LF 2019 : le gouvernement identifie de nouvelles sources

LF 2019 : le gouvernement identifie de nouvelles sources

Avec cette lutte annoncée contre certains fléaux économiques qui grèvent la marge de manœuvre du Trésor public, les fraudeurs sont désormais dans le collimateur de l’administration fiscale.

Tous les contribuables ne finiront pas 2019 sans laisser des plumes. L’Exécutif s’intéresse désormais à plusieurs niches dont bénéficiaient – jusqu’ici – nombre de contribuables, voire à des filons qui favorisaient l’évasion et la fraude fiscales, l’usage de fausses factures et/ou de factures de complaisance, le faux et l’usage de faux en écriture commerciale, etc. L’Exécutif tentera d’y remédier par le biais de certaines mesures fiscales incluses dans l’avant-projet de loi de finances 2019. La notion de “foyer” à fléaux revenait comme une prière dans les différents justificatifs apposés à plusieurs articles de loi, voire à la réécriture d’autres, contenus dans la première mouture de la loi de finances 2019, dont nous avons pu obtenir une copie. Outre l’article 2 qui s’intéresse au phénomène de l’évasion fiscale, du transfert de devises et de l’endettement fictif des entreprises, l’article 7 met sous les feux de la rampe la sous-traitance comme mode opératoire favorisant la fraude (voir nos précédents articles dans l’édition du jeudi 30 août), l’article 10 s’attaque, quant à lui, à un autre fléau tout aussi préjudiciable pour l’économie du pays. Le phénomène de la fraude à la facturation et l’usage de faux documents pour la concrétisation des relations commerciales de toute nature intéresse désormais le gouvernement, étant donné que le fléau “ne cesse de prendre de l’ampleur dès lors qu’il est devenu récurrent au niveau pratiquement de l’ensemble des services fiscaux opérationnels”, lit-on dans l’exposé des motifs de l’article 10 de l’avant-projet de LF 2019. Lequel article de loi impose aux contribuables soumis à la TAP (taxe sur l’activité professionnelle) d’authentifier, préalablement à la conclusion de leurs opérations de vente de produits et marchandises, les numéros du registre du commerce de leurs partenaires clients via le site internet du CNRC. L’inexistence jusqu’ici de cette obligation s’est traduite par le recours de beaucoup d’opérateurs à “l’usage de fausses factures et/ou de factures de complaisance” ainsi qu’à “l’établissement de factures de vente aux noms de clients inconnus, non localisés, fictifs ou aux noms de clients connus des services fiscaux mais qui contestent le bien-fondé de ces relations commerciales”, lit-on dans l’article en question qui souligne l’existence d’un “recours flagrant à la fausse facturation et au faux et usage de faux documents commerciaux”.

Le fisc face à ses limites

Avec cette lutte annoncée contre certains fléaux économiques qui grèvent la marge de manœuvre du Trésor public, dont l’importation des services auprès de partenaires fictifs aux fins de transfert de devises, l’évasion et la triche fiscales avec la sous-traitance comme mode opératoire, la fraude à la facturation, le faux et l’usage de faux documents commerciaux, les fraudeurs sont désormais dans le collimateur de l’administration fiscale. Il s’agit, plus globalement, de tenter un début de solution à certaines “pratiques dommageables” pour le Trésor, mais aussi de limiter le dispositif dérogatoire qui est trop nuisible à la rentabilité de la fiscalité ordinaire. Certaines autres mesures concourent au renforcement de la sphère formelle à travers, entre autres, la taxation des “opérations commerciales effectuées via les plateformes numériques”, le recouvrement du droit de timbre applicable aux visas délivrés par la police des frontières, l’assujettissement des ventes en ligne de biens numérisés et des livraisons des biens dématérialisés à la TVA. L’administration fiscale aura, cependant, fort à faire pour traduire dans les faits les désidératas du gouvernement. Pour pouvoir garantir à l’État une perception régulière et certaine des recettes et, par conséquent, une lutte contre la fraude fiscale, le fisc a besoin de renforcer ses moyens humains et matériels, renforcer les brigades de contrôle existantes, l’intégration des contrôleurs spécialisés dans les activités économiques et financières… des vœux auxquels la tutelle n’a que peu répondu, à en croire des cadres de l’administration fiscale. Le succès de ces mesures anti-fraude est tributaire par-dessus tout de l’avancement et la poursuite des réformes du système financier et bancaire. Mais pas seulement. L’assainissement du climat et de l’environnement des affaires, via l’amélioration des facteurs macro et microéconomiques, telles une transparence de la gouvernance, la moralisation et l’éthique des pratiques économico-financières, en est une condition sine qua non. Le défaut de cet ensemble, de l’avis des fiscalistes, empêche la concrétisation des projets que se fixe le gouvernement, tant en matière de collecte de l’impôt qu’en termes de lutte contre la fraude fiscale.

Ali Titouche