Pourquoi le président Bouteflika, habitué à recevoir systématiquement en audience des hôtes de passage à Alger, y compris ceux d’un rang équivalent au maire, ne se rend-il plus disponible, coup sur coup, pour le ministre français de l’Intérieur, Bruno Le Roux, et le MAE espagnol, Alfonso Dastis ?
Les rumeurs les plus folles quant à l’état de santé du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, enflent et ne cessent de se propager. La communication institutionnelle se faisant incompréhensiblement vague et terriblement timide, les assertions les plus invraisemblables, qui, d’ailleurs, ne s’appuient sur rien de tangible, ni n’identifient les sources, sont avancées.
Ne sachant à quelle source fiable s’abreuver, l’opinion, en quête de la bonne et vraie information, est tenue en haleine, oscillant au gré des supputations, parfois farfelues, nées de l’invisibilité prolongée du chef de l’État.
Un chef de l’État que l’on savait souffrant “d’une bronchite aiguë” qui le rendait “indisponible temporairement” et qui, de ce fait, n’a pu recevoir, le 20 février dernier, la chancelière allemande, Angela Merkel, dont la visite en Algérie a, donc, été reportée sine die. Depuis, la présidence de la République n’a pas communiqué.
Un chef de parti politique, Djamel Ould Abbes, secrétaire général du FLN, un diplomate, l’ambassadeur d’Algérie au Liban, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, puis le ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, se sont proposés de le faire et se sont relayés pour tenter de rassurer sur l’état de santé de Bouteflika.
Sans véritablement réussir, cependant, puisque leurs interventions ne sont pas parvenues à dissiper le doute. En témoignent les papiers consacrés au sujet sur les blogs et les posts d’internautes diffusés sur la Toile. La réaction officielle, qui se décline essentiellement sous forme de démentis, a, par certains aspects, produit le contraire de l’effet escompté.
C’est d’abord l’ambassadeur d’Algérie au Liban qui réagit à l’assertion, farfelue, sur le décès du chef de l’État, publiée par un journal libanais et reprise par plusieurs médias moyen-orientaux. Puis, c’est au Premier ministre, à qui, visiblement, le calembour colle irrémédiablement au corps — il a encore commis à Tunis une digression de mauvais goût sur le volume des accords qu’il devait parapher —, d’affirmer sur un ton mi-comique, manquant en tout cas de solennité, que “le Président vous passe le bonjour, il va très bien”.
La dernière expression sur le sujet est à l’actif de Ramtane Lamamra qui a réagi pour démentir une information de TSA, selon laquelle l’audience que Bouteflika devait accorder, jeudi, au ministre des Affaires étrangères et de la Coopération espagnol, Alfonso Dastis, a été reportée à la dernière minute.
“Une audience avec le président de la République n’a jamais été incluse dans le programme de la visite”, a soutenu le MAE algérien, appuyé, en cela, par l’ambassadeur d’Espagne à Alger qui, de son côté, a attesté que l’audience dont il est question n’a pas été dans le programme de la visite.
Soit. Mais ceci n’expliquant pas forcément cela, il demeure que l’autre question fondamentale ne trouve pas de réponse : pourquoi le président Bouteflika, habitué à recevoir systématiquement en audience des hôtes de passage à Alger, y compris ceux d’un rang équivalent au maire, ne se rend-il plus disponible, coup sur coup, pour le ministre français de l’Intérieur, Bruno Le Roux, et le MAE espagnol, Alfonso Dastis ? On serait porté de conclure à un réajustement dans le protocole dans le sens d’un plus de rectitude, après le fameux tweet de Manuel Valls qui a visiblement laissé des séquelles, n’était l’enchaînement des situations qui voudraient que le chef de l’État apparaisse.
Mais auquel cas, la présidence de la République nous aurait fait prendre acte d’une autre manière de communiquer, en substitution à celle ayant consisté jusqu’ici à diffuser l’image télévisée d’audiences accordées. Or, face aux nombreuses supputations et divers commentaires, il n’y a que silence… entrecoupé, par moments, par un démenti apposé à une publication ayant un peu trop exagéré les déductions. Un silence de la présidence de la République à la fois inexplicable et étrange. Surtout que cela fait plus de 20 jours que l’opinion n’a pas vu diffuser l’image d’une activité du Président qu’elle sait malade.