Il faudra sans doute compter avec l’expertise française pour lutter contre les phénomènes de la corruption. C’est ce qui ressort de l’accord signé hier à Alger entre l’Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC) et le Service central français de la prévention de la corruption.
Ce protocole de coopération va lier les deux organismes pour une démarche de développement et de renforcement des actions dans le domaine des politiques anti-corruption. En plus de l’échange de l’expertise française, il est question des échanges de délégations de fonctionnaires, de la formation des personnels et de la participation à des stages spécialisés dans la prévention contre les actes de corruption.
La signature de ce protocole survient également à un moment où les scandales de corruption et les affaires de pots-de-vin, ainsi que les feuilletons politico-judiciaires dominent l’actualité nationale depuis des mois. Les affaires s’entassent dans les tribunaux, du petit élu d’une lointaine APC qui favorise un petit entrepreneur pour un petit marché au haut responsable d’un grand ministère qui privilégie un copain dans un marché de gré à gré de plusieurs milliards de centimes, créant ainsi chez le citoyen une forte atmosphère de suspicion.
Partout, la « tchipa » n’est plus un phénomène délictuel ou pervers, un comportement rare et exceptionnel, mais bel et bien une attitude « normale ». On ne s’offusque plus d’entendre que flèn est corrompu ou que nous sommes corrupteurs.
Aujourd’hui, dans le langage politique et universitaire, la corruption a pris plusieurs formes, de la petite à la moyenne, allant jusqu’à faire bâtir toute une théorie chez certains religieux qui veulent « légitimer » l’acte de corrompre, soit par la monnaie fiduciaire, soit par une marchandise ; d’autres y interprètent à leur guise ces comportements, la justifiant par le caractère « impossible » de la vie sociale et économique.
On le sait, beaucoup parmi les hommes d’affaires dénoncent des cas de favoritisme dans l’octroi de faramineux marchés, presque sans justification ou selon des critères fallacieux et occultes.
Pour les juges, le plus difficile dans les affaires de corruption c’est l’absence de preuves tangibles, matérielles qui condamnent. On se souvient des guet-apens faits par les gendarmes avec la complicité des plaignants, basés sur des procédures qui semblent devenir aujourd’hui dépassées ou
obsolètes.
C’est sans doute cet aspect du phénomène qui fait que la lutte contre la corruption est pratiquement un programme de prévention. C’est ce que veut dire le président de l’ONPLC, Brahim Bouzeboudjen, qui intervenait lors d’une journée d’étude sur la question dédiée aux inspecteurs généraux des ministères et des grands services de l’Etat. Il a estimé que ce sont les « dysfonctionnements des administrations qui rendent possible la corruption ».
Selon lui, « si l’acte de corruption implique la responsabilité première de l’agent public qui en est l’auteur, il n’en reste pas moins que sa réalisation n’aurait probablement pas été rendue possible sans ces dysfonctionnements dans l’organisation, dans le processus de prise de décision et dans le contrôle hiérarchique prévalant dans nos administrations ».
Autrement dit, l’ONPLC accuse le fonctionnement de nos administrations, les formes et les mécanismes d’organisation de ces fonctionnements, qui encouragent les actes de corruption, même si cela n’exonère nullement la responsabilité morale et l’éthique des agents publics ou les citoyens.
En fait, l’une des références brandies par les cadres de l’ONPLC est la bonne gouvernance, la transparence et l’intégrité, comme moyen de lutte efficace et durable contre le fléau. Bouzeboudjen a rappelé que le plan d’action de son organisme est « construit sur une approche basée sur l’évaluation des risques de corruption », ajoutant que l’affaiblissement de l’administration par la corruption constitue « une source d’iniquité et une atteinte à la sécurité publique » et que ce combat est « un combat pour la survie de l’Etat et la préservation de son intégrité et celle des droits du citoyen ».
Le président de l’ONPLC a indiqué que cette lutte s’inscrit désormais dans « la dimension des politiques universelles, des politiques structurées, institutionnalisées et évaluées dans le cadre d’une approche consensuelle et novatrice », révélant que son organe a effectué un sondage (non encore rendu public) sur la perception de la corruption par la population, avec le concours du Centre de recherche en anthropologie sociale (CRASC), qui a montré entre autre « une manifeste défiance à l’égard des administrations publiques ».
Rappelons que l’ONPLC est actif depuis 2011. Il a pour mission d’assurer la coordination et le suivi des activités et actions engagées en se basant sur les rapports périodiques et réguliers, assortis de statistiques et d’analyses relatives au domaine de la prévention et de la lutte contre la corruption que lui adressent les secteurs et les intervenants concernés.
Le plan d’action de l’ONPLC préconise l’élargissement de sa prise en charge au sein des administrations centrales et locales, des établissements publics et des entreprises publiques. Un plan national de sensibilisation et de formation anti-corruption a été mis en place sur un délai de 3 ans, impliquant 10 000 agents publics. Il vise une meilleure maîtrise et une plus grande transparence dans la gestion des affaires publiques.