La nouveauté dans le film Les Terrasses, Merzak Allouache a pris le risque de croiser les genres cinématographiques.
En sortant de la projection du dernier film de Merzak Allouache Les Terrasses, l’ultime film programmé par la Mostra pour la compétition, on est «rassuré» à l’idée qu’existe encore en nous une certaine capacité de discernement entre le bien et le mal. Pour garder une certaine distance…
Au départ, il y a une belle trouvaille scénaristique, faire une fiction limitée dans le temps, une journée, ponctuée par les appels à la prière avec le risque (assumé) d’enfermer, irrémédiablement et sous une «coupole», toute une ville qui serait alors une extrapolation de l’ensemble d’un pays: L’Algérie… Mais, pourquoi pas, c’est un point de vue…
Mais il y a aussi une autre belle idée, l’unité des lieux, des terrasses algéroises, tout aussi délabrées les unes que les autres. Et dont le délabrement serait aussi cette déliquescence urbaine nationale, qui ferait ressembler Alger à une favela brésilienne, la tristesse et la morgue en plus…
Or, la nouveauté, dans Les Terrasses, c’est qu’en osant croiser les genres cinématographiques, Allouache a pris le risque de mêler, délibérément (ou pas) le style loufoque; un commissaire, ex-pagsiste, qui couvre le meurtre d’un proprio véreux par un membre d’une famille qui lui a squatté la terrasse de son immeuble allant jusqu’à donner des conseils à la mère de la meurtrière, quant à la meilleure manière de se débarrasser du cadavre… Why not?… Sauf que la «greffe» que le cinéaste algérien suggère, doit se faire, ici, avec un autre genre, celui, dont il s’est toujours senti proche, la comédie italienne, tendance Affreux, sales et méchants… Mais il ne va pas s’arrêter là, Allouache introduira à sa façon une variante d’Orange mécanique (de Stanley Kubrick) qui deviendra une «T’china, parabolique»… Car, et c’est une première, dans la filmo de l’auteur de Omar Gatlato (et de l’excellent L’Homme qui regardait les fenêtres), il y a un amoncellement de cadavres, quatre au total!… Mais le plus «intéressant» est sans conteste celui de la cinquième victime: Nayla, cette jeune fille d’une des cinq terrasses, qui développe un amour platonique pour un membre de l’orchestre (une partie du groupe Djmawi Africa) qui répète sur la terrasse d’en face. Une des cinq espaces, haut perchés qui sont autant de ponctuations topographiques, à l’image de celles, spatio- intemporels, que sont les adhan de cette journée «ordinaire» algéroise…
La jeune fille de l’orchestre interprétée par Adila Bendimered (toujours aussi juste dans son jeu), laissera, finalement, filtrer des signes de cette ambivalence naissante dans le trouble qui la gagne, en conversant par des gestes avec celle, qui va en un geste ultime se hisser sur le parapet de sa terrasse pour se jeter dans le vide…
Nayla ne mourra pas, elle, sous les coups de pied de son frère, ni de manière crapuleuse, comme les quatre autres, mais, elle sera la victime d’un non-dit sociétal, basé sur l’exclusion…
On est alors… terrassé, par ce gâchis!
Du coup, on regrette que cet Alger qu’aime plus que tout Merzak Allouache, mais à sa façon, et dont il déplore (aussi à sa manière) la décrépitude tant humaine que physique, ne laisse pas échapper un mince filet d’espoir, d’optimisme… «Je voudrais bien faire une vraie comédie la prochaine fois, mais…» Oui, mais, là tout est noir.
Des heures après la fin du film Les Terrasses, on se pose encore certaines questions pour essayer de comprendre l’absence de vision légèrement nuancée. L’explication (provisoire), serait que, si la vision du réalisateur est sincère, la réserve se nicherait (le conditionnel s’impose, la critique n’étant pas une science exacte) dans le faisceau de réflexion qui demeurerait celui du réalisateur sur les jeunes et non pas forcément celui des jeunes sur leur propre vécu. Dans cette noirceur, eux, sans doute auraient trouvé des failles de lumière, en tout cas on l’espère pour eux et pour nous!