Après avoir réussi à faire grimper les cours du brut grâce à des coupes dans sa production, l’Opep fait face désormais à d’autres défis : préserver sa cohésion et faire face à une offre américaine qui évolue vite.
A l’issue du premier trimestre de l’année en cours, les restrictions de production coordonnées par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés ont contribué à la plus forte hausse des cours de pétrole depuis presque dix ans, ramenant les prix à plus de 70 dollars le baril.
L’Arabie saoudite, le membre le plus puissant du groupe, a clairement affiché la couleur, indiquant à maintes reprises qu’elle était déterminée à restreindre ses approvisionnements. Depuis janvier dernier, l’Opep et ses alliés parmi les producteurs non-Opep ont lancé une nouvelle série de réductions de l’offre, alors que la production de pétrole de schiste aux États-Unis était en plein essor et que la croissance fragile de la demande mondiale risquait d’entraîner un excédent d’offre. Mais au fur et à mesure que le groupe met en œuvre les restrictions et que les crises au Venezuela et en Iran réduisent encore l’offre, les excédents qui minent le marché pourraient se rétrécir plus rapidement que prévu.
En effet, si l’Opep et ses partenaires poursuivent les réductions de l’offre au second semestre de l’année en cours, les stocks mondiaux de pétrole vont se contracter de près d’un million de barils par jour au troisième trimestre, soit la plus forte baisse en près de deux ans, selon les données de l’Organisation. Cependant, la prolongation des accords de réduction de l’offre au-delà de juin n’est pas totalement acquise, car les Russes affichent d’ores et déjà une opposition claire à cette éventualité. Les tensions au sein de l’Organisation pourraient s’accentuer davantage surtout si les troubles en Libye venaient à s’aggraver, à l’heure où la production plonge au Venezuela, à cause de la crise économique, et que les Etats-Unis vont bientôt décider d’amplifier les sanctions sur les exportations de pétrole iranien.
La conjugaison de tous ces éléments pourrait amener l’Opep et ses alliés à sursoir à l’idée de prolonger les accords de limitation de l’offre au-delà de juin 2019.
Dans le cas contraire, une éventuelle entente sur l’extension des délais d’application des accords pourrait facilement faire grimper les prix du brut à des niveaux qui susciteraient la colère de Donald Trump, principal allié politique des Saoudiens. Il ne fait aucun doute que, dans un scénario où le brut Brent atteindrait 80 dollars, le président Trump tentera à nouveau de mettre l’Opep sous pression, en l’invitant à surseoir à ses mesures de limitation de l’offre et de soutien aux prix. Poursuivre cette politique de soutien aux prix au moyen de la réduction de l’offre risque également de mettre à mal l’alliance des Saoudiens avec la Russie.
Le président Vladimir Poutine a déclaré la semaine dernière qu’il était à l’aise avec les niveaux de prix actuels et qu’il était trop tôt pour décider si la production devait être réduite au second semestre. Pour éviter un remake de ce qui s’était produit l’année dernière, l’Arabie saoudite pourrait augmenter légèrement sa production afin d’éviter une hausse des cours au-delà des niveaux actuels.
Car, outre cet objectif de soutenir les cours qui, pour rappel, avaient perdu près de 40% de leur valeur durant le dernier trimestre de 2018, l’Opep cherche à réparer l’équilibre rompu entre l’offre et la demande. Reste que l’Opep ne détient pas à elle seule toutes les solutions d’un retour à l’équilibre du marché pétrolier.
Car, s’il est vrai que ses réductions ont contribué à éponger certains excédents de la production, l’offre américaine évolue à pas de géant et compense une partie de l’effort consenti par l’Opep en vue d’un rééquilibrage du marché. La production américaine caracole désormais à plus de 12,2 millions de barils par jour, un record inégalé qui pourrait mettre à mal l’engagement de l’Opep en faveur du rééquilibrage du marché.