La grève illimitée des travailleurs du Trésor de la wilaya de Tizi Ouzou, qui en est à son treizième jour, sans compter les dizaines de jours de grève observée auparavant, risque d’avoir des conséquences graves. Et pourtant, les syndicalistes de cette institution financière ont réaffirmé, hier, dans une conférence de presse, que leur grève est légitime, et, par conséquent, « les véritables responsables de cette situation, que nous-mêmes subissons d’ailleurs puisqu’elle a été imposée à nous de fait, sont ceux qui nous ont trahis. »
Les conférenciers, parmi lesquels se trouvait Mohand-Amokrane Abba, étaient au moins huit à alterner dans la prise de parole. Dans leur déclaration préliminaire prononcée par Merouane Doumaze, les grévistes ont rappelé toute la genèse de l’affaire, tout en rappelant l’historique de leurs différents mouvements de grève.
Le document donne lecture des griefs du syndicat du Trésor contre la Fédération des finances. En effet, ses rédacteurs écrivent : « La Fédération des finances, fidèle à ses pratiques occultes et malsaines, a tenté de briser la dynamique du mouvement par l’envoi d’un document porteur de « bonnes nouvelles » d’après son secrétaire général, à savoir l’instauration d’une indemnité forfaitaire de 8 000 DA et la revalorisation de la prime de rendement de 35% à 50%, soit une augmentation de 15 % ».
Très circonstancié, le document note bien entendu le contenu de la réunion du 24 mars 2015 entre les syndicalistes du Trésor d’un côté et de l’autre le wali, du directeur de l’administration et des moyens, M Briki, délégué du directeur général de la comptabilité, du trésorier de la wilaya et du chargé de l’organique auprès de l’UGTA Union de wilaya de Tizi Ouzou.
Les conférenciers rappelent qu’à l’issue de cette réunion, l’émissaire de la tutelle s’est engagé « à nous communiquer deux écrits officiels portant des nouvelles satisfaisantes dans un délai de 48 heures ». « Aujourd’hui, affirme Boutaba Brahim, nous ne demandons qu’une seule chose : le respect de ces engagements en question. »
Les raisons de la grève
« Tout d’abord, relève Mohand-Amokrane Abba, nos homologues de beaucoup de wilayas du pays, à l’instar de Tébessa, Batna, Oum-El-Bouaghi, même s’ils n’ont pas encore opté pour une grève illimitée, font cependant des grèves cycliques. »
« Ensuite, poursuit le conférencier, je tiens à faire savoir que Tizi Ouzou est une des wilayas d’Algérie qui, jusqu’à preuve du contraire, est très médiatisée, mais la tutelle a fait de telle sorte que l’opinion publique croie que seule notre wilaya est touchée par cette grève ». Réagissant aux menaces de retenue sur salaire et les plaintes auprès de la justice par la directrice régionale du Trésor, Mme Ikhlef, il révéle : « Le dépôt de plainte a eu lieu effectivement contre notre syndicat par cette responsable et la menace de retenue sur salaire pèse sur nous. »
Mohand-Amokrane Abba déclare qu’il n’existe aucune loi mentionnant la retenue sur salaire quand il s’agit d’un mouvement de grève. Le conférencier a signalé le fait que cette menace de retenue sur salaire n’a pas touché les périodes antérieures au mois de mai.
Quant à la question de savoir si les grévistes comptent s’adresser à la justice, en guise de riposte, contre Mme Ikhlef, comme nous l’avons appris dans les milieux grévistes, Mohand-Amokrane conditionne ce dépôt de plainte contre la directrice régionale du Trésor à la mise à exécution de ses menaces de retenue sur salaire aussi que la suite de sa plainte contre le syndicat. En d’autres termes, Mme Ikhlef peut échapper à la plainte la ciblant si elle-même décide d’annuler sienne et en même temps revenir sur sa décision de sanction par la retenue sur salaire à l’endroit des grévistes.
S’agissant de la position d’Abdelkader Bouazgui par rapport à cette grève, les conférenciers ont déclaré à l’unanimité que « le wali s’est montré compréhensif à notre endroit et il a même insisté auprès du délégué du ministère des Finances lors de la réunion sur ce qu’il pouvait arracher en faveur des travailleurs du Trésor ».
(Lors d’un conseil de wilaya consacré au développement de la wilaya, le wali a bel et bien jeté la pierre sur les grévistes). Les conférenciers ont ajouté que même les entrepreneurs et autres investisseurs, « avec qui nous avons dialogué se sont montrés compréhensifs à notre endroit ».
Un discours à connotation politique
Craignant d’être accusés par l’opinion publique d’être les responsables du retard du développement de la wilaya de Tizi Ouzou, les conférenciers ont atténué le degré de leur riposte. Par la force des choses, ils ont été obligés de développer un discours à petite connotation politique.
En effet, un gréviste, qui s’est tenu auparavant à l’écart des conférenciers, cette révélation au pesant d’or : « Vous savez tous messieurs et mesdames les journalistes qu’à chaque fin d’année où nous faisons ici le bilan comptable et nous constatons que jamais on a dépassé les 30% de dépenses dans les investissements.
Ce même intervenant révélera que jamais le véritable motif du refus de la tutelle quant à notre augmentation salariale n’à été la disette financière, car la preuve est donnée par l’effacement de dettes à l’endroit des agriculteurs dont le montant est de 30 milliards de centimes. « La satisfaction de la plate-forme de revendications des travailleurs d’Air Algérie est une autre preuve de l’existence d’argent dans les caisses de l’Etat », ajoute t-il.
A ce moment-là, la brèche est ouverte pour les conférenciers, eux-aussi spécialistes des mécanismes financiers. Ils rapporteront effectivement que beaucoup de projets et beaucoup de manifestations sont financés avec de l’argent classé « hors budget ». Est-ce donc à classer dans un cadre politique cette affaire du Trésor ? –
« – Oui », ont répondu les conférenciers sans hésitation. Ayant jugé certainement que parler des choses dans leur contexte politique n’est pas de leur prérogative puisque ce sont des fonctionnaires, Brahim Boutaba interviendra à nouveau pour rappeler que les grévistes du Trésor ne demandent qu’une seule chose : le respect des engagements de la tutelle. Salah Taleb complètera « le correctif » de son camarade en disant : « La section syndicale du Trésor a de bonnes intentions ! » Notons également qu’un gréviste et non conférencier a révélé qu’un responsable de la tutelle a proposé aux grévistes l’octroi d’une prime d’un montant de 6 000 DA par le biais d’un circuit détourné, c’est-à-dire pas le cadre légal. « Pourquoi à travers un circuit détourné ? », s’est insurgé ce gréviste.
A ce moment, Mohand-Amokrane Abba prend le relais : « Pourquoi faire recours à circuit détourné ? Nous ne sommes pas des voleurs ! Nous voulons obtenir légalement ce qui nous revient de droit même si nous comprenons que l’objectif de la tutelle est d’éviter d’informer les fonctionnaires d’autres secteurs de l’existence de cette prime ».
Il convient de noter que les conférenciers ont tenu à rappeler leur attachement aux valeurs de la République et que leur souci premier est de voir le grand développement de leur wilaya « car c’est cette même wilaya de Tizi Ouzou qui nous a enfantés. Nous l’aimons beaucoup nous aussi ».