L’Algérie rencontrera des responsables des Nations unies le mois prochain pour tenter de résoudre les cas des personnes disparues et oeuvrer à la réconciliation nationale.
« Le gouvernement fournira toutes les informations sur ce sujet et mettra à disposition ses moyens d’enquête en réponse aux demandes faites par les familles des personnes disparues », a déclaré le chef de la diplomatie algérienne Mourad Medelci lors de la 13ème session du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, le 29 mai à Genève, en Suisse, où a été publié le rapport périodique sur la situation des droits de l’Homme en Algérie.
Medelci a indiqué que cette réunion en juillet avec le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires (Working Group on Enforced or Involuntary Disappearances – WGEID) sera organisée dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, ajoutant que « les autorités souhaitent convaincre les familles que le discours officiel est sérieux ».
« Cette réunion, la première en son genre, nous permettra de présenter les différentes mesures prises par le gouvernement pour résoudre cette affaire », a ajouté le ministre.
Kamel Rezzag-Bara, conseiller de la présidence algérienne, a expliqué que « les contacts avec diverses agences des Nations unies nous ont permis de traiter soixante-quatre cas et d’apporter des réponses à une centaine d’autres cas. »
Cette initiative fait suite au rapport mondial 2012 de Human Rights Watch, qui critique l’Algérie pour avoir ignoré les demandes de visite dans le pays par cinq groupes spéciaux du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, parmi lesquels le WGEID.
Les Nations unies ont condamné l’Algérie pour deux cas de disparition forcée. Le premier est celui de Kamel Jabrouni, 31 ans, qui avait été arrêté en novembre 1994 à Alger et qui n’a jamais été retrouvé. Le second est celui de deux frères, Jamal, 19 ans, et Mourad Shayhub, 16 ans, arrêtés à leur domicile en mai et en novembre 1996.
Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a demandé à l’Algérie de « mener une enquête complète et précise sur ces disparitions » et de « fournir les détails des résultats de ses investigations et de les publier immédiatement ». Le comité a également souligné la nécessité pour l’Algérie de « poursuivre et punir les responsables de ces violations et de verser une indemnisation en conséquence à leurs familles. »
Les organisations des droits de l’Homme ont accueilli favorablement la volonté de l’Algérie de travailler avec les Nations unies, mais ont conservé une attitude critique sur la question des personnes disparues dans le pays.
Parallèlement à cette réunion à Genève, SOS Missing a organisé un séminaire lors duquel elle a publié son rapport sur les statistiques actuelles et organisé un forum où les militants des droits de l’Homme et les ONG ont entendu les témoignages des familles. Les participants ont critiqué le traitement de cette affaire par l’Algérie, sa méthode d’indemnisation financière, ses procédures judiciaires et son manque de communication avec les familles quant au sort de leurs proches.
Nacera Dutour, présidente du Rassemblement des familles des personnes disparues en Algérie, a expliqué à Magharebia que son association « n’avait reçu aucune invitation de participer à la prochaine réunion prévue en juillet ».
Elle a ajouté qu’alors que de nombreuses familles font valoir leur droit à connaître la vérité, son organisation s’était rendue à Genève pour présenter son rapport au Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions contraintes ou involontaires, dans lequel elle a pu recueillir plus de huit mille témoignages sur les disparitions forcées en Algérie.
Le président du Comité national consultatif pour la promotion et la protection des droits de l’Homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, a déclaré dimanche à la radio qu’il sera impossible d’ouvrir une enquête sur tous ces enlèvements. Même les familles qui utilisent le slogan « vérité et justice » n’ont présenté aucune suggestion sur la manière de transcrire ce slogan sur le terrain, a-t-il déclaré.
Ksentini a expliqué que selon les statistiques de la gendarmerie nationale, il existe près de 7 200 cas de disparitions forcées, et que l’Etat a versé une indemnisation à 95 pour cent d’entre eux. Seul un très faible pourcentage refuse encore toute indemnisation, a-t-il ajouté.