Les walis récupèrent des centaines de terrains attribués et non occupés, La mafia du foncier industriel ébranlée?

Les walis récupèrent des centaines de terrains attribués et non occupés, La mafia du foncier industriel ébranlée?

Ce trafic était devenu une sorte de sport national durant les années 1990

Le gros des clients des «parrains» du foncier industriel, se recrute parmi les importateurs.

L’annonce, le premier août dernier, de la décision d’accorder aux walis la prérogative d’octroyer les terrains d’assiette au profit des investisseurs, a suscité diverses commentaires. La disparition du Calpi est synonyme de débureaucratisation, mais également de la fin d’un garde-fou contre de probables usages détournés du foncier industriel. Donner aux walis une fonction économique est certes une excellente chose, mais leur céder une prérogative aussi sensible peut conduire à des situations dommageables pour l’acte d’investir en Algérie.

Trois mois après ce changement majeur dans la conduite des investissements, le pot aux roses est découvert. Les quelques walis qui ont ouvert le dossier du foncier industriel, assez tôt, en raison de la pression qui s’exerce sur l’administration, ont mis le doigt sur un véritable «nid de guêpes». Il s’avère que les assiettes foncières attribuées par les Calpi et inoccupées durant des années se comptent par centaines. Un véritable scandale en perspective, sachant que toutes ces concessions ont été cédées «légalement» par des commissions locales habilitées.

Ainsi, les premiers pas des walis dans le monde économique n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de partie de plaisir. La situation des zones industrielles, aux quatre coins du pays, fait ressortir une dérive gravissime qui traduit la mainmise de maffias locales, sur le potentiel industriel de nombreuses wilayas du pays. Pendant longtemps, les terrains d’assiettes destinées à recevoir des investissements industriels ont fait l’objet d’une distribution aux «parrains» locaux qui se sont amusés à monnayer des milliers de m2, acquis au dinar symbolique, au centuple. Le trafic a rapporté des sommes astronomiques à une faune d’affairistes qui a réussi à «privatiser» les biens de l’Etat, en en faisant des produits de spéculation. Beaucoup d’investisseurs ont dû «acheter» des terrains en troisième main pour pouvoir installer des unités de production. Mais ce genre d’opérateurs sont en réalité assez rares. Le gros des clients des «parrains» du foncier industriel, se recrutent parmi les importateurs qui louent ces espaces pour quelques années pour en faire des entrepôts pour leurs marchandises. Ces commerçants ne sont pas très regardants du point de vue prix de la location, puisqu’il est automatiquement répercuté sur les produits revendus sur le marché. On aura compris que dans ce trafic juteux, c’est le consommateur final qui paye la sauce.

Un périmètre foncier peut voir plusieurs locataire s’y succéder, sans que cela n’émeuve les administrations chargées de contrôler l’usage qui est fait des concessions. Ce trafic était devenu une sorte de sport national durant les années 1990, avec la libéralisation du commerce extérieur et a pris une ampleur inquiétante en ce début du troisième millénaire. Les mafias locales ont pris une importance telle que plusieurs gouvernements qui s’étaient succédé aux affaires semblaient impuissants face à ces parrains qui devaient avoir les bras très longs. Obligés de «faire quelque chose», tous les ministres de l’Industrie avaient tenté des approches, toutes inefficaces, les unes que les autres. Les zones industrielles du pays s’étaient transformées au vu et su des plus hautes autorités du pays en autant d’immenses dépôts. Le phénomène, plus que visible, a gangrené l’ensemble de la machine économique; jusqu’à atteindre Alger, la vitrine du pays. Faut-il souligner à ce propos que la zone industrielle de Oued Smar est occupée à plus de 60% par des aires de stockage. Autrement dit, plus de 40% des potentialités de cette zone «stratégique» disent les décideurs économiques, eux-mêmes, sont sous-exploitées, voire perdues pour l’investissement productif. Cela traduit une perte sèche de plusieurs dizaines de milliers d’emplois. Pendant ce temps, ce sont des concessionnaires automobiles et autres importateurs de bananes et de gadgets chinois qui empêchent des investisseurs sérieux de s’établir à Oued Smar.

Ce qui se passe à Oued Smar se passe un peu partout dans le pays. Les mafias locales ont fait main basse sur un potentiel industriel important et ont pris à la gorge l’économie du pays. Aujourd’hui, excessivement riches, les barons du foncier industriel agissent presque à découvert.

Mais la mesure de la loi de finances complémentaire, outre qu’elle permet de mesurer l’ampleur du mal, met les mafias locales sur la défensive. Il faut peut-être s’attendre à une réplique de leur part. Les décisions des walis de leur retirer leur «gagne-pain» ne seront pas sans réactions.