L’inflation en Algérie et dans le monde : faits et perspectives

L’inflation en Algérie et dans le monde : faits et perspectives

L’inflation mondiale reprend : est-elle conjoncturelle ou structurelle ? Après trois décennies de maitrise de l’inflation (1990-2019) qui avait atteint des niveaux élevés dans les années 1970s, l’économie mondiale renoue de nouveau avec l’inflation en raison de la pandémie de mars 2020 (qui est un double choc sur la demande et l’offre), notamment au niveau des produits alimentaires. Si les hausses de prix de ces derniers ont récemment connu une certaine modération, les pressions inflationnistes ont de nouveau repris en 2021, sous l’effet de trois facteurs majeurs, à savoir :

(1) la réouverture progressive de l’économie mondiale facilitée par de bonnes campagnes de vaccination ;

(2) une forte demande globale en termes de services de la part des consommateurs, demande rendue possible par les épargnes accumulées pendant le confinement et les dispositifs importants d’appui budgétaire, monétaire et social mis en place pour se prémunir contre les effets négatifs de la pandémie. A titre de rappel, les pays avancés ont dépensé 17 % du PIB sous forme d’appuis budgétaires et 15 % du PIB pour ce qui est des appuis monétaires. Les autres pays ont, pour leur part, fourni des appuis budgétaires et monétaires équivalant 7 % du PIB et 3% du PIB, respectivement ; et

(3) une offre globale limitée par une série de contraintes, y compris des tensions sur le marché du travail, des dysfonctionnements continus au niveau des chaines de valeur mondiales et des transports maritimes, la remontée des prix des produits de base et une pénurie de microprocesseurs qui limitent la production de véhicules et d’autres produits blancs.

En termes de perspectives, à court terme, la remontée des prix va se poursuivre, notamment pour ce qui est des services et des loyers, favorisée par un écart persistant entre une forte demande et une offre qui peine à retrouver son niveau prépandémie. De plus, du fait de la reprise à deux vitesses qui se profile dans le monde (reflétant des campagnes de vaccination à deux vitesses), les pressions inflationnistes seront d’intensité différente entre les pays.

En raison de divers facteurs, il est probable que l’inflation pèsera davantage sur les consommateurs des marchés émergents et des économies en développement aux prises avec les effets de la pandémie.

En effet, les pays émergents et à faible revenu sont plus vulnérables aux chocs des prix alimentaires. A moyen terme, la question se pose sur la nature de l’inflation ; est-elle conjoncturelle ou bien des facteurs structurels maintiendront ces pressions inflationnistes, ce qui pose déjà le problème du maintien ou éventuellement du démantèlement progressif du dispositif monétaire et budgétaire en place pour soutenir l’économie depuis des années.

Pour ce qui est de l’Algérie, deux points importants sont à souligner :

  • (1) vu les aspects structurels, monétaires et réels qui sous-tendent l’évolution des prix en Algérie, et compte tenu des injections massives de liquidité de la BA pour financer les dépenses publiques au moment où la production de toutes sortes de biens s’effondre, l’inflation a repris en 2020 et devrait rester élevée au cours de prochaines années ; et
  • (2) des faiblesses significatives sont à noter en ce qui concerne la mesure de cette inflation, son outil de contrôle (la politique monétaire), les dispositifs de protection des populations (absence totale de mécanismes idoines) et la transparence sur les objectifs de la politique monétaire.

Cet article comporte deux parties, Une première partie qui va traiter de l’inflation mondiale et va apporter des éléments de réponse à trois grandes questions :

  • (1) après plus de trois décennies de maitrise de l’inflation, pourquoi a-t-elle resurgi en 2020 et 2021 ?
  • (2) est ce que ces pressions inflationnistes sont conjoncturelles ou bien vont-elles durer au-delà de 2021 en raison de la mise en place des programmes massifs de relance américain et européen et du fait de facteurs structurels nouveaux ? et
  • (3) est ce que les pays avancés vont démanteler leurs dispositifs monétaires en place et abandonner progressivement leurs politiques monétaires ultra libérales, avec toutes les implications sur les pays émergents et en voie de développement.

En effet, le maintien de ces dernières est un facteur qui peut davantage attiser l’inflation alors que leur retrait prématuré pourrait casser la reprise, Une seconde partie va traiter de l’inflation en Algérie qui a commencé un trend haussier, avec une focalisation sur les facteurs qui causent l’inflation, la question de sa mesure et des leviers de gestion macroéconomique pour la maitriser. Cette partie sera complétée par des propositions dans ce sens.

PARTIE I : L’INFLATION DANS LE MONDE

L’inflation était relativement élevée au niveau des pays avancés durant la période 1962-1985.  Les six points ci-dessous vont apporter un éclairage sur cette tranche particulière de l’histoire de l’inflation.

Point 1 : un contexte économique et monétaire en pleine effervescence, marqué par l’abandon du système monétaire international adopté à Bretton Woods (rupture du lien entre le dollar et l’or) qui avait permis une reprise spectaculaire de l’économie mondiale dans la période d’après-guerre, quatre recessions, deux chocs pétroliers et des recours à des contrôles des salaires et des prix.

Point 2 : une doctrine économique au niveau des pays à économie de marché dominée par la recherche du plein emploi (par le biais de politiques keynésiennes sur le plan budgétaire) en contrepartie d’une certaine inflation (arbitrage emploi-inflation connu sous le nom de courbe de Phillips) perçue comme une simple nuisance dont il fallait s’accommoder. Dans ce contexte, la politique monétaire était passive.

Point 3 : Cet arbitrage croissance-inflation atteindra ses limites au niveau des économies avancées à la fin des années 1970s avec la montée non seulement de l’inflation mais également du chômage (période connue comme celle de la stagflation). Ainsi, les taux d’inflation avaient atteint 11 % aux Etats-Unis, plus de 8 % au Japon et 25 % au Royaume Uni.

Point 4 : Face à la stagflation, les pouvoirs publics butaient sur un grand dilemme : poursuivre le plein emploi au risque de pousser l’inflation encore plus haut ou maitriser cette dernière au détriment de la croissance et de l’emploi.

Point 5 : au vu des niveaux élevés des prix à la consommation qui posaient des problèmes politiques et sociaux, la priorité est finalement accordée à la lutte contre l’inflation. De ce fait, la politique monétaire se voit accorder un rôle actif et a pour sous-bassement théorique les travaux de l’économiste Milton Friedman. Pour ce dernier, la banque centrale peut contrôler l’inflation si la masse monétaire en circulation augmente à un taux constant. Selon cette approche, un taux d’inflation souhaité plus élevé serait associé à un taux de croissance monétaire constant plus élevé.

En conséquence, de nombreuses banques centrales ont adopté des objectifs de croissance monétaire au cours des années 1970 et 1980 pour lutter contre les taux d’inflation relativement élevés de cette époque. Cette approche a permis à la banque centrale américaine de réduire les taux d’inflation élevés de 11 % au cours des années 1970 à 3,5 % à la fin des années 1980s grâce à une réduction du taux de croissance de la masse monétaire et au prix d’une récession.

Point 6 : la stabilisation des prix domestiques allait devenir tout naturellement un objectif macroéconomique au cours des années 2000, d’autant plus que l’inflation avait affecté les autres économies dans le monde au cours des décennies 1980s et 1990s. Notons l’hyperinflation au niveau de nombreux pays d’Amérique latine (en 1990, le Brésil et l’Argentine ont vu l’inflation grimper au-dessus de 2000 %) et en Afrique (75 % au Nigeria en 1995). Pour les pays à économie planifiée, du fait de l’inflation réprimée, cette période était marquée par des pénuries chroniques de biens et services.

Toutefois, leur transition vers des modes libéraux de gestion économique s’est traduite par des poussées d’inflation, y compris en Chine (en moyenne d’environ 10 % par an pendant la majeure partie des années 1980 et au début des années 1990) et en Russie (hyperinflation de 2500 % par an au début des années 90 ramenée en 2006 en dessous de 10 % par an). Ces pays avaient également mis en place des politiques antis inflationnistes dès la fin des années 1990s. 

La mise en place de politiques monétaires conventionnelles a permis de maitriser l’inflation pendant la période 2000-2019. Au centre de ces politiques, a vite émergé le ciblage d’inflation comme cadre monétaire particulièrement efficace. Deux points à développer. 

Point 1 : Les politiques monétaires conventionnelles et le ciblage d’inflation : Au début des années 2000, le problème de l’inflation était globalement maitrisé au niveau de nombreuses économies dans le monde. Cette performance avait été facilitée par la domination des idées monétaristes et surtout l’expérience de la mise en œuvre de ces idées dans les années 1970 et 1980. La combinaison de ces deux éléments a fait évoluer la pensée économique vers un libéralisme plus poussé (consacré par le consensus de Washington), et renforce le rôle de la politique monétaire conventionnelle (pour appuyer le cycle économique en maintenant un niveau d’inflation soutenable). C’est dans ce contexte qu’a été mis en place un nouveau cadre monétaire basé sur le ciblage d’inflation d’abord en Nouvelle Zélande en 1988 avant d’être adopté par de nombreuses banques centrales dans le monde (avec des objectifs d’inflation explicites). Grosso modo, le ciblage d’inflation s’articule autour des axes suivants :

  • (1) la banque centrale doit être indépendante et ipso facto responsable de la lutte contre l’inflation ;
  • (2) la gestion de l’inflation sur le long terme ne peut être bâtie sur la seule relation entre la croissance monétaire et l’inflation, relation considérée comme instable y compris par Milton Friedman lui-même ; et
  • (3) en conséquence le principal instrument de contrôle monétaire de la banque centrale est un taux d’intérêt nominal à court terme. Ainsi à charge pour la banque centrale d’augmenter ce dernier lorsque l’inflation est élevée par rapport à l’objectif fixé et à le diminuer lorsque l’inflation est faible.

La logique sous-tendant cette pratique est que l’augmentation des taux d’intérêt réduit les dépenses, ralentit l’économie et réduit l’inflation tandis que la baisse des taux d’intérêt augmente les dépenses, fait repartir l’économie et pousse les prix à la hausse.

Le succès d’un cadre monétaire basé sur le ciblage d’inflation implique, toutefois, la réunion d’un certain nombre de conditions politiques, techniques et institutionnelles, notamment :

  • (1) un engagement à défendre un objectif qui puisse être compris par la population ;
  • (2) une mesure précise de l’inflation ;
  • (3) des outils analytiques pour d’une part produire de bonnes projections sur l’inflation et d’autre part maitriser les projections sur les effets des mécanismes de transmission du taux d’intérêt;
  • (4) une capacité technique (au niveau de la banque centrale) en mesure d’exercer une influence sur l’inflation (ce qui pose la question de la crédibilité de la banque centrale permise par son indépendance; et
  • (5) une politique de communication (au niveau de la banque centrale). 

Point 2 : Les limites du ciblage d’inflation. Le ciblage d’inflation a été effectif notamment en contexte de chocs de la demande. Dans ces cas, le ciblage d’inflation a permis de réduire la volatilité de l’activité économique et la montée des prix au cours du cycle économique, y compris lorsque les politiques fiscales et budgétaires n’ont pas toujours joué leur rôle. A contrario, le ciblage d’inflation est inopérant dans deux cas :

  • (1) une chute de la productivité (et d’une chute de l’offre) qui entraine une augmentation des prix des inputs et une chute du PIB. Dans ce cas, un resserrement de la politique monétaire va aggraver la perte d’activité économique causée par le choc initial. Le problème se pose surtout au niveau des pays émergents qui font face à des chocs de l’offre. Le ciblage d’inflation n’est donc pas le cadre monétaire approprié pour ces pays ; et
  • (2) un ratio dette/PIB élevé. Face à cela, les pays doivent trouver un équilibre entre le besoin de resserrer leur politique budgétaire et maintenir un taux de croissance nominal. Ceci implique donc le ciblage d’un taux de croissance du PIB nominal et non plus un ciblage d’inflation et ipso facto une baisse du taux d’intérêt. 

Les crises financière (2008) et de la dette souveraine (2012), les risques de déflation mondiale et les politiques monétaires non conventionnelles. 

La crise financière mondiale qui a éclaté au cours de l’été 2007 et son prolongement en Europe en 2012 sous la forme d’une crise de la dette souveraine n’ont pas ébranlé les fondements de la politique monétaire mais ont radicalement modifié sa conduite. Les principales banques centrales ont introduit des innovations majeures en termes de cadre opérationnel et de communication au vu des risques majeurs de déflation et de liquidité. Ces innovations sont les suivantes :

1 : élargissement du rôle de prêteur de dernier ressort des banques centrales : afin d’atténuer les problèmes de financement des institutions financières en période de turbulence et d’éviter un resserrement du crédit, les banques centrales se sont efforcées de répondre à leurs besoins de liquidités en remplissant pleinement leur rôle de prêteur de dernier ressort. De plus, face à la paralysie du marché interbancaire, elles ont élargi leur rôle pour s’impliquer dans l’intermédiation financière en prêtant massivement aux établissements en pénurie de liquidités et acceptant les dépôts d’établissements excédentaires ;

2 : évolution vers une politique monétaire non conventionnelle et mise en place d’actions audacieuses. Face à la situation exceptionnelle créée par les crises financière et de la dette souveraine, les autorités ont pris des mesures audacieuses et inédites et refaçonné l’architecture financière institutionnelle et réglementaire pour surmonter la sous-activité économique, faire reculer le chômage massif et remettre enfin l’économie mondiale et la zone euro sur une voie d’expansion économique solide.

In fine, ces succès n’auraient pas été possibles sans une refonte considérable des interactions entre l’économie financière et réelle et le fonctionnement des mesures de politique monétaire non conventionnelles, à savoir :

  • (i) les taux d’intérêt négatifs ;
  • (ii) l’assouplissement quantitatif (programmes d’achat et d’échange de titres afin de soutenir des segments spécifiques des marchés financiers) ; et
  • (iii) la technique des orientations prospectives. Ce nouveau dispositif était accompagné par une politique de communication et des politiques de réglementation et de surveillance saines ;

3 : mise à nu de lacunes apparues à la faveur des crises mondiales et de celle de la zone euro. Ces lacunes sont évidentes : (i) au niveau des principaux cadres d’analyse et de projections des tendances économiques et inflationnistes ; et (ii) au niveau du rôle d’un secteur financier comme source ou amplificateur possible de chocs économiques ; et

4 : ouverture de débats de fonds sur la conduite future des politiques macroéconomiques. Ces crises ont remis en question les canons de la gestion macroéconomique des années 2000, ouvrant des discussions de substance sur :

  • (i) les canaux de transmission des programmes d’achat d’actifs de la banque centrale et les effets de ces mesures sur les prix des actifs financiers et l’économie en général ;
  • (ii) l’équilibre approprié entre stabilisation budgétaire et soutenabilité budgétaire en période de récession (y compris sur la taille des multiplicateurs budgétaires) ;
  • (iii) les lacunes des mécanismes d’ajustement réels et nominaux dans l’union économique et monétaire européenne et sur la conception d’arrangements de partage des risques plus efficaces ; et
  • (iv) les causes de la faible inflation. En effet, au cours des dernières années, l’inflation a été constamment faible dans de nombreux pays développés, malgré une réduction considérable du ralentissement de l’économie et du marché du travail.

Cela a remis sous les projecteurs une discussion sur la forme, la spécification et l’emplacement de la courbe de Phillips ainsi que sur le rôle des conditions financières générales dans la stimulation de la croissance économique et, en fin de compte, de l’inflation.

La résurgence de l’inflation en 2020-2021. Une analyse approfondie de l’inflation mondiale qui a repris depuis 2020 est la suivante :

Point 1 : l’inflation est réapparue depuis le début de la pandémie. Elle reflète essentiellement une hausse des prix des produits alimentaires. A contrario, l’inflation que nous observons au cours du premier semestre de 2021 est directement liée à la forte reprise économique intervenue essentiellement au niveau des pays avancés et du groupe de tête des pays émergents.

Point 2 : l’inflation affecte les pays avancés et les pays émergents. Ainsi à fin mai 2021 et en raison d’effets de base, l’inflation se situe en moyenne à 8,3 % aux USA, entre 0,9% et 1,9 % au niveau de l’Union Européenne et 2,1 % au Royaume Uni. Au niveau des pays émergents, elle se situe en moyenne à 4,5 %.

Point 3 : les effets négatifs de l’inflation sont doubles et peuvent secouer fortement les marchés financiers : elle érode les ressources des travailleurs, notamment ceux qui perçoivent des bas revenus et peut provoquer un retournement significatif des marchés financiers. En effet, notons que la hausse des prix des actions, des obligations, de l’immobilier et même des crypto-monnaies repose sur l’hypothèse que les taux d’intérêt restent bas pendant longtemps. Cela n’a de sens que si les banques centrales ne se sentent pas obligées de les relever. En cas de risque de bulles, le marché actuel qui a bâti sa prospérité sur des années de faible inflation pourrait voir ses fondements vaciller.

Point 4: les causes de l’inflation mondiale: sont multiples, dont :

  • (i) une hausse de la demande pour les biens de consommation ;
  • (ii) la perturbation des chaines de valeur qui produisent ces biens ;
  • (iii) la montée des prix du baril qui est passe de $63,65 en janvier 2020, avant de chuter à $18,38 en avril 2020 et remonter progressivement depuis pour atteindre $68,53 en juin 2021;
  • (iv) les perturbations dans le secteur des transports maritimes et au niveau de nombreux ports dans le monde ;
  • (v) une remontée des prix dans le secteur des services (restauration, coiffures, voyages, loisirs) dont la demande est vigoureuse alors que le marché du travail reste sous pression ; et
  • (vi) la rareté de certains composants (microprocesseurs) qui réduisent l’output dans de nombreux secteurs d’activité.

Point 5 : Est-ce que cette inflation est conjoncturelle ou structurelle ? les observations sont mitigées en raison d’une combinaison :

  • (i) de facteurs devant logiquement peser sur l’inflation, notamment des temps de livraison allongés, une demande de services qui restera vigoureuse, entretenue par des épargnes significatives (USA: $2,500 milliards soit 12% du PIB et zone euro : $700 milliards soit 4,5 % du PIB) et des tensions sur le marché de l’emploi qui vont s’accentuer ce qui mettra la pression sur les salaires et ipso facto l’inflation des prix à la consommation et des loyers qui sont très cycliques et épousent les mouvements de l’économie ; et
  • (ii) des facteurs poussant à la baisse (la demande de certains produits de consommation va amorcer un trend baissier).

Point 6 : la question des anticipations inflationnistes : Sur ce point, les observateurs n’ont pas enregistré de hausse et précisent qu’il n’y aucun facteur fondamental poussant dans ce sens.

Point 7 : Quelle attitude de la part des banques centrales ?  Vu les perspectives en termes d’anticipations d’inflation, les banques centrales considèrent les augmentations de prix actuelles comme conjoncturelles, leur donnant une marge de manœuvre et leur permettant de prendre leur temps et d’éviter de mettre en place des mesures précipitées.   

PARTIE II. L’INFLATION EN ALGERIE

L’inflation en Algérie est sur un trend haussier depuis quelques années. Depuis les chocs sanitaire et pétrolier de 2020, l’attention des ménages, des entreprises et des autres institutions s’est cristallisée, entre autres sur l’inflation et l’instrument de mesure de cette dernière (l’indice des prix à la consommation -IPC-) en raison des mouvements de prix de biens et services significatifs qui érodent jour après jour leur pouvoir d’achat et privent les investisseurs de toute visibilité économique.

Les données disponibles et les projections sur l’inflation confortent les craintes des agents économiques. En effet, l’inflation en Algérie s’est située à environ 4 % (limite supérieure de l’objectif de la Banque d’Algérie) entre 2000-2017, grimpant à 4,3 % en 2018 (du fait d’une forte demande) avant de chuter à 2 % en 2019 et 2,4 % en 2020 (en raison d’une chute combinée de la demande et de l’offre). 

Sur le moyen terme, vu les aspects structurels, monétaires et réels qui sous-tendent l’évolution des prix en Algérie et l’absence de programme de réformes pour booster l’economie, il est attendu une remontée de l’inflation qui devrait se situer à environ 5-5,5 % entre 2021-2023. L’inflation demeure donc un sujet macroéconomique important et au premier chef des préoccupations, vient la question de sa mesure et de son rôle en tant que signal macroéconomique.

En conséquence, seul un outil fiable permettra d’apprécier les tensions inflationnistes, mesurer l’évolution des revenus ou de la consommation des ménages en termes réels, donner une idée sur le maintien du pouvoir d’achat du SNMG ou de certaines prestations, fournir une base pour asseoir des politiques salariales et de revenu à l’échelle macroéconomique et microéconomique et articuler la politique monétaire du pays.

Cette partie de l’article va donc se focaliser sur trois grands volets, à savoir :

  • (1) les facteurs à l’origine de l’inflation ;
  • (2) les éléments relatifs à la mesure de l’inflation ; et
  • (3) les leviers de lutte contre l’inflation. 

Les facteurs internes et externes à la base de l’inflation :  De nombreuses recherches ont été entreprises au niveau du FMI et d’autres institutions internationales et locales pour comprendre les déterminants de l’inflation dans les pays pétroliers, notamment en Algérie. Il en ressort deux types de facteurs :

(1) Les facteurs macroéconomiques :

  • (i) l’inflation en Algérie résulte d’une combinaison de facteurs réels et monétaires : et
  • (ii) la masse monétaire et les prix des biens importés sont les moteurs de l’inflation à court terme alors que la masse monétaire et le PIB réel non pétrolier sont de loin les facteurs-clés des variations de prix à long terme.

Les estimations tirées de ces études font ressortir les élasticités ci-après :

  • (1) une augmentation de 1% de la masse monétaire entraine une augmentation de 0,3 % du niveau général des prix ;
  • (2) une hausse de 1% de la production réelle hors hydrocarbures entraîne une baisse de 0,2 % des niveaux général des prix: 
  • (3) une augmentation de 1%  des prix importés contribue à une augmentation de 0,2 % des prix intérieurs; et
  • (4) une dépréciation de 1% du taux de change effectif nominal a un effet limité de 0,1% sur les prix intérieurs. L’impact à long terme est encore plus faible. En conséquence, le recours aux subventions ou à la levée de tarifs commerciaux est préférable (d’autant que le tarif moyen pondéré est de 8,85 % en Algérie plaçant le pays à la 47 -ème place sur 180 pays) pour contrer l’augmentation du prix des produits de base importés déclenchée par la dépréciation du taux de change ; et
  • (5) une augmentation de 1% du prix international du baril de pétrole a un impact limité de 0,04 % sur les prix intérieurs à long terme, illustrant ainsi les subventions significatives des prix des produits pétroliers en Algérie.

(2) les déterminants structurels :

  • (i) un excès de demande pérenne dans de nombreux secteurs produisant des biens composant le panier de l’IPC ;
  • (ii) la nature des circuits de distribution et leur capacité à résister aux faiblesses en termes de concurrence et de lutte contre les pratiques commerciales illicites et déloyales et la concentration. Eléments cruciaux pour formuler une politique de revenus ou une politique monétaire appropriée. 

Les outils de mesure de l’inflation sont obsolètes 

L’inflation mesure le taux de changement des prix (et non le niveau des prix). Par ailleurs, il faut souligner que l’inflation n’est pas uniquement un regard sur le passé mais également sur le futur immédiat, d’où l’importance des anticipations inflationnistes. Examinons ces deux aspects.

Pour ce qui est de la mesure de l’inflation au niveau de la consommation en Algérie, notons ce qui suit :

  • (1) la production d’un indice des prix de gros des fruits et légumes, d’un IPC mensuel pour Alger et d’un autre qui couvre le pays tout entier. Celui d’Alger semble être la référence en termes d’analyse macroéconomique ;
  • (2) la pondération de l’IPC est biaisée en faveur des produits alimentaires qui représentent 43 % du panier (26 % de ces produits alimentaires sont soumis à des contrôles de prix). Les produits importés, quant à eux, représentent 26% du panier ;
  • (3) la période de référence : est 2001 avec des pondérations à partir de l’année de base 2000 (les dépenses annuelles de 2000 servent de base de calcul) ; et
  • (4) la publication : l’indice mensuel des prix à la consommation est publié avec un délai de moins d’un mois. Pour sa part, l’indice trimestriel des prix à la production est publié avec un retard de moins d’un trimestre.

L’IPC d’Alger et l’IPC national ne sont ni un indice du coût de la vie, ni un indice de la variation du budget de consommation et encore moins une variation des prix pour une période donnée. Son champ d’application est simple et précis : calculer une variation des prix entre la période de référence (2001) et la période courante. 

2. Pour ce qui est des anticipations inflationnistes, les autorités ne se sont pas dotées d’outils à cet effet.  In fine, des outils obsolètes et incomplets qui ne permettent pas une bonne mesure ni prévision de l’inflation. 

La réhabilitation de l’inflation en tant que macro-indicateur à partir de 1994 est inachevée en raison de l’arrêt des réformes en 1999. Jusqu’au début de 1994, les prix en Algérie faisaient l’objet d’un vaste système de subventions qui leur enlevait toute fonction de mesure de la rareté et encore moins de point de rencontre entre l’offre et la demande.

Ce rôle neutre des prix et leur subventionnement était cohérent avec la stratégie de développement mise en œuvre de 1962 à 1989 (financée par la rente pétrolière) et qui reposait sur le principe fondamental de l’exclusion des prix et de l’inflation (au même titre que le taux de change, la croissance, la monnaie et le taux d’intérêt) comme variables de gestion de l’économie.

La rupture avec ce système intervient en 1994 dans le contexte du programme avec le FMI qui s’est traduit par l’amorce d’une libéralisation de certains prix (inputs pour l’agriculture et pour le secteur de la construction et de l’habitat), la levée de certains contrôles (sur les prix au détail et les marges de profits pour tous les biens et services à l’exception d’un nombre limité de produits, notamment les biens alimentaires et les produits énergétiques), l’élimination de certaines subventions (transports publics) et l’ajustement de certains prix (produits alimentaires et les produits énergétiques d’au moins 200 %) pour refléter également leur cout d’opportunité.

Pour les produits pétroliers, la subvention implicite devait être éliminée car les prix de transferts de la compagnie pétrolière aux raffineries était fixé à un niveau mondial avec des ajustements tous les 6 mois en fonction des prix internationaux du baril et des évolutions du taux de change. L’interruption des réformes à partir de 1999 (dernière année du programme de réformes), y compris les ajustements périodiques de prix des produits énergétiques n’ont pas permis de parachever le processus de réhabilitation de l’inflation en tant que macro indicateur crédible.   

L’inflation continue d’être réprimée.  Depuis la fin du programme des réformes, le système de formation des prix actuel est hybride avec des formes de soutien et de contrôle de prix et de marge qui contribuent ainsi à une certaine répression de l’inflation. Si un certain nombre de prix de biens et services résultent du libre jeu de l’offre et de la demande, d’autres voient leurs prix réprimés par deux mécanismes : les subventions budgétaires et le système des prix et marges règlementés. 

1. Les subventions directes et indirectes. Le niveau des subventions est en progression continue depuis la crise de 2014. Ces subventions couvrent divers appuis et sont de deux ordres : les subventions explicites et implicites. Les subventions explicites incluent certains produits alimentaires, l’eau, l’électricité, le gaz, le logement, l’éducation et les taux d’intérêt (dont l’objectif est d’encourager l’investissement et promouvoir l’entreprenariat).

Les subventions implicites, quant à elles, proviennent du fait que les prix des produits subventionnés (aliments, eau, électricité, gaz naturel et logement public) sont fixés en deçà de leur coût de production. Ces pratiques mettent les entreprises productrices en difficulté, ce qui se traduit in fine par des subventions d’exploitation à un moment ou un autre de la part du Trésor.

Il est estimé que le niveau des subventions est passé de 2136 milliards de dinars en 2014 à 2400 milliards de dinars (12,7 % du PIB) en 2020, soit une progression de 12,4 % en 5 ans. 

2 : le régime des prix et des marges réglementés de certains produits et services. Ce régime touche des produits alimentaires (5 catégories), des produits industriels (3 catégories), des services (5 types), des prix de cession (touchant l’électricité et le raffinage) et des marges règlementées (médicaments).

In fine, la répression de l’inflation à travers des mécanismes directs de contrôle (sur les prix, salaires et le rationnement) ne contribue nullement à éliminer les pressions inflationnistes. L’inflation réprimée ouvre la voie au marché noir, la corruption, la thésaurisation et les abus. Enfin, elle affaiblit les politiques anti-inflationnistes.

La mesure de l’inflation est sous-estimée en raison des nombreuses faiblesses au niveau de l’IPC. Si certaines de ces faiblesses contribuent à sous-estimer, d’autres au contraire tendent, dans une moindre mesure à surestimer l’inflation en Algérie. Parmi les facteurs qui surestiment l’inflation, notons:

(i) l’aspect qualité des produits (ce qui ne permet donc pas de distinguer entre variations de prix stricto sensu et celles induites par des changements dans la qualité ou les caractéristiques des produits) ;

(ii) l’aspect substitution des biens ; et

(iii) l’arrivée de nouveaux produits, trois traits importants qui ne sont pas pris en compte du fait de l’ancienneté du panier qui date de 2000 et dont la base 2001a une pondération des biens qui accorde un poids considérable aux produits alimentaires (43 % du panier).

Il est clair que la consommation a profondément changé depuis 20 ans. La non capture de ces facteurs contribue à surévaluer l’IPC d’au moins 0,5 % compte tenu de la pondération actuelle. 

Parmi les facteurs qui contribuent à sous-estimer l’inflation, citons les éléments suivants :

  • (i) la qualité des données (taille de l’échantillon et plan d’échantillonnage );
  • (ii) le traitement des données (infrastructure de collecte des données ; traitement des données reposant sur des principes technologiques qui remontent à plus de 20 ans) ; et
  • (iii) les politiques publiques qui tendent à réprimer l’inflation, notamment la politique généreuse de subventions budgétaires et les prix et marges règlementés cites ci-dessus. Ajoutons à cela, la sous-évaluation du dinar (de près de 30%) et les disfonctionnements des circuits de distribution (pratiques commerciales illicites ou déloyales, absence de rigueur dans la conduite de la politique de concurrence et pratiques de concentration).

L’ensemble de ces facteurs sous-estiment en moyenne l’inflation d’au moins 2,5 points. En net, l’inflation est sous-estimée d’environ 2 points. Cela veut dire que le taux moyen d’inflation pour 2019 et 2020 qui étaient de 2 % et 2,4 %, respectivement s’établiraient à 4 % et 4,4 % toutes choses étant égales par ailleurs.  Ces taux sont plus cohérents avec les autres indicateurs macroéconomiques.  

Le levier de la politique monétaire pour lutter contre l’inflation est faible.

Selon l’article 35 des statuts de la Banque d’Algérie (BA), la politique monétaire a un double objectif, celui de créer les conditions les plus favorables à un développement rapide de l’économie ainsi que celui de la stabilité interne et externe de la monnaie.

Durant la période de la planification des investissements (1970s et 1980s) qui a consacré la répression financière, la BA a joué un rôle passif dans un contexte où la gestion des grands équilibres n’était pas la priorité.

Depuis 1994, avec l’amorce du processus de réformes en direction d’une économie de marché, la politique monétaire est devenue un levier de gestion macroéconomique. Mais très vite, dès le début des années 2000 avec la remontée des prix du pétrole, la liquidité excédentaire des banques a contraint de nouveau la BA à jouer un rôle passif. 

Pendant plus de 15 ans, la politique monétaire avait pour objectif d’éponger la liquidité excédentaire structurelle en utilisant une variété d’instruments d’intervention (la reprise de la liquidité ; la rémunération de la facilité de dépôt ; et les réserves obligatoires). A partir de 2014, le choc pétrolier a asséché cette liquidité donnant ainsi l’occasion à la BA de reprendre le contrôle sur les conditions de liquidité et de se doter de nouveaux instruments.

Cela lui a permis de mener une politique monétaire plus active combinant une dépréciation du DA pour répondre à la chute des ressources extérieures et modernisation des outils de gestion de la liquidité pour assurer un rôle de premier plan et faire face aux épisodes alternatifs de surliquidité et d’assèchement de cette dernière.

Si la BA a su s’adapter aux changements du contexte économique et financier, la politique monétaire algérienne souffre d’une certain nombre de faiblesses, y compris :

  • (1) un manque de transparence dans la conduite de sa lutte contre l’inflation (à part un objectif implicite de 4% inconnu du grand public, rien ne filtre ces derniers temps sur une éventuelle politique désinflationniste) ;
  • (2) un mécanisme de transmission du taux d’intérêt inefficace ;
  • (3) une capacité de gestion et de projection de la liquidité qui reste faible :
  • (4) une faible coordination entre la politique budgétaire et monétaire :
  • (5) une capacite faible d’évaluation des risques : la faiblesse du cadre macro prudentiel :
  • (6) un secteur bancaire archaïque ; et une communication inexistante. 

Les axes de réforme à moyen terme pour contenir l’inflation qui est un phénomène structurel. Cinq axes d’intervention à cet effet :

  • (1)  un mix macroéconomique devant, agir sur les agrégats qui pèsent sur la demande et in fine l’inflation ;
  • (2) des mesures structurelles visant à agir sur l’offre globale dont l’écart avec la demande globale entraine des pressions inflationnistes;
  • (3) des actions structurelles pour renforcer l’efficacité des réseaux de distribution dont les dysfonctionnements entretiennent des tensions constantes sur les prix ;
  • (4) des actions devant renforcer l’efficience du canal de transmission des taux d’intérêt pour assurer une stabilité des prix ; et
  • (5) des actions pour améliorer la mesure de l’inflation, notamment une révision drastique du panier et de la méthode de calcul de l’IPC. 

(1) Le mix macroéconomique pour agir sur la demande globale : dans ce domaine, la lutte contre l’inflation exigera une combinaison de politiques monétaire et budgétaire, y compris :

(i) La maîtrise des dépenses publiques courantes (notamment de la masse salariale) et une nouvelle structure de financement du déficit moins inflationniste ; et

(ii) le resserrement de la politique monétaire en augmentant le taux d’intérêt (ou en agissant si besoin sur le taux de change) pour réduire et contenir les pressions inflationnistes ;

(2) Les actions structurelles pour favoriser l’offre globale : Pour faire face aux distorsions de l’offre, il est important d’améliorer la qualité du facteur travail (sante, éducation, formation, etc..) et mobiliser le capital tout en renforçant son rendement pour favoriser la croissance du PIB réel ;

(3)  Les actions structurelles pour améliorer le réseau de distribution dont l’efficience est cruciale pour stabiliser les prix à la consommation : Il est souhaitable de prendre des mesures  en faveur  :

  • (i)  du développement des infrastructures de stockage et les marchés régionaux et améliorer la disponibilité de produits frais, sous-composant déterminant de l’IPC ;
  • (ii) de l’élimination des positions de monopole des intermédiaires dans les circuits de distribution ; 
  • (iii) de la stimulation de la concurrence ; et
  • (iv) de l’encouragement des investissements directs étrangers ;

(4) Les actions pour renforcer l’efficience du canal de transmission et agir sur la stabilité des prix : La transmission monétaire fonctionne à travers différents canaux, notamment:

(i) le canal des taux d’intérêt: en effet une augmentation des taux d’intérêt nominaux se traduit par une augmentation des taux réels qui à leur tour réduisent la consommation et l’investissement souhaités, exerçant ainsi une pression à la baisse sur les prix ;

(ii) le canal du taux de change : une augmentation du taux d’intérêt intérieur conduit à une devise plus forte, réduisant les prix des biens échangeables dans le panier définissant l’indice des  prix à la consommation.

En outre, un taux de change plus fort entraîne généralement une réduction à la fois des exportations nettes et du niveau global de la demande globale. Que fait la BA en matière de transmission monétaire ? L’objectif ultime de la politique monétaire de la BA est d’assurer la stabilité des prix, mais depuis 2010, la BA cible explicitement la stabilité des prix, en plus de la stabilité externe de la monnaie.

Elle s’est fixée en outre un objectif d’inflation annuel explicite de 4%. La BA utilise deux canaux de transmission : le canal des taux d’intérêt et le canal du taux de change (qu’elle utilise également pour cibler la valeur d’équilibre du taux de change effectif réel pour des raisons de compétitivité). Vu les faiblesses dans ce domaine, les réformes devront viser à :

  • (i) améliorer la gestion des liquidités ;
  • (ii) améliorer la stérilisation de la liquidité bancaire dans un contexte de monétisation du déficit budgétaire en mettant en vente des titres de créance au lieu de recevoir des dépôts, ce qui permettrait également des opérations de pension entre banques ; et
  • (iii) réduire l’écart entre les marchés officiel et parallèle des changes par le biais de mesures à court terme, dont la diversification de l’offre de devises sur le marché interbancaire, une plus grande rationalisation des règles régissant les opérations de change et le relèvement des plafonds sur les voyages à l’étranger ; et

(5) Les actions pour améliorer la mesure de l’inflation : il est souhaitable d’unifier les IPC (Alger et national), revoir sa couverture pour l’actualiser et assurer une couverture optimale, changer les poids des sous-indices pour refléter les nouvelles habitudes de consommation des ménages et changer l’année de base (car plus l’année de base est éloignée, plus l’indice est susceptible de devenir inexact).

En outre, étant donné que les modèles de dépenses varient selon les localités et le temps, un indice n’a qu’une valeur très limitée pour comparer les variations de prix dans différents endroits. 

Les mesures transitoires à court terme : A titre transitoire, à très court terme, je propose quatre actions :

  • (1) actualiser l’actuel IPC, notamment à la faveur du récent recensement général de la population. Certes, cela prendra du temps et exigera des ressources importantes. En attendant la production de données sous-jacentes, il serait alors judicieux de construire un autre panier de l’IPC en utilisant des pondérations extrapolées basées sur les changements dans les modèles de consommation au cours de la dernière décennie. 
  • (2) alternativement, il est possible de continuer à utiliser l’IPC actuel comme point d’ancrage nominal en prenant soin de fixer des limites de tolérance plus élevées ou plus basses pour l’inflation en hausse ou en baisse en relation avec les prix des produits alimentaires et non alimentaires. Ces solutions, cependant, ne sont qu’un palliatif à la mise à jour de l’IPC ; 
  • (3) reformer le système actuel des subventions qui sont coûteuses, inéquitables et inefficaces. Elles génèrent la surconsommation et le gaspillage et surtout réduisent les tentatives d’investissement dans le secteur agricole (importations massives de lait et de blé, deux produits subventionnés fortement) ; et 
  • (4) actualiser le système de prix et de marges règlementés.

Par Dr. Abdelrahmi Bessaha – ‎senior economist · ‎International Monetary Fund