Le renvoi du gouvernement pourrait s’imposer comme une fatalité. La rentrée sociale qui s’annonce mouvementée ne devrait laisser aucune chance au pouvoir de persister dans son intransigeance à garder un Exécutif isolé de la société.
Le gouvernement de Noureddine Bedoui nommé le 31 mars 2019 pour une période transitoire de 3 mois, comme le précise la Constitution, est toujours là. Désigné, au pied levé, par Abdelaziz Bouteflika quelques jours avant sa capitulation, l’Exécutif est perçu par la rue comme une dernière manigance d’un chef de l’État honni.
Avant la nomination du staff que dirige Noureddine Bedoui, ce dernier a engagé des consultations afin de former son équipe, mais c’était peine perdue. La plupart des cadres sollicités pour figurer dans le gouvernement ont tout simplement décliné l’offre. La rue grondait et personne n’osait se mettre en porte-à-faux avec des millions d’Algériens sortis réclamer le démantèlement du système. Dès lors, l’Exécutif désigné en vertu de la loi fondamentale pour gérer “les affaires courantes” prolonge sa mission envers et contre tous. Aucun membre du gouvernement n’a réussi la prouesse de sortir sur le terrain. Leur tentative au début de leur nomination de reprendre le bâton de pèlerin et sillonner le pays lors de visites d’inspection s’était heurtée au refus des citoyens des quatre coins du pays de les recevoir. Le rejet populaire du système, de ses symboles et de ses démembrements ne laisse point de champ libre au gouvernement afin de manœuvrer.
À cette inacceptation de l’Exécutif par la rue s’ajoute, en fait, sa composante. Nommé à la hâte, par défaut et en l’absence de compétences, Noureddine Bedoui, chargé alors de la mission de former un Exécutif, s’était rabattu sur un personnel dépourvu du moindre background politique et technique. Aucun des ministres désignés n’est connu du grand public. Ce sont d’illustres inconnus sur le champ politique qui ont pris le relais des anciens gouvernements, donc appelés à des arbitrages dont ils ignorent jusque y compris dans la façon de s’y mettre.
Ratages, échecs et insuccès ont empreint l’action gouvernementale. Les quelques ministres hérités de l’ère Bouteflika ont cessé, depuis plusieurs mois, de se montrer en public. Leurs actions se résument, dès lors, à de simples communications internes, où, tout au moins, à des communiqués de presse, presque jamais repris par les médias, à l’exception de certains acquis à la thèse de la “solution constitutionnelle”.
La permanence qu’assure le gouvernement Bedoui n’en est pas vraiment une. Le climat de blocage quasi total de la vie publique, dominée, d’une part, par le soulèvement de la rue et, de l’autre, par l’entêtement du pouvoir à ne pas répondre à l’exigence de la rue de révoquer l’Exécutif, met les ministres dans une posture délicate. La présence de ces ministres, pris entre deux feux, n’est qu’une façade pouvant donner l’impression que les institutions de l’État fonctionnent normalement.
Toutefois, la figuration faite, incidemment, par les ministres ne peut être tolérée indéfiniment. La rentrée sociale qui promet d’être animée en mouvements de protestation ne devrait laisser aucune chance au pouvoir de persister dans cette voie de fait. Le renvoi du gouvernement Bedoui s’imposera comme une fatalité. Les grèves et moult problèmes auxquels il sera appelé à faire face exigeront son départ. Handicapé qu’il est par son illégitimité et son rejet populaire, l’Exécutif que coordonne Noureddine Bedoui est voué à mourir de sa belle mort.
Mohamed Mouloudj