Campé sous sa tente à Berkley Square, dans le quartier huppé de Mayfair, le PAD attire les Français qui vendent mieux, plus vite et plus cher que dans la capitale parisienne plongée dans la morosité.
Le marché de l’art bat son plein à Londres! En une semaine, les amateurs n’auront pu tout voir, entre le PAD qui accueille 60 exposants sous sa tente à Berkley square, Frieze Master, le salon en pleine ascension pour son mélange d’œuvres haut de gamme et la Frieze Art fair qui concentre tous les artistes en vogue du moment.
Avec ces trois événement phares, il faut compter de multiples expositions comme l’installation spectaculaire d’un monde en ruine de l’Argentin Adrian Villar Rojas à la Serpentine Sackler Gallery, une ancienne poudrière du début du XIXe siècle entièrement relookée sans grande inventivité par Zaha Hadid, dans Hyde Park. Mais aussi plusieurs «one man show» dans des galeries comme celui de l’Américain Jeff Elrod chez Simon Lee (12 Berkeley street) A peine accrochées sur les murs blancs, ses acryliques aux signes hybrides de plus de deux mètres de haut étaient déjà toutes placées dans de grandes collections, à des prix entre 40 000 et 80 000 dollars. Les discussions pour décrocher une pièce battaient leur plein, tant l’artiste qui vient d’avoir une exposition au MoMa PS1, lieu de référence qui fait sortir les futurs noms du marché, s’annonce comme la nouvelle coqueluche des collectionneurs.
Jamais on a vu autant de Français dans la capitale britannique. A commencer par les marchands venus chercher ici le client beaucoup plus fortuné qu’à Paris et surtout plus disposé à acheter de l’art sans réfléchir des jours durant et sans discuter les prix. Au PAD, plus de la moitié des galeries sont françaises. On imagine que son organisateur Patrick Perrin aura bien du mal à remplir son salon parisien du même nom, aux Tuileries, si l’hexagone continue de s’enfoncer dans une morosité économique. D’ailleurs ce dernier a annoncé l’ouverture d’une troisième enseigne, du 23 au 27 avril 2014, à Los Angeles, ville qui a de plus en plus le vent en poupe.
Fréquenté par le must de l’aristocrate anglaise et un public très chic d’amateurs et de décorateurs, ce salon a une tonalité surtout XXe, avec une large part dédié au design et au mobilier d’après -guerre. Le reste, on le regarde moins. Et mieux vaut ne pas s’aventurer dans certains coins où des stands au goût assez médiocres frisent beaucoup trop la déco! Sous la tente de Mayfair, le mélange des époques fonctionnent nettement moins bien qu’au salon Frieze Master, campé à Regent’s Park, certes deux fois plus grand, mais harmonieusement choisis avec des galeries d’aussi grand renom qu’à Maastricht. Formidablement placée à l’entrée du PAD, la galerie Kreo revient après plusieurs années d’absence. Elle a fait le bon choix car dès le lundi, pour le vernissage VIP plus chic que celui du lendemain, la rare table en aluminium de Marc Newson était réservée pour un prix de 280 000 euros et les deux luminaires de Sarfati étaient vendus autour de 30 000 euros. Ce fut le même succès pour la Carpenter’s Gallery qui a cédé pour 40 000 livres, mardi, son immense banc de Rick Owens occupant toute la longueur du stand sous des œuvres en grisaille exposées au Magasin de Grenoble, avant d’être achetée par la Galerie de France et retravaillées avec des miroirs par Michelangelo Pistoletto.
«Ici les gens se décident plus vite et ils ajoutent un zéro sans problème». Tel est le constat de François Laffanour (galerie Dowtown), habitué de toutes les foires jusqu’à celle de Maastricht. Le jour de l’ouverture au public, il n’avait toutefois pas encore vendu sa grande lampe liane de Jean Royère occupant tout le mur, son prix étant tout de même de 600 000 euros. Il devrait nous éblouir, très prochainement pendant la semaine de la Fiac, avec une épaisse table en bois de Pierre Jeanneret pour la maison de Jean et Madeleine Prouvé, présentée dans la galerie de la rue de Seine.
Mais la pièce la plus inventive de ce salon se trouve chez Maria Wettergren qui fait trôner la chaise liane de Mathias Bengtsson, un Danois de 32 ans particulièrement inventif. Il a poussé les limites de la 3D pour dessiner cet objet sculpture, calqué sur une plante qui pousse dans une jungle tropicale virtuelle simulée par un programme informatique. Le tout est ensuite fondu dans le bronze à la technique ancienne de la cire perdue. Le prix de 80 000 euros vaut son poids de bronze patiné et doré. Ici l’art frôle la recherche. Cette œuvre novatrice aurait du recevoir la récompense du plus bel objet design par le PAD…
Pour le XXe, c’est le bar à ski de Dupré-Lafon exposé par Jean-Jacques Dutko qui a eu les honneurs. «Même si la pièce est incroyable, elle a perdu tout attrait de nouveauté» déclarait un spécialiste de l’Art Déco. Elle a été montrée maintes fois depuis des années et il en existe d’autres versions. Celle-là aurait été jadis dans la collection de Simone et Claude Dray dispersée il y a quelques années chez Christie’s, avant que celui-ci ne soit retrouvé abattu dans son hôtel particulier de Neuilly sur Seine.
PAD London, jusqu’au 20 octobre, Berkeley Square, Londres, www.pad-fairs.com/london