Le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de la Cyrénaïque, n’envisage pas de rapprochement politique avec le gouvernement de Fayez Al Sarraj. Il n’entend pas rejoindre la formation que ce dernier dirige à Tripoli ni lui accorder le quitus dont il a besoin pour devenir réellement un gouvernement d’union nationale sorti des accords de Skhirat au Maroc, fin décembre 2015.
Le refus de M. Haftar se lit dans ses dernières déclarations et l’entretien qu’il vient d’accorder au quotidien italien Corriere della Sera et dont les agences de presse s’en sont faits l’écho hier. « Nous sommes en guerre, les questions de sécurité ont la priorité. Ce n’est pas le moment opportun pour la politique. Nous devons nous battre pour sauver notre pays des islamistes extrémistes », explique le maréchal Haftar au journal italien.
En décrypté, il est difficile selon lui de parler « politique » dans les circonstances actuelles quand il s’agit de concentrer les efforts contre les groupes armés et le terrorisme dans ce pays. « J’ai commencé à parler avec Serraj il y a deux ans et demi. Sans résultat concret. Une fois que les extrémistes auront été vaincus nous pourrons commencer à parler de démocratie et d’élections. Mais pas maintenant », a-t-il souligné.
Un discours martial, donc, qui indique que les choses sont loin de s’améliorer en Libye et que 2017 pourrait être une nouvelle année de confrontation entre les frères ennemis de Tripoli et de Benghazi. Le maréchal Haftar a démenti les informations de presse faisant état d’une rencontre prochaine avec M. Sarraj, précisant que leur dernière rencontre remonte à janvier 2016. « Je n’ai rien personnellement contre Sarraj. Ce n’est pas lui le problème, ce sont ceux qui l’entourent », a-t-il assuré avant d’ajouter : « s’il veut vraiment se battre pour ramener la paix dans le pays, il devrait prendre les armes et nous rejoindre. Il sera toujours le bienvenu »
Avec de telles affirmations, on voit mal quelle médiation peut aboutir à une réconciliation possiblement proche entre les parties libyennes en conflit. Alger a accueilli le 18 décembre dernier le maréchal Haftar avec l’espoir justement de pousser plus loin le processus de normalisation politique et institutionnelle en Libye. S’il s’avère que les déclarations de Haftar pour le journal italien sont telles qu’elles ont été reprises hier par les agences de presse, « la médiation algérienne pour réconcilier les deux frères ennemis sera davantage difficile », pour ne pas dire qu’elle est vouée à l’échec, selon les observateurs du dossier libyen
Fait nouveau, cependant : le maréchal Haftar fait des yeux doux à la Russie. Au Corriere della Sera, il a affirmé que Moscou était prête à agir pour mettre un terme à l’embargo sur les armes contre la Libye afin d’en livrer à ses forces. Lors d’un séjour récent à Moscou, « le gouvernement russe m’avait promis son aide militaire, mais une fois seulement que l’embargo sur les armes imposé par l’ONU serait levé », a affirmé le chef militaire libyen au quotidien italien du soir. Le président russe Vladimir « Poutine agira de telle sorte qu’il soit levé », a-t-il assuré. Jusqu’à présent, c’était plutôt les puissances occidentales et l’Egypte qui, secrètement, militaient pour une levée de l’embargo sur les armes en Libye. Leur position est cependant restée discrète car en contradiction avec le plan onusien de règlement du conflit dans le pays voisin, un plan qu’ils soutiennent également en attendant une décantation qui peut être synonyme d’aggravation de la situation chez nos « frères » libyens.