, les différends, les tentatives de renégociations, les interventions pour faire revivre ce projet ont été abordés lors de cet exposé sur un sujet qui continue de remuer les mémoires dans une histoire qui n’a pas tout dit et qui n’arrive pas à apaiser les cœurs de part et d’autre de la Méditerranée. Ainsi donc apprend-on qu’“en juin 2014, à quelques mois de l’ouverture du musée, le nouveau maire de Montpellier a décidé brutalement et sans concertation d’arrêter le projet, sous la pression notamment des associations algérianistes”, a-t-il souligné. Une décision qui, semble-t-il, “témoigne de la difficulté persistante à l’échelle politique locale en particulier à assumer l’histoire croisée de la France et du Maghreb.” Toujours est-il que “les nombreuses réactions suscitées par l’abandon du projet au sein des institutions universitaires et culturelles et dans l’opinion ont aussi permis de vérifier l’intérêt et la légitimité de la démarche qui avait été entreprise”, a-t-il fait savoir. Et au public présent à ce rendez-vous de conclure que “bien que le projet du musée réel ait échoué, que celui du musée virtuel ait avorté, l’espoir en des jours meilleurs pour les mémoires et l’histoire demeure…”.