À Mostaganem, terre fertile de l’Ouest algérien, la pomme de terre ne fait plus parler d’elle pour ses rendements agricoles, mais pour une envolée spectaculaire de son prix. Ce tubércule de base, omniprésent dans les assiettes algériennes, est au cœur d’un nouveau scandale. En cause, un réseau de spéculateurs ayant manœuvré dans l’ombre pour manipuler le marché, quitte à menacer ceux qui osaient résister à cette logique de profits.
Alors que les prix culminaient à 150, voire 160 dinars le kilo, contre une moyenne normale de 60 à 70 dinars, la grogne des consommateurs a rencontré la fermeté de l’État. Le ministre de la Justice, Lotfi Boudjemaa, a sonné la charge, rappelant que la spéculation ne restera pas impunie. Derrière ce dossier local, c’est tout un débat national sur la justice économique, la transparence et la préservation du pouvoir d’achat qui s’ouvre à nouveau.
Des pratiques de plus en plus sophistiquées pour manipuler les marchés
À Mostaganem, trois individus ont été interpellés après avoir incité, via les réseaux sociaux, les agriculteurs à ne pas récolter leurs champs de pommes de terre. Le but ? Créer une rareté artificielle afin de maintenir les prix à un niveau anormalement élevé. Ces spéculateurs sont allés jusqu’à proférer des menaces contre les producteurs réticents.
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Le procédé n’a rien d’isolé. Ces dernières années, la spéculation s’est immiscée dans plusieurs secteurs, souvent au détriment des citoyens. Les exemples ne manquent pas, mais le cas de la pomme de terre choque particulièrement, car il touche directement un aliment fondamental dans les foyers algériens.
Spéculation sur les produits de large consommation : une flambée des prix qui alimente la colère populaire
Le prix de la pomme de terre, presque triplé dans certains marchés, est devenu un symbole d’un déséquilibre économique plus large. En pleine période de tension sur le pouvoir d’achat, la pilule passe mal.
Voici un aperçu de l’évolution des prix :
- Prix habituel : entre 60 et 70 dinars le kilo
- Prix observé en avril 2025 : entre 150 et 160 dinars le kilo
- Différence constatée : +130% en moyenne
Cette hausse brutale a généré un tollé sur les réseaux sociaux, poussant les autorités à réagir avec célérité.
L’État avertit : une justice offensive contre les spéculateurs
Devant l’Assemblée populaire nationale, le ministre de la Justice a fait preuve d’une rare fermeté. Le 10 avril, puis de nouveau le 23 avril, Lotfi Boudjemaa a rappelé la portée de la loi anti-spéculation, promulguée fin 2021.
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Citant directement les cas de spéculation autour des voitures Fiat, notamment le modèle Doblo, mais aussi la flambée des produits agricoles, il a averti : « Ta liberté s’arrête lorsque tu touches la subsistance des Algériens. »
Et le ministre d’ajouter que certains spéculateurs se vantaient d’avoir « gagné 200 ou 300 millions » sur de simples opérations. Sa réponse est cinglante : « Fais une affaire si tu veux, mais tu as 30 ans de prison, et dans certains cas la perpétuité. »
Ces déclarations interviennent dans un contexte d’aggravation des tensions économiques, où la moindre hausse de prix devient un sujet d’intérêt national.
Au-delà des mots, une loi implacable pour protéger les consommateurs
La loi 21-15 relative à la lutte contre la spéculation illicite prévoit des peines particulièrement lourdes :
- Jusqu’à 30 ans de prison pour les spéculateurs
- Réclusion à perpétuité si les faits sont commis dans le cadre d’un réseau criminel organisé
- Saisie des biens issus de la spéculation
- Renforcement du rôle des procureurs généraux, appelés à agir sans délais
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Le gouvernement veut ainsi restaurer la confiance des citoyens dans les institutions et dans les circuits de distribution.