Comme annoncé dans notre édition d’hier, mercredi, le coup d’envoi des festivités du centenaire de Mouloud Mammeri a été donné à Ath Yenni, lieu de naissance et d’enfance de l’écrivain. La cérémonie à laquelle ont pris part le ministre de la Culture, Azzeddine Mihoubi et le président du Haut-Commissariat à l’amazighité, Si El Hachemi Assad, a débuté par un recueillement sur la sépulture de l’illustre homme de lettres et chercheur.
Un moment de souvenir et d’émotion après lequel le président du HCA a dévoilé les grands lignes du programme commémoratif destiné à rendre hommage à Mouloud Mammeri ainsi qu’à la figure centrale qu’il a été durant toute sa vie de grand romancier, de dramaturge et de chercheur passionné en anthropologie, en ethnomusicologie et en linguistique. Da l’Mulud a laissé de grands textes comme le Sommeil du juste, la Colline oubliée, l’Opium et la Bâton, des pièces importantes comme le Foehn, des thèses sur l’ahellil du Gourara. Lieu dans lequel est prévu une rencontre scientifique et culturelle en décembre prochain à Timimoun. Un travail consistant de linguistique et de traduction notamment de la poésie de Si M’hand u Mhand et des recherches sur tamazight…
Ce programme devra donc restituer jusqu’en décembre prochain tous les aspects de la vie d’un intellectuel parmi les plus importants et les plus fascinants de l’histoire culturelle contemporaine algérienne. Une personnalité engagée pour la promotion de la langue et la culture berbères dans son pays qu’est l’Algérie et pour des positions de défense des libertés et de la démocratie. Outre l’hommage rendu au disparu devant sa tombe, la soirée du mercredi a été marquée par la représentation au théâtre régional de Tizi Ouzou de la pièce le Foehn, écrite et jouée à plusieurs reprises sur les planches par différentes troupes.
La version qui a été jouée avant-hier au Théâtre régional de Tizi Ouzou, est une mise en scène de Lyès Mokrab, en collaboration avec la troupe Nova du département français de l’UMMTO. Après-demain samedi, la Maison de la culture Mouloud-Mammeri organisera un concours de la meilleure dictée avec la participation des pionniers de l’enseignement de tamazight (1995-1996) aux côtés de l’Association des enseignants de tamazight, la Direction de la culture, de l’éducation de la willaya de Tizi Ouzou et le HCA.
Du 23 au 25 mars prochain, un festival de poésie amazigh sera organisé par l’association Adrar n fad, un projet porté et sans cesse concrétisé à travers différentes manifestations par cette dernière depuis 2003 et qui se veut un espace de rencontre, d’échange et de savoir entre les poètes d’expression amazighe, les chercheurs et les spécialistes de la poésie et de la poétique amazighes. Cette fois sur le travail de création et de recherche de Mouloud Mammeri. Avec le concours de l’Education nationale, et au niveau des écoles, collèges et lycées du pays, sont prévus des cours à la mémoire de l’écrivain lors de la journée nationale du 18 avril. Des clubs de lecture seront présents dans plusieurs établissements pour partager avec les élèves le magnifique texteTabrat i Muhend Azwaw (lettre à Mohand, le jeune), exhortant la jeunesse à la sauvegarde du patrimoine, à puiser dans la connaissance des ancêtres, à reprendre le flambeau de l’authenticité en s’ouvrant à l’universel.
Tamazight tura…
Le 20 avril, Journée de commémoration du Printemps berbère de 1980, une séquence-clé dans la défense de l’amazighité en Algérie et à laquelle avait pris part Mouloud Mammeri, le siège du HCA abritera un forum « Tamazight tura» (tamazight maintenant). Avec la participation des anciens étudiants du cours de tamazight dispensé par l’homme de lettres. Le 29 avril, la Direction de la culture de Médéa et la fondation culturelle Asselah-Ahmed et Rabah organiseront une journée évocation ainsi qu’une visite du lycée de la ville de Médéa où Mouloud Mammeri a enseigné à une époque de sa vie. Le 13 et 14 mai, une journée d’étude «de l’œuvre cinématographique, histoire d’un transfert sémiotique : l’apport de Mammeri revisité à l’aune du septième art» sera organisée à l’université d’Oran 2, une occasion pour connaître la contribution de l’écrivain au cinéma algérien, soit par l’adaptation de ses œuvres, soit par sa contribution à l’écriture documentaire (l’Aube des damnés d’Ahmed Rachedi).
Du 10 au 24 juin, la pièce le Foehn de Mouloud Mammeri, écrite en 1982, sera l’occasion d’une tournée dans les willayas de Béjaia, Bouira, Boumerdès, Oran, Batna et Constantine. Du 8 au 22 juillet, les willayas d’Annaba, Jijel, Tlemcen, Boumerdès, Tizi Ouzou, Aïn Témouchent et Illizi accueilleront des caravanes bibliobus avec une thématique centrée sur l’œuvre de l’écrivain. La Maison de la culture de Bejaia, apprend-on également, inaugurera du 16 au 17 septembre une exposition photographique sur l’œuvre et la vie de Mouloud Mammeri. Le 31 octobre, un colloque international sur « l’apport de Mouloud Mammeri à la connaissance de l’amazighité» sera organisé à Alger, probablement en même temps que le Salon international du livre d’Alger, Sila 2017. Ce colloque sera organisé par le Centre national de recherche en préhistoire (CNRPAH) sous la direction de Slimane Hachi, son directeur.
Justice pour l’intellectuel qui a consacré toute sa vie à la défense de l’identité et la culture berbères
Sous l’égide du président de la République, le ministère de la Culture, le HCA et de nombreux partenaires institutionnels sont mobilisés pour fêter le centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri (1917-2017). Pour ceux qui connaissent le parcours de l’écrivain, chercheur et défenseur acharné et intelligent de la cause amazighe en Algérie, cette célébration n’est que justice pour un intellectuel qui a consacré toute sa vie à la défense de l’identité et la culture berbères avec un souci jamais démenti pour l’ouverture. C’est aussi un pied-de-nez à ses détracteurs qui furent nombreux avant et après 1962, ceux qui ne l’ont pas lu réellement, ne l’ont pas compris, ou ceux qui ne le supportaient pas par jugements idéologiques et politiques. Slimane Hachi, actuel directeur du CNRPAH, qui a été l’un de ses étudiants et disciples en anthropologie dira : «Mammeri a traversé une partie du 20e siècle, il a été le témoin des bouleversements qui l’ont marqué. C’est pour cette raison qu’il s’est investi dans le travail de réappropriation identitaire et de dévoilement du patrimoine immatériel de l’Algérie.» Le cinéaste Ahmed Rachdi exprimera sa reconnaissance envers celui auprès de qui il a « beaucoup appris» et grâce à qui il a pu faire un des films les plus célèbres du cinéma algérien. L’Opium et le Bâton, une fiction réalisée en 1969 à partir du roman et que le romancier n’aurait pas beaucoup apprécié. « J’ai écrit une histoire d’amour et tu en as fait un film western», rapporte le cinéaste avec humour, un trait distinctif du grand écrivain aussi. Un timbre à l’effigie de Mammeri sera réalisé par Algérie Poste, l’Anep se chargera de la réédition de son œuvre romanesque, un film biographique lui sera consacré par le HCA, qui se chargera de la traduction en tamazight de l’Opium et le Bâton, et un musée dédié à l’œuvre et à la mémoire de l’écrivain sera réalisé par le ministère de la Culture. Le CNRPH, qu’il a dirigé dans les années 1970, portera son nom, selon Slimane Hachi.