Y a-t-il un pilote dans le cockpit de l’avion Algérie ? La question, de nombreux observateurs avertis et même de citoyens lambda plus ou moins branchés politique se la posent, non sans inquiétudes d’ailleurs, quant à ce que nous réserve l’avenir, au vu de cette impression de débandade généralisée qui se dégage du fonctionnement chaotique des institutions. Le gouvernement actuel et autres structures qui sont l’orbite du régime ressemblent à une équipe de football qui descend sur le terrain sans schéma de jeu, sans directeur de jeu, et chaque joueur faisant son petit numéro, juste pour épater la galerie. Que de couacs ! Que d’incohérences ! Que de coups au-dessous de la ceinture ! Ce qui laisse à penser qu’il n’y a plus un seul centre décisionnel pour donner l’impulsion. Ali Benflis, dans ses sorties médiatiques, ne rate jamais l’occasion de pointer “la vacance du pouvoir” ; alors que le groupe des “19-4” est plus que jamais certain que le président Bouteflika “est pris en otage”. Signe patent de ce sentiment qu’il n’y a pas, en ce moment, un chef à poigne, le traitement pour le moins sidérant de l’affaire dite du “général Hassan” qui continue de produire de l’écume.
“Connaissant bien le président Bouteflika et son haut sens de l’État, je puis vous jurer que s’il avait tous ses moyens, cette malheureuse affaire n’aurait jamais pris une tournure aussi dramatique”, déplore un ancien ministre qui ne cache pas son “amertume”. Ni d’ailleurs sa révolte : “Vous rendez-vous compte ? Une affaire aussi sensible, censée être entourée du plus grand secret, se retrouve étalée sur la place publique, dans les conversations de café. C’est du hbal ! (de la folie furieuse, c’est digne d’une république bananière).”
Pour notre interlocuteur, “des digues ont sauté” et la manière dont cette affaire est gérée témoigne de l’exacerbation des tensions entre des clans et des hommes qui se rentrent dedans, oubliant leurs responsabilités, surtout dans une conjoncture aussi sensible. Si cette affaire du général Hassan marque (pour le moment) le summum de la pagaille au sommet de l’État, car le pire peut advenir, il en existe bien d’autres qui sont de la même veine. Comme par exemple le fait qu’un ministre, qui engage la responsabilité de tout le gouvernement, se voit commis d’office pour réagir à la déclaration du général Toufik sans prendre la précaution d’en référer à son chef Abdelmalek Sellal, qui se trouvait en Afrique du Sud où il représentait le président de la République au sommet Chine/Afrique. Mais il n’y a pas que ce ministre à griller la politesse à son chef absent.
C’est de notoriété au sein du gouvernement et dans certaines rédactions qu’entre Abdelmalek Sellal et le ministre de l’Industrie Abdesselam Bouchouareb, c’est la rupture totale. Les deux hommes ne se parlent plus depuis des semaines ! Un Premier ministre et un ministre de l’Industrie qui se font la tête, alors que le secteur en question est au cœur même de l’enjeu du soi-disant projet de diversification de l’économie du pays en vue de la guérir de son addiction chronique aux hydrocarbures. Une autre affaire : le limogeage du désormais ex-directeur général de Mobilis. Saâd Dama a dû comprendre à ses dépens qu’il ne suffit pas de se mettre sous le parapluie du FLN (dont il est membre du Comité central depuis le dernier congrès) pour être à l’abri d’une “désactivation” instantanée.
Mais nous croyons savoir qu’Amar Saâdani aurait hardiment défendu sa cause auprès de Sellal, mais sans résultat. Les deux hommes n’ont pas fait dans la poésie au cours de leur conversation téléphonique, dit-on encore. Puis, que dire de l’attitude du ministre des Finances Abderrahmane Benkhelfa, qui menace Abderrahmane Mebtoul dont les avis, sur la gestion des finances du pays, ne lui reviennent pas ? C’est encore une des tares de ce gouvernement qui s’agace des avis contradictoires, comme s’il avait le monopole de la vérité, du patriotisme. Enfin, il y a cette guerre à fleurets mouchetés entre Saâdani et Ahmed Ouyahia qui ajoute sa touche à ce tableau en camaïeu de noir. C’est assurément l’absence d’une autorité supérieure qui fait que les deux hommes, dont on sait qu’ils se détestent cordialement, étalent leurs divergences sur la forme qu’il convient pour appuyer le programme du président de la République. Tel est donc le constat. Terrible et anxiogène, sans doute. Mais jusqu’à quand ce jeu de massacre où le burlesque le dispute au tragique ?
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