L’édition 2017 du festival du théâtre arabe, la 9e du genre, s’est ouverte comme prévu mardi dernier dans la soirée dans la somptueuse salle Centre des conventions Ahmed Ben Ahmed d’Oran.
La cérémonie a eu lieu en présence du ministre de la Culture Azzeddine Mihoubi, de la ministre de la Solidarité nationale, Mounia Meslem, du secrétaire de l’Instance arabe du théâtre Ismail Abdellah et de Soltane Ben Mohammed Al Kacimi, président de l’Institut du théâtre arabe, dont le nom est attribué comme on le sait au prix de la meilleure œuvre de création de théâtre qui sera remis à la fin du festival, le 19 janvier à Mostaganem, ville qui partage avec Oran cette grande fête internationale du 4e art dans notre pays. La soirée d’ouverture du festival s’est faite, selon les échos et les avis des artistes que nous avons croisés avant le début du spectacle, entre le souci de voir le théâtre arabe poursuivre ses expériences d’innovation dramaturgique et l’angoisse de trouver des financements qui permettraient aux artistes et aux metteurs en scène de continuer à faire résonner les tréteaux de leurs créations et recherches. Une équation obsédante fermée cependant pendant un temps pour laisser place durant la soirée à la magie du spectacle et la solennité des hommages rendus aux anciens et aux disparus qui ont sacrifié leur vie pour leur passion La soirée a débuté avec la projection d’un extrait de vidéo retraçant le riche parcours du regretté, grand homme du théâtre algérien, Azzeddine Medjoubi assassiné en 1995 devant le TNA qu’il dirigeait contre vents et marées et auquel un grand hommage a été rendu à l’occasion du festival. Elle s’est embrayée sur un mot du wali d’Oran puis du ministre de la Culture qui a déclaré être «fier de se retrouver dans une ville qui a tant donné à l’art et enfanté de grands hommes de la culture qui ont fait connaître notre culture pas seulement en Algérie, mais dans le monde entier». Azzeddine Mihoubi a remercié avec chaleur et émotion Soltane Ben Mohammed Al Kacimi «qui apporte un soutien précieux et une valeur ajoutée à la culture et au théâtre dans le monde arabe». L’intérêt qu’il accorde à l’enfance et à la formation comme gage d’avenir, a ajouté le ministre, est à saluer vivement. Dans son intervention, le ministre de la Culture s’est arrêté sur la signification du théâtre, « un art qui nous incite à regarder le monde avec attention, à réfléchir sur nos sociétés parce qu’il nous pousse à l’interrogation» et au besoin de savoir. Ce qui se passe sur scène, a-t-il dit en substance, est une projection esthétique des questionnements qu’on retrouve dans nos sociétés. En rendant hommage aux professionnels du théâtre dans notre pays, le ministre, circonstance oblige, n’a pas manqué de rappeler l’investissement de l’Etat pour la promotion de la culture et du théâtre : «20 théâtres régionaux au sein desquels des artistes et des troupes travaillent et innovent» pour faire perdurer un «art majeur» chez nous tant par la qualité des productions qui se sont succédé depuis près de soixante ans que par son caractère populaire : en Algérie, a rappelé le ministre, les gens aiment et vont voir le théâtre…
Théâtre et marginalisation
La soirée s’est poursuivie avec la lecture par le grand comédien irakien Azzedine Khayoun d’un texte-message résumant à lui seul ce à quoi sont confrontés les professionnels du théâtre dans le monde : «Aujourd’hui, nous avons besoin d’une nouvelle vision de notre théâtre qui allie authenticité et modernité et ouvert sur les autres expériences menées à travers le monde», a-t-il déclaré en plaidant pour la relance du théâtre arabe, objet d’une marginalisation, selon lui . «Le théâtre arabe ne fait pas l’objet d’un grand intérêt de la part de décideurs arabes. Il souffre de marginalisation, d’exclusion et d’absence d’une réelle prise en charge», a-t-il déploré. Aziz Kheyoun, dont le discours a fait l’effet d’une petite douche froide sous les lumières scintillantes de la salle du centre des conventions d’Oran, a souligné que les budgets des ministères de la Culture des pays arabes «restent dérisoires et n’atteignent même pas le salaire annuel d’une star du football mondial ou la prime d’un entraîneur sportif en général». A l’adresse des gens de la culture au Moyen-Orient et au Maghreb, il a appelé «à protéger les citadelles de la culture et de la création face à l’insuffisance des soutiens matériels et moraux, aux effets hégémoniques de la mondialisation et à la marginalisation qui frappe l’art scénique». Pour faire honneur aux honneurs, des membres encore vivants de la troupe artistique historique du FLN, fondée par le dramaturge algérien Mustapha Kateb, en 1958, ont reçu un hommage particulier des organisateurs et des présents à la cérémonie d’ouverture durant laquelle on a assisté sous les applaudissements, au début comme à la fin, à la représentation de l’opérette «Hizia», une pièce écrite par le ministre de la Culture Azzeddine Mihoubi à partir du grand texte poétique de Mohammed Benguittoune, poète et barde algérien du XIXe siècle. Hier, deux pièces théâtrales ont été jouées devant le public oranais : hors compétition «El Majnoun» du Tunisien Tewfik El-Djebbali et, en compétition, «Thoulth al Khali» de l’Algérien Younès Aït Ali.