Les seigneurs de la guerre Libyens autour d’une table à Alger, Le refrain de la paix

Les seigneurs de la guerre Libyens autour d’une table à Alger, Le refrain de la paix

Abdelkader Messahel et Leon Bernardino

L’Algérie aura-t-elle ainsi l’honneur, comme cela a été le cas pour la crise malienne, de fabriquer la victoire des Libyens contre le chaos?

Toute la Libye politique a débarqué hier à Alger. Les différentes factions, les partis, les personnalités et les milices en conflit dans ce pays se sont tous mis hier, à la résidence El Mithak, autour d’une table pour tenter de trouver un accord et mettre fin au chaos qui secoue la Libye depuis plus de trois ans. Plus de vingt représentants du peuple libyen ont ainsi pris part à cette rencontre, initiée par l’Algérie et parrainée par les Nations unies, qui vise, selon ses organisateurs, à faciliter le dialogue inter-libyen et favoriser l’émergence d’un consensus autour de toutes les parties en conflit. «Toute la communauté internationale attend à ce que la rencontre d’aujourd’hui aboutisse à un accord positif», a déclaré Leon Bernardino à l’adresse des participants à l’ouverture des travaux.

Abdelkader Messahel a, lui, réaffirmé la disponibilité de l’Algérie à soutenir le processus politique en cours en Libye, jusqu’à son aboutissement. «Les Libyens sont conscients de la situation qui prévaut dans leurs pays, c’est pourquoi ils sont aujourd’hui parmi nous. Il est de leur responsabilité de trouver un accord et de mettre fin à cette situation et il est de la responsabilité de l’Algérie de les aider», a rappelé Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, qui conduit, côté algérien, les négociations inter-libyennes.

Optimiste malgré tout, Messahel a tenté, à travers une locution très diplomatique, de transmettre son optimisme à ses interlocuteurs en parlant notamment d’une «Libye nouvelle». Cet optimisme est partagé par un représentant du Parti national libyen qui, en réponse à nos questions, a affirmé que «la rencontre d’Alger est une étape importante dans le processus de règlement de la crise libyenne». «Cette rencontre vise à renforcer celles qu’on a tenues précédemment et elle va, nous en sommes certains, aboutir à un accord, y compris de cessez-le-feu, car nous sommes prêts à faire toutes les concessions possibles pour que la Libye retrouve sa sérénité et reste unie. Ceci passe nécessairement par la dissolution des Parlements de Tripoli et de Tobrouk et la mise en place d’une institution législative représentative et d’un gouvernement d’union nationale» a-t-il ajouté. Un autre Libyen présent à la table des négociations, Ramadan Khaled du Parti de la justice et de la construction, a affirmé à L’Expression que «toute la classe politique a constaté les limites de la confrontation. Nous n’avons plus aucun choix autre que le dialogue. Nous remercions l’Algérie de nous avoir permis de nous rencontrer aujourd’hui (…)».

Néanmoins, Abdelkader Messahel n’a pas manqué d’exprimer quelques appréhensions, compte tenu de la complexité de la question libyenne. Il a, à cet effet, appelé l’ensemble des parties libyennes à faire preuve «de patience et de persévérance» pour donner une chance au processus de dialogue d’aboutir. «Le consensus national nécessite de la patience et de la persévérance», a-t-il insisté.

De son côté, Leon Bernardino a observé que «la Libye a aujourd’hui deux choix: l’accord positif ou la destruction. Nous sommes convaincus que ceux qui sont ici parmi nous veulent aboutir à cet accord et veulent construire une Libye démocratique et unie». Cependant, partageant les appréhensions de Messahel, celui-ci n’a pas perdu de vue les embûches qui entravent la résolution du conflit libyen. Il a en effet fermement mis le point sur certaines actions de terrain qui compliquent les choses, notamment le terrorisme dont l’éradication échoit, selon lui, à tous les Libyens, quelle que soit leur couleur politique ou idéologique. «Les Libyens doivent tous êtres unis contre le terrorisme car ce phénomène représente un danger certain, pas seulement pour les Libyens mais pour toute la région», a assuré le représentant onusien. M.Bernardino a, par ailleurs, rappelé le rôle de l’ONU, privilégiant dans son analyse la voie de l’apaisement et du dialogue. «Il y a ceux qui pensent qu’un groupe politique doit s’imposer sur les autres, il y a ceux qui pensent qu’un groupe militaire doit s’imposer sur les autres. Nous, nous disons non. Mais, c’est aux Libyens de travailler pour l’unité et la démocratie en Libye. Nous, nous ne jouons que le rôle de facilitateurs», a-t-il rappelé, remerciant vivement l’Algérie au passage pour le rôle majeur qu’elle est en train de jouer.

Pour rappel, enfin, la rencontre des Libyens à Alger s’inscrit dans le sillage du dialogue inter-libyen qui a déjà transité par Ghadamès et Genève. Jusque-là, bien des pas ont été faits mais l’accord peine encore à se dessiner.

L’Algérie aura-t-elle ainsi l’honneur, comme cela a été le cas pour la crise malienne, de fabriquer la victoire des Libyens contre le chaos? Une bonne partie de la réponse nous sera donnée aujourd’hui