La politique de «la terre pour celui qui la travaille» est révolue, la terre appartient, désormais, à celui qui la préserve; pour les générations futures.
C’est, du moins, la conviction du ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, qui s’est exprimé lors de la séance consacrée à l’examen de la loi fixant les modalités d’exploitation des terres agricoles du domaine privé de l’État à l’APN.
Néanmoins, la réalité est autre sur le terrain, l’application de cette loi a suscité moult critiques de la part des députés. Son application sera des plus difficiles lorsque l’on sait que le nombre de titres de propriété bloqués depuis trois ans dépasse les 13 000 et que leur déblocage n’est pas pour demain, selon les députés.
La durée de la concession est fixée à 40 ans, parce que, selon nos expériences et les études menées par les experts, c’est une période sur deux générations qui permet de sécuriser l’exploitant.
Ce projet de loi vient clarifier et donner une visibilité aux agriculteurs et aux producteurs, et ce, conformément aux dispositions de la loi d’orientation agricole promulguée en août 2008 et qui avait précisé que la gestion des terres du domaine privé de l’État devrait être faite sous forme de concessions. Le débat sur la gestion des terres agricoles du domaine privé de l’État a été amorcé en 1996 et de manière intense depuis 2000.
La valorisation des terres, relevant des EAC et EAI estimées à 2,5 millions d’hectares de terres agricoles, est l’un des autres objectifs du projet de loi. Le texte, qui concerne quelque 200 000 exploitants repartis sur environ 100 000 exploitations, devra également fixer les droits et obligations des exploitants concessionnaires.
La surface agricole destinée à l’exploitation en Algérie est estimée à 8,5 millions d’hectares dont 6 millions sont des terres de statut privé.
Selon le ministre, le projet de loi vise à lever certaines contraintes et à substituer le droit de concession au droit de jouissance au profit des exploitants agricoles individuels et collectifs tout en réunissant les conditions nécessaires à une meilleure intégration dans l’environnement économique et en soutenant les agriculteurs en tant que producteurs.
Ainsi, le contrat de concession sera accompagné d’un cahier des charges dont les obligations et les droits de tous les acteurs seront définis. Cette formule donne à son titulaire la possibilité d’accéder au crédit bancaire et à nouer des partenariats avec des investisseurs nationaux dans un cadre très transparent et très clair.
Outre le fort accent mis sur une politique alimentaire de qualité et diversifiée, le projet de loi offre aux agriculteurs le droit de céder la concession contrairement à l’ancien système qui ne permettait pas aux agriculteurs de conclure des partenariats ou de vendre leurs droits, a fait remarquer Baïzid Benlarbi, rapporteur de la Commission de l’agriculture, de la pêche et de la protection de l’environnement de l’APN.
Dans ce sens, il a été nécessaire de réactiver l’Office national des terres agricoles qui aura pour mission de régir par délégation du Domaine national, l’octroi des concessions des terres agricoles du domaine privé de l’État, ainsi que la régularisation des titres des exploitants agricoles.
La nouveauté dans le projet de loi a trait à une responsabilisation individuelle, ce qui signifie que les contrats de concession seront accordés aux individus à charge pour eux, s’ils désirent de travailler en groupe pour rentabiliser et moderniser leurs exploitations. Les personnes détournant la vocation agricole des terres de manière illégale ne pourront pas bénéficier des dispositions de la nouvelle loi, a affirmé Benaïssa.
Rebiha Akriche
Foncier agricole: Le gouvernement tient à sa réforme
En dépit de tout le vacarme qui a tant gravité autour, le gouvernement défend, vaille que vaille, son projet de réforme du foncier agricole. Hier, c’est le secrétaire général du ministère de l’Agriculture, Ahmed Ferroukhi, qui a répondu aux critiques sur la radio Chaîne III.
Cette réforme donne « des garanties d’exploitation rationnelles pour permettre aux exploitants d’avoir la visibilité suffisante pour développer leur activité », a-t-il assuré, soulignant que la durée de concession fixée à 40 ans au lieu de 99 ans à la faveur des points de vue des experts et l’expérience de ce qui existe dans des pays analogues. « Elle correspond à deux générations et permet donc la sécurisation des exploitants », a-t-il ajouté.
Il est nécessaire de rappeler dans ce contexte que cet avant-projet de loi qui n’a pas encore été rendu public suscite déjà de fortes réserves auprès des organisations professionnelles d’agriculteurs. Outre, la réduction significative de la durée de jouissance de terres agricoles octroyées par l’État, les critiques portent également sur les modalités de retrait du droit de concession.
Alors que la loi 87-19 disposait que la déchéance ne pouvait être prononcée que par voie judiciaire, le nouveau projet introduit, en substitution, le retrait par la voie administrative, un retrait exercé à travers l’Office national des terres agricoles qui vient d’être installé.
Les organisations professionnelles agricoles considèrent que cette disposition diminue la sécurité juridique indispensable à l’agriculteur et la place à la merci de comportements abusifs de l’administration.
Par ailleurs, dans l’ancienne mouture, les infrastructures, notamment les bâtiments d’exploitation, édifiés sur l’assiette de l’exploitation sont considérées propriété des attributaires. En revanche, le nouveau projet de loi ne reconnaît pas le droit de propriété sur ces biens mais il concède, dans un cadre déterminé, un droit à indemnisation en cas de non renouvellement de la concession.
La location des bâtiments d’exploitation autorisée par la loi 87-19 est interdite dans le nouveau dispositif. Les agriculteurs considèrent, pourtant, que cette location, lorsqu’elle est justifiée, procure des recettes complémentaires indispensables à l’exploitation. Ils admettent, néanmoins, que la location soit restreinte aux activités de caractère strictement agricole.
Les contestations des professionnels en la matière portent, également, sur l’absence de solution pratique pour le financement de l’exploitation agricole. Ils considèrent que le simple rappel du droit d’hypothèque auprès des banques est insuffisant. La loi 87-19, pourtant plus sécurisante pour les attributaires, n’avait pas eu raison du rejet systématique par les établissements financiers de ce droit d’hypothèque.
Il est nécessaire de rappeler, dans ce sillage que le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, considère que ce réajustement dans la jouissance des terres agricoles par les anciens bénéficiaires des coopératives agricoles devrait donner plus de visibilité à la relance de la production agricole en Algérie.
H.M.