La session parlementaire de printemps qui s’ouvre aujourd’hui s’annonce houleuse avec, notamment, la présentation de la proposition de loi relative à la criminalisation du colonialisme français en réponse à la loi du 23 février glorifiant ce dernier adopté par le Parlement français.
Hier, c’était le branle-bas de combat au siège du parti du FLN. Les membres du secrétariat exécutif élargi aux cadres parlementaires ont tenu une réunion à huis clos. Selon les indiscrétions, ce qui fait courir Belkhadem et ses troupes, c’est ce projet de texte dont la paternité est sujette à polémique et à récupération.
Il semble que les choses vont s’accélérer à la faveur de la session parlementaire qui verra, selon les observateurs avertis, l’un des débats les plus passionnants de l’hémicycle de Zighout Youcef, notamment en raison du froid qui s’est installé entre Paris et Alger après les déclarations de Kouchner et les adeptes des bienfaits du colonialisme dans l’Hexagone. Le FLN tente apparemment de reprendre les rênes après avoir pris ses distances.
Il faut rappeler que la proposition de loi a été introduite par le député Moussa Abdi qui est d’obédience FLN, soutenu par 120 députés. Selon toute vraisemblance, la proposition sera tranchée lors de cette session. Au mois de janvier dernier, juste avant la clôture de la session d’automne, le Bureau de l’APN avait exigé des députés concernés de reformuler le texte.
Ce sera donc une nouvelle mouture qui sera présentée. Tout est parti de cette annonce officielle livrée début février par le député FLN, Moussa Abdi : «Une proposition de loi criminalisant le colonialisme français de 1830 à 1962 a été déposée le 13 janvier au bureau de l’Assemblée populaire nationale (APN).
Le projet sera soumis au gouvernement avant d’être adopté par le Parlement probablement lors de la session de printemps», a déclaré à Alger ce professeur d’histoire à Chlef, au cours d’un débat au Forum du quotidien El Moudjahid.
Ladite loi est composée de vingt articles. L’article 1 stipule que «Le but de cette loi est de condamner la colonisation française, ainsi que tous les actes criminels commis en Algérie de 1830 à 1962, et toutes les conséquences négatives qui en découlent.
L’article 2 précise que «Sont considérés comme actes criminels les crimes de guerre, les crimes collectifs et les crimes contre l’humanité, contraires aux droits de l’Homme, aux Conventions de Genève et aux articles 5, 6, 7 et 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale ».
Dans son article 3, le texte indique que «La prescription n’est pas applicable aux actes criminels cités dans l’article 2, et aux conséquences négatives qui en résultent».
Quant à l’article 4, il révèle qu’ «Un tribunal criminel algérien sera spécialement créé dans le but de juger tous les criminels de guerre et les crimes contre l’humanité».
L’article 5 va plus loin, il précise que «Sera jugée devant le tribunal criminel algérien toute personne ayant commis ou participé à tout acte contre le peuple algérien cité dans l’article 2 de cette loi».
L’article 6 indique que «Le gouvernement algérien garantit les droits de la défense aux accusés devant le tribunal criminel algérien».
L’article 7 avertit que «L’accusé sera convoqué selon les normes en vigueur, et s’il ne se présente pas, sera recherché par Interpol s’il n’est pas sur le territoire algérien». L’article 8 soutient que «Les audiences du tribunal criminel algérien seront publiques ».
L’article 9 mentionne que «le tribunal criminel algérien rend des jugements définitifs». L’article 10 est catégorique : «Le tribunal criminel algérien ne prend en considération ni le poste occupé par l’accusé ni sa nationalité durant toutes les étapes du procès».
L’article 11 estime que «Toute victime de guerre ou de crime contre l’humanité a le droit de porter plainte devant le tribunal criminel algérien, et de demander réparation et dommages pour les préjudices causés par lesdits crimes».
L’article 12 va encore plus loin, il stipule que «Les organismes et associations algériens peuvent représenter les victimes décédées et celles n’ayant personne pour les défendre devant le tribunal criminel algérien, et peuvent se constituer partie civile durant toutes les étapes du procès». L’article 13 est sans ambages : «En cas de décès de l’accusé, le gouvernement français assume toutes les poursuites judiciaires».
Idem pour l’article 14 : «le gouvernement français assume tous les crimes commis contre le peuple algérien pendant la colonisation, et leurs effets retardateurs sur la marche civilisationnelle de développement de l’Algérie de 1830 à 1962, ainsi que toutes les conséquences, jusqu’à ce jour, des mines et des radiations résultant des essais nucléaires».
L’article 15 exige que «La France doit remettre à l’Algérie toutes les archives nationales de toute nature (écrite, sonore ou visuelle), ainsi que tout monument historique pillé». L’article 16 ajoute que «La France doit remettre à l’Algérie les listes des Algériens recherchés, morts ou vivants, en mentionnant leur localisation, ainsi que les listes des exilés».
Et de poursuivre dans l’article 17 : «La France doit remettre à l’Algérie les plans des lieux où se trouvent des mines, ainsi que des lieux où se trouvent des substances potentiellement dangereuses pour la population et le territoire ».
L’article 18 est sans équivoque, il met à dos l’Etat français en signifiant que «L’avenir des relations bilatérales entre les deux pays restera lié à la reconnaissance de ces crimes par la France, dont le peuple algérien tient à recevoir des excuses, et à la réparation des préjudices moraux et matériels causés durant colonisation ».
Le texte dans son article 19 rappelle que «Cette loi entre en vigueur et sera applicable dès son adoption par le Parlement». Et, enfin, l’article 20 instituera «Cette loi sera publiée dans le Journal Officiel de la République algérienne démocratique et populaire».
Moufida R.