LES TENSIONS NE LE FONT PAS RÉAGIR : Le silence d’Ouyahia

LES TENSIONS NE LE FONT PAS RÉAGIR : Le silence d’Ouyahia

Pendant que le pays bouillonne, le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, s’impose un silence lourd et prolongé. C’est à le croire détaché de la vie de la cité. Observe-t-il strictement quelque instruction venue de plus haut pour ainsi demeurer sans voix ?

Sofiane Aït-Iflis – Alger (Le Soir) – Il paraît très peu vraisemblable que le Premier ministre se soit résigné au mutisme comme une attitude délibérée, libre de toute contrainte. Ça ne ressemble pas à l’homme qui a habitué à plus d’entrain et de régularité en termes de production discursive. Notamment lorsque les situations et les contingences l’y interpellent. Depuis avant que le président ne sonne en juillet l’heure des vacances pour le staff gouvernemental, on ne connaît à Ahmed Ouyahia qu’une seule expression publique : une déclaration à l’Assemblée populaire nationale en marge de la séance de vote de l’ordonnance présidentielle portant loi de finances complémentaire 2009. Et c’était, on se le rappelle bien, évidemment pour faire siennes la philosophie et les dispositions de la loi en question, soutenant principalement qu’elle protégeait les intérêts de l’Algérie. Depuis, rien. Pas le moindre traître mot, alors que ce ne sont pas les occasions qui ont manqué. Ni la rentrée sociale avec toute l’agitation qu’elle a charriée, ni les actualités politiques brûlantes ne sont parvenues à le faire départir de son sidéral mutisme. Et, convenons-en, c’est lorsque les premiers ministres se taisent, en l’espèce Ahmed Ouyahia, que les bavardages gorgent les chaumières et les espaces publics et médiatiques. Que se raconte-t-il justement ? D’abord que c’est contre son gré que le Premier ministre a rengainé durablement sa parole. Ensuite que ce silence, vécu, donc, comme un supplice, est annonciateur, sinon synonyme, de turbulences politiques au sommet de l’Etat.



La rue, qui rarement se trompe dans ses décodages politiques, lit et lie le silence de Ahmed Ouyahia au courant qui de plus en plus passe mal entre ce dernier et le chef de l’Etat. Il se dit, ici et là, que c’est le président Bouteflika qui intima à son Premier ministre de réduire de la fréquence de ses laïus publics, voire carrément s’en abstenir. En parfait commis de l’Etat, Ahmed Ouyahia, qui a emprunté l’escalier de service et non les chemins tortueux du militantisme politique pour accéder à sa haute fonction institutionnelle, semble suivre la consigne à la lettre. Même le Conseil de gouvernement, quand il venait à se tenir, est devenu de moins en moins médiatique. Contrairement au Conseil des ministres qui jouit, lui, de toute la publicité voulue. Il serait pour le moins simpliste que de se résumer à croire qu’en muselant son Premier ministre, le président Bouteflika n’opère que d’un rappel de ce que le patron de l’Exécutif c’est lui et lui seul et que Ouyahia devra seulement officier en tant que coordinateur de l’équipe ministérielle. Sans plus. Mais pourquoi Ouyahia seul se trouve soumis au drastique régime de ministre sans parole ? Le reste des ministres, pendant que Ouyahia se tait, ne lésinent pas sur l’expression publique. Il en est même qui en font un usage abusif. Le Premier ministre souffre-t-il d’une mise à l’écart qui ne dit pas son nom et qu’il ne garde son rapport à la fonction que le temps que se décide le remaniement ministériel ? Auquel cas, les pannes politique, sociale et économique n’auront, une fois encore, que grillé un fusible. Et pour avoir déjà joué le rôle du fusible, Ahmed Ouyahia n’aura pas, s’il advient, à faire connaissance avec un sort nouveau.