L’Iran et l’embargo américain

L’Iran et l’embargo américain

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Les sanctions américaines rétablies et aggravées par le président Donald Trump contre l’Iran ont déclenché un véritable vent de panique chez la plupart des firmes mondiales et principalement les entreprises européennes. Mais pas seulement, car l’avionneur Boeing, bénéficiaire de commandes d’Iran Air et d’Aseman Airlines, deux compagnies iraniennes, pour un montant total de 20 milliards de dollars, a décidé aussitôt de ne pas honorer le contrat de peur de subir les foudres de l’administration Trump. Prétextant le fait que Boeing n’a jamais comptabilisé ces commandes dans son chiffre d’affaires, le porte-parole de la firme a tenté de banaliser cette annulation qui concerne un des plus importants contrats signés avec des entreprises étrangères juste après la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien en 2015. C’était en décembre 2016 et le deal portait sur la livraison à Iran Air de 80 avions pour un montant de 16,6 milliards de dollars auquel s’ajoutait un autre accord relatif à la vente de 30 appareils 737 MAX à la compagnie aérienne Aseman Airlines. Les deux lots devaient être livrés de 2022 à 2024 et tout le monde y trouvait apparemment son compte.

Mais c’était compter sans l’arrivée du président Trump à la Maison-Blanche, celui-ci n’ayant jamais fait mystère de sa détermination à rompre toute relation avec Téhéran et décidant, le 8 mai, de rétablir l’intégralité des sanctions imposées, aggravant certaines d’entre elles et y ajoutant quelques nouvelles. C’était, dit-on depuis, une conséquence logique du retrait américain de l’accord sur le nucléaire. Trump a fixé ainsi un délai de trois à six mois maximum aux entreprises américaines et à toutes celles qui recourent au système financier américain pour résilier tous les accords conclus avec Téhéran, s’engageant en outre à n’en conclure aucun autre.

L’avertissement a été entendu par des constructeurs automobiles comme PSA qui a peu après annoncé son retrait d’Iran, alors qu’il s’agit de son marché étranger principal, preuve que la peur des sanctions américaines a donné des sueurs froides aux actionnaires des grands groupes qu’ils soient publics ou privés. PSA réagissait à la nouvelle selon laquelle le pétrolier Total faisait ses bagages et démontrait avec célérité qu’il tenait compte des injonctions américaines.

Comme si cela ne suffisait pas, le président Trump a encore surenchéri en exigeant des pays partenaires de l’Iran de ne plus acheter son pétrole, une demande qui s’adressait visiblement à la Chine et à l’Inde qui sont les clients majeurs de ce pays. Sera-t-il entendu? Rien n’est moins sûr car les deux pays ont des intérêts à préserver et ce n’est pas l’engagement pris par l’Arabie saoudite d’injecter un million de barils supplémentaires dans sa production actuelle pour pallier le manque à gagner iranien qui va suffire à les amadouer. La stratégie américaine d’imposer un embargo sur l’Iran a été, ces jours derniers, contestée par les pays signataires de l’accord puisqu’ils ont décidé à Vienne, vendredi dernier, de poursuivre sa mise en oeuvre et de répondre positivement aux attentes de Téhéran qui réclamait des garanties crédibles. En attendant, des firmes comme PSA et Total qui espéraient un développement conséquent au Moyen-Orient à partir de leur base iranienne vont devoir procéder à un bilan d’autant plus négatif que l’espoir d’une dérogation aux sanctions relève de l’aventurisme politique.